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Le triomphe de la vérité

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Bombardement atomique du 9 août 1945 à Nagasaki: La survivante Michiko Harada retrace le film du traumatisme japonais


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La septuagenaire Michiko Harada montre les dessins qui retracent son histoire du 9 août 1945

Le 9 août 1945, en pleine deuxième guerre mondiale, les Etats-Unis larguent une bombe atomique sur la ville de Nagasaki, à l’époque l’un des plus grands ports de l’ouest du Japon mais aussi pilier du complexe militaro-industriel japonais. La bombe tue plus de 70.000 personnes. Plus de 70 ans après l’attaque, Michiko Harada, une survivante de la bombe revient sur ce traumatisme dont les cicatrices sont restées profondes.

Nagasaki, le 09 août 1945. Il faisait beau ce jeudi matin. Un peu avant 11 heures, un avion de chasse américain, un bombardier B-29 déchire le ciel. Il est piloté par le major Charles Sweeney et a, à son bord, « Fat man », une bombe atomique. Parti de l’île de Tinian, dans l’archipel des Mariannes, le bombardier devait initialement larguer la bombe sur la ville de Kokura mais Sweeney décide de se reporter sur Nagasaki, du fait de la couverture nuageuse sur la ville. Il est 11H 02 minutes lorsqu’à 500 mètres d’altitude, Sweeney lâche « Fat man » sur la cathédrale d’Urakami, principal lieu de culte des chrétiens du Japon. Certaines sources affirment que le bâtiment de la cathédrale a été confondu à un bâtiment portuaire par Sweeney. « C’était comme une boule de feu qui avait tout englouti sur son passage. De loin, elle était perçue comme un champignon, comparable au soleil qui expédiait plusieurs rayons de plusieurs millions de degrés Celsius », se rappelle avec douleur, Michiko Harada, 76 ans. Rencontrée par l’Evènement Précis à Nagasaki en 2016 dans le cadre d’une visite du Musée de la Bombe atomique de Nagasaki, la survivante de cette explosion, âgée de six ans au moment du drame, raconte en sanglots, comment en 10 secondes, cette explosion a anéanti Nagasaki. « Ce matin-là, je m’amusais avec ma jeune sœur de 3 ans. Notre mère séchait le linge. Notre pays était en guerre avec les Américains. La sirène qui annonçait l’arrivée de l’ennemi avait à peine sonné quand tout a basculé. C’était semblable à un éclair différent de celui du tonnerre », relate Michiko. Selon le Musée d’histoire de Nagasaki, la puissance de la bombe s’est manifestée en une explosion dont la chaleur et la radiation ont détruit Nagasaki en quelques secondes. Elle était estimée à l’explosion de 5.200 camions portant chacun 4 tonnes de dynamite. Michiko Harada explique n’avoir eu aucune crainte, malgré l’explosion. Coiffée de la petite capuche qu’elle portait à l’époque, lors des attaques de l’ennemi, la survivante montre aux visiteurs du musée, des dessins illustrant sa bravoure et le rôle de secouriste qu’elle a joué lors du drame, malgré les flammes et son jeune âge. « Ma mère m’avait ordonné de rentrer dans la cachette avec ma petite sœur. C’était une case souterraine qui nous servait d’abri et de cachette quand les ennemis envahissaient Nagasaki. Mais au moment de rejoindre l’abri, j’ai été projetée par l’explosion. Notre maison venait d’être pulvérisée. Plusieurs morceaux de verre me pénétraient dans le corps. J’y suis tout de même parvenue, avec ma mère et ma sœur dans ses bras. La peur qui gagnait déjà les cœurs, la forte chaleur qui embrasait les couloirs de la cachette nous rendaient la vie impossible. J’ai décidé de sortir de la cachette et ça a été le choc. Tout était déjà fini. Plus rien n’existait sur plusieurs kilomètres. Les maisons majestueusement dressées n’étaient plus que ruines et décombres. Les colonnes de feu qui dominaient dans les ruelles étaient associées à une masse de flamme qui s’échappait des débris », se souvient la septuagénaire, décrivant une ville en feu. En dix secondes, la vie venait de s’arrêter à Nagasaki, laissant place au chaos. Comme si elle revivait l’attaque, Michiko Harada se bouche les oreilles : « Ce bruit résonne encore dans ma tête ».

