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Le triomphe de la vérité

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Edito: Construire le vainqueur


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Sur les 23 Bleus qui ont fait le bonheur de la France depuis dimanche, 14 sont d’origine africaine. Certains journaux européens ainsi que des personnalités du monde n’ont pas manqué d’en tirer des conclusions hâtives. Le journal italien la Republica et l’agence de presse Adnkronos affirment sans détour que « c’est l’Afrique qui a gagné et non la France ». Sur sa page Facebook, Ernesto Sica, un conseiller municipal du parti italien d’extrême droite Fratelli d’Italia a publié le message suivant : « Pour la première fois, une équipe africaine remporte la Coupe du monde de football ». Le Corriere della Sera décrit l’équipe de France comme « une équipe de champions africains mélangés à de très bons joueurs blancs », face à une équipe croate « de blancs au centre de trois grandes écoles (de foot, ndlr), l’allemande, la slave et l’italienne ».
Et vous avez tous suivi ce qu’en a dit hier Barack Obama qui a salué une équipe de France dont les joueurs « ne sont pas tous des Gaulois » ou encore le président vénézuélien Nicolas Maduro pour qui « l’équipe de France ressemblait à l’équipe d’Afrique. En vrai, c’est l’Afrique qui a gagné… » Dans son émission humoristique Daily Show, l’animateur américain Trevor Noah n’a pas manqué d’ironiser hier mardi en affichant un stupide : « Congratulations to Africa on winning the 2018 Men’s World Cup!» (« Félicitations à l’Afrique pour avoir gagné la coupe du monde 2018 ! »). Et Nicolas Batum, basketteur tricolore d’origine camerounaise, de répondre hier à tout ce monde : « … j’ai gagné des trophées et médailles avec l’équipe de France depuis que j’ai 15 ans, je chante La Marseillaise, je crie haut et fort que je suis français quand je suis aux USA…. nous tous on se bat et on joue pour la France car nous sommes nés ici, avons grandi ici, avons appris notre sport en France, avons la fierté d’avoir la nationalité française.» Point barre.
Mais au-delà de tout, cette victoire pose une question simple : d’où vient-elle ? Est-ce une préparation patiente et passionnée qui fait les génies ou une destinée construite par une puissance surnaturelle depuis le ventre de la mère ?
Dans un article publié en 2016, le psychologue K. Anders Ericsson, co-auteur d’un livre intitulé Peak : Secrets from the new science of expertise, écrivait ceci : « Le talent inné a peu de chose à voir avec le succès ultime d’une personne ». Le facteur le plus déterminant selon lui est la manière dont l’enfant grandit avec des parents qui investissent du temps et des efforts pour construire son succès. Son article fait écho au livre d’un autre psychologue, Banjamin Bloom qui a publié en janvier 1985 un ouvrage intitulé Developing talent in young people, ouvrage dans lequel lui et ses collègues rendent compte d’études menées sur 144 personnes de grande performance dans divers domaines : la natation, le piano, le tennis, la sculpture et les neurosciences. Leur objectif était de découvrir ce qui a pu propulser ces génies à une telle maîtrise de leurs sciences, de leurs arts et de leurs sports. Et ce qu’ils découvrent, c’est ceci : « quand ils étaient encore enfants, ils ont tous eu le soutien d’un adulte », écrit le psychologue qui ajoute : « cette personne leur a dit qu’ils sont spéciaux et qu’ils ont ce potentiel unique ». Bien sûr, chacun a pu développer ce potentiel aux côtés d’un maître ou d’un mentor en suivant la règle de l’amélioration progressive et continue. Cela suppose aussi que le parent, le coach ou le mentor doit croire aux capacités de son enfant, qu’il doit avoir foi que son investissement finira par payer. Le dire et le redire à l’enfant tous les jours, constituent l’une des clés des talents et des génies extraordinaires qu’ils finissent par devenir.
A cet égard, les parents ont un rôle crucial à jouer. Mais à partir d’un moment, les enfants ont besoin d’un enseignant, d’un coach ou d’un modèle exigeant capable de les aider à s’élever en les motivant à donner le meilleur d’eux-mêmes.
Oui, les Bleus ont du talent, malgré leur jeune âge. Mais pour cela, il a fallu le soutien et l’accompagnement attentif et persévérant d’un parent, d’un maître, d’un coach. La question aussi est de savoir si, en tant que parents, nous sommes capables de faire ce travail de patience et de sacrifice, au service de nos enfants.

Par Olivier ALLOCHEME

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