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Le triomphe de la vérité

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Edito: La mort de la normo-communication


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Pendant les dix ans qu’il a passés au pouvoir à partir de 1996, et surtout après 2001, on peut compter le nombre de fois où le Général Kérékou était sorti de Cotonou. Hormis les périodes de campagne électorale, le vieux général restait calfeutré dans son palais, préférant suivre le travail des ministres et de leurs  cadres sur le terrain, à travers les nombreuses fiches de ses agents de renseignement tout aussi nombreux. Mais de temps en temps, il profitait d’une occasion solennelle pour lancer une boutade ou pour faire l’un de ces calembours dont il avait le secret. Ces mots d’esprit devenaient dans la minute d’après,des sujets de discussion dans le tout Cotonou et parfois dans tout le pays. Sa communication n’était pas tapageuse, elle était discrète mais percutante.

Et puis il y eut l’ère Yayi. Période de l’envahissement du marketing politique développé par une escouade de communicants aux compétences et horizons professionnels variés. Période surtout d’un Chef d’Etat accro à la télévision et presque malade du paraitre. C’est la période des sorties médiatiques fleuves où Boni Yayi passait une bonne partie du temps à circuler dans le pays, suivi par une meute de journalistes et autres communicants commis à la tâche. Elle créa la saturation, l’ennui puis la colère. Car, finalement un Chef d’Etat a-t-il besoin de tant d’agitation pour se faire entendre ? Que non !

Puis vint la normo-communication. J’en ai déjà dit qu’elle mérite d’être repensée. Il y a exactement un an, le 19 juin 2017, j’écrivais ceci : « Ce pays est habitué aux délires et je ne vois pas comment on peut le gouverner en étant d’une discrétion de monastère.
Ce qui se passe actuellement, c’est qu’il y a une armée d’activistes recrutés pour la cause, travaillant à Cotonou et ailleurs, à dénigrer systématiquement les actes du Chef de l’Etat et de son gouvernement. Ils ne se cachent d’ailleurs plus. Ils gagnent leur vie à saboter les actions du gouvernement et à noircir systématiquement tout ce qui se fait ».Car, l’intoxication et la désinformation, pour malhonnêtes qu’elles puissent paraître, n’en sont pas moins de redoutables armes politiques. Si vous n’en usez pas, vos adversaires les utiliseront et s’ils les utilisent, ils l’emporteront à coup sûr si vous vous offrez le luxe du silence.

C’est donc après avoir expérimenté ces vérités basiques que le Chef de l’Etat semble avoir demandé désormais à ses hommes de rester moins discrets. Il signe ainsi la mort officielle de ce qu’on a pu appeler normo-communication et qui était vouée à évoluer.

La stratégie communicationnelle  du régime Talon est restée jusqu’ici très proche de celle du Général Kérékou.A la différence du vieux général qui faisait quelques rares sorties agrémentées de saillies restées mémorables, Patrice Talon ne parle à son peuple qu’à des occasions solennelles. Pas de sortie impromptue vers les femmes, vers les élèves ou les étudiants, pas de virée champêtre pour constater l’évolution de la campagne cotonnière, encore moins de visite répétée sur des chantiers routiers. Après plus de deux ans d’exercice,  la seule sortie vraiment officielle à l’intérieur du pays, est celle qui l’a mené à Parakou puis Ouaké. Et là encore avec des discours convenus.

En changeant de cap, la nouvelle stratégie communicationnelle devrait permettre au Chef de l’Etat de faire ce que tous les Présidents font aujourd’hui : aller vers le peuple, communiquer avec les acteurs publics, laisser une empreinte dans les esprits sur les préoccupations majeures de notre société. Et ces préoccupations sont nombreuses : l’éducation des jeunes, le chômage, les soins dans les centres de santé publics, l’érosion du patriotisme, la cybercriminalité…Même la mévente dans les marchés devrait faire partie des thèmes de sorties présidentielles.

En la matière, Patrice Talon n’a pas à innover en réalité. Hormis Paul Biya, le Président Camerounais réputé peu communicatif et surtout constamment hors de son pays, presque tous les Chefs d’Etat de notre sous-région sont abonnés à une politique communicationnelle agressive. MohammaduBuhari, malgré son âge et les vastes pouvoirs dont il dispose au sein de la fédération nigériane, passe rarement une semaine sans s’adresser d’une manière ou d’une autre à son peuple. Même en sortant d’Afrique, un Emmanuel Macron va jusqu’à accorder des interviews régulières sur des plateaux de télévisions françaises à des heures de pointe.

         De ce point de vue, le style Talon, aux prises avec les réalités du pouvoir, est appelé à se métamorphoser pour plus d’efficacité. Car les élections approchent et rien ne sera comme avant.

Par Olivier ALLOCHEME

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