Des séquelles radioactives sur plusieurs générations
Plus de 70.000 morts, des brulés par dizaines de milliers, des dégâts matériels considérables avec 80% des bâtiments détruits. Nagasaki venait de connaître le même destin que Hiroshima, principale ville d’art et d’histoire du Japon après Kyoto, mais aussi important centre d’approvisionnement et base logistique pour les forces armées. Les survivants des attaques des deux villes, appelés « hibakusha » (« exposés à la bombe »), sont estimés à 450.000. Pour eux, commençait une vie de souffrances physiques et psychologiques. La « hibakusha » Michiko Harada se rappelle avoir perdu toute sa famille en quelques années. « Ma petite sœur, âgée seulement de trois ans, n’a pas résisté au gaz. Elle est morte sur le champ. Ma mère était contente de revoir mon père qui revenait des champs avec une blessure à la tête. Il avait la diarrhée, la fièvre et de fréquentes crises cardiaques. Personne ne pouvait dire ce dont il souffrait. Très inquiète, ma mère s’est occupée de lui. Mais mon père s’affaiblissait de jour en jour. Il est mort 18 ans après l’explosion. Les personnes de ma famille qui ont survécu à l’explosion sont mortes l’une après l’autre », confie-t-elle, la voie émue. Des actions ont été entreprises par les autorités japonaises pour faire face aux effets des deux bombes, qui se sont propagés sur plusieurs générations. Au lendemain des attaques, une liste des victimes a été établie et a permis aux autorités de la ville de se pencher sur les effets secondaires de la bombe. Soixante-dix ans plus tard, la situation est revenue à la normale. Les malformations enregistrées lors des naissances, ainsi que les taux élevé de mortalité maternelle et infantile ont connu une baisse considérable. Ceci a été possible grâce aux nombreux efforts consentis par les autorités japonaises, notamment la mairie de Nagasaki à travers le suivi et la prise en charge des femmes en état de grossesse. Matahari Junko, Chef du service de la santé de l’hôpital de la mère et de l’enfant de Nagasaki, rencontrée en 2016, explique que les soins médicaux de la femme enceinte sont pris en charge par la mairie de la ville. Dès les tous premiers jours de sa grossesse, cette dernière doit déclarer son état à la mairie pour bénéficier d’un suivi. Un médecin est alors mis à sa disposition. La femme enceinte se rend ensuite à l’hôpital de la mère et de l’enfant de Nagasaki, pour recevoir des carnets de suivi et de soins qui lui indiquent les comportements à adopter, les vaccinations, les types d’aliments à consommer, et d’autres détails devant lui garantir un accouchement dans les meilleures conditions. Ces mêmes documents sont aussi adressés au père de l’enfant. Une quinzaine d’examens est prévue pour le suivi de la santé de la mère et de celle son enfant. La municipalité prend aussi en charge les soins du bébé jusqu’à l’âge de trois ans. Cette mesure a eu des résultats positifs dans l’amélioration de la santé de la mère et de l’enfant à Nagasaki. Selon certains documents, le nombre de bébés nés entre 2007 et 2010 est passé de 3.365 à 3.353 et de 3.230 à 3.305 entre 2011 et 2013. Si le nombre de décès de bébés a connu un pic en 2010, il est passé de 10 à 8 entre 2011 et 2013. Malgré les résultats encourageants dus aux efforts consentis par les autorités municipales de Nagasaki, on note néanmoins un faible engagement des femmes à procréer. Une situation qui est due aux malformations des bébés à la naissance. « Les femmes âgées de 30 à 34 ans sont les plus nombreuses à procréer, déclare Matahari Junko. Selon certains documents, elles sont à peine 1100 femmes de cette tranche d’âge, à donner naissance par an. Ceci, entre 2010 et 2013. Celles âgées entre 25 à 29 ans sont environ 900 à procréer par an, entre 2010 et 2013. Aussi, le nombre de bébés à Nagasaki est limité à 1,4% par foyer. Un résultat qui témoigne de la réticence des femmes à donner vie, malgré les nombreux efforts consentis. « Plusieurs années après l’explosion, j’avais peur d’avoir un bébé. Les femmes qui sont sorties vivantes de cette explosion donnaient naissance à des enfants qui avaient des malformations physiques ou qui mouraient à la naissance. J’ai enfin fait un enfant qui n’avait aucune séquelle. Aujourd’hui, il a grandi et a aussi des enfants épargnés des effets secondaires de la radioactivité. Je suis très heureuse et je rends grâce », se réjouit Michiko Harada.

Le Japon, leader du mouvement mondial contre les armes nucléaires

Le drame de Nagasaki n’est malheureusement pas la seule plaie radioactive que porte le Japon. Le 6 août 1945, une première bombe atomique, « Little Boy », avait réduit en cendres la ville d’Hiroshima, et fait près de 140.000 morts. Les bombardements d’Hiroshima et Nagasaki, en pleine deuxième guerre mondiale, ont alors poussé le Japon à capituler. Le 2 septembre 1945, un traité fut signé entre les représentants de l’empereur japonais Hirohito et du président américain, Harry Truman. Douze ans après, en décembre 1967, le gouvernement japonais s’est résolument engagé à adopter ses trois « principes nucléaires » à savoir : ne pas fabriquer, posséder ou laisser entrer sur son territoire d’armes nucléaires. Un engagement dont se souvient le peuple nippon, 70 ans après. « En tant que seul pays au monde à avoir subi une attaque nucléaire en temps de guerre, je réaffirme ma détermination à jouer un rôle d’exemple dans la recherche d’un monde sans armes nucléaires et dans le maintien des trois principes du non-nucléaire », déclarait le premier ministre Shinzo Abe, le 9 août 2015. Le 15 août marque ainsi la renaissance du Japon sur le plan politique, social, économique et fait rappeler son engagement à lutter efficacement contre les armes nucléaires.

Rastel DAN

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