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Le triomphe de la vérité

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Fostin Kokou AGBETI, Spécialiste en Etudes Prospectives: « Le développement du secteur agro-industriel peut booster Grand-Popo »


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Géographe Aménageur et Spécialiste en Décentralisation et de la Gestion de l’Eau, Fostin Kokou AGBETI, est le Président du Conseil National de l’Association Béninoise des Spécialistes des Etudes Prospectives et du Développement. Avec lui, on parle du maraîchage dans la commune de Grand-Popo. En sa qualité de Spécialiste en Etudes Prospectives et Développement, il nous donne sa vision prévisionnelle de cette pratique dans cette commune du Mono. Lisons !

L’Evénement Précis : Vous êtes spécialiste des études prospectives et développement. D’abord, que retenir de ce titre ?

Fostin Kokou AGBETI : Le spécialiste des études prospectives et développement est celui qui dispose de l’expertise pour aider tout décideur à prendre des décisions adéquates aujourd’hui, à agir au mieux aujourd’hui pour conquérir des changements souhaités dans l’avenir. Il utilise les méthodes des sciences sociales et celles de la planification stratégique. Ainsi, il collecte les aspirations et les problèmes des acteurs de l’organisation / du système. Premièrement, il étudie le passé et le présent à travers les analyses diachronique et synchronique sur les principales tendances économiques, sociales, politiques, environnementales, culturelles et technologiques susceptibles de se développer à l’avenir. Deuxièmement, il analyse les agents de changements susceptibles de jouer un rôle important du système social générateur du développement. Enfin, troisièmement, il analyse les futurs alternatifs pour formuler des stratégies de développement à long terme, les politiques publiques, les plans, voire les programmes et projets de développement.

Partagez avec nous l’historique du maraîchage dans la commune de Grand-Popo
Certains producteurs situent l’introduction du maraîchage dans la commune au début des années 1965 où il est pratiqué par les femmes d’Ayiguinnou. Ces femmes faisaient des pépinières de semences qu’elles commercialisaient à Lomé. Elles réalisaient des bénéfices et participaient à la satisfaction des besoins de leurs ménages. Des revenus réalisés, elles réussissaient à connaître une émancipation sociale. Devant cette réussite sociale, les conjoints déçus et découragés de la chute sans cesse croissante des prises de mer, n’ont pas pu résister à l’envie de suivre leurs femmes dans la production maraîchère. Pour d’autres notamment dans le rang des présidents des sociétés de coopératives de maraîchers, le maraîchage est introduit vers 1980 à Grand-Popo par un Béninois ayant vécu au Niger. Celui-ci est revenu du Niger avec des graines d’oignon « violet de galmi ». Il l’a essayé sur le cordon littoral. Nonobstant les conditions techniques de production très difficiles et précaires, les résultats furent révolutionnaires si bien que, réalisant les bénéfices consistants engrangés à partir de l’activité, d’autres notamment les pêcheurs désenchantés par la baisse des produits halieutiques, se sont reconvertis et ont investi le secteur maraîcher.

Quelle est alors l’importance de la production maraichère dans la commune de Grand-Popo ?
Depuis la fin des années 90, la production maraichère enrichit les producteurs et participe à l’amélioration de leurs conditions de vie. Depuis ces huit dernières campagnes agricoles, l’effectif des maraichers croit rapidement. Il a évolué de 1265 en 2010 à 3010 en 2016, avec un effectif moyen annuel de 2369 sur la période. Les superficies emblavées et les productions des principales spéculations augmentent au fil du temps. Les superficies emblavées varient de 432,58 ha à 10496 ha de 2010 à 2016, avec une moyenne annuelle de 1093 ha sur cette période. Sur cette même période, le volume de la production a progressé de 4285,3 tonnes à 23544 tonnes avec un volume moyen annuel de 12693 tonnes. Depuis 2014, la commune réussit à prélever d’importantes recettes sur les produits maraichères pour alimenter son budget communal annuel.

Quels problèmes relevés dans le cadre de la recherche relative au développement du maraichage dans la commune de Grand-Popo
Premièrement, l’on constate que le maraîchage dans la commune est confronté à plusieurs problèmes. Il s’agit notamment de l’amenuisement du potentiel foncier et l’insécurité foncière comme des entraves à son développement et à l’économie communale, les difficultés d’investissement et de financement de la production, de la conservation, de la transformation voire de la commercialisation. « L’insuffisance de terres dans les zones maraîchères s’accompagne d’une insécurité de plus en plus permanente au sein de la commune. Certains propriétaires n’acceptent pas céder leurs terres non cultivées aux paysans sans terre. La production se réalise dans un contexte de menace permanente, de cessation d’activités. Ce climat d’insécurité est une source de psychose qui ne rassure pas les structures financières sensées accompagner les producteurs dans l’investissement pour l’acquisition des outils et matériels d’irrigation modernes et louables». (Togbé, 2014).
Deuxièmement, selon les producteurs, les actions publiques en l’occurrence celles de la mairie n’aident pas encore à améliorer la situation du secteur. Nonobstant cette situation, on observe l’accroissement des superficies emblavées et du volume de la production d’une campagne à une autre.
Troisièmement, dans le cadre du prélèvement de la TDL sur les produits maraichers, les producteurs maraichers et d’autres acteurs notamment les commerçants, les transporteurs refusent d’accompagner la mairie. Ils ne veulent pas se conformer à l’arrêté communal fixant le prélèvement de la taxe de développement local sur les produits maraichers.

Quelles sont les aspirations des différents acteurs intervenant dans le maraîchage dans la commune de Grand-Popo
Les aspirations collectées sont globalement d’ordre économique, social, politique, environnemental, culturel et technologique. Les acteurs aspirent notamment : à l’émergence des pôles d’entreprises agricoles, au renforcement de l’électrification des périmètres maraîchers, l’organisation de l’accès et du contrôle des marchés d’écoulement, la transformation locale des produits maraîchers, la structuration et la professionnalisation de la filière, une collectivité territoriale décentralisée, véritable acteur et facilitateur d’un partenariat multi-acteurs, à l’aménagement hydro-agricole des périmètres cultivables, l’amélioration de l’accès aux connaissances nouvelles et la modernisation des pratiques culturales, à une mécanisation adaptée et accessible. Au nombre des problèmes majeurs que connaît la filière dans cette commune, il est important de souligner : la mévente et le bradage des produits maraîchers, les conditions contraignantes d’accès aux crédits, la faible implication des producteurs dans la gouvernance communale de la filière, l’indisponibilité des intrants spécifiques et des semences adaptées, les risques de pollutions diverses.

Dites-nous les facteurs expliquant l’accroissement rapide des superficies emblavées et de l’effectif des maraîchers dans la commune
L’accroissement de la production maraichère est dû à l’introduction des techniques et méthodes plus rapides et plus économiques. Il s’agit des systèmes d’irrigation par aspersion et le goutte-à-goutte, à partir de l’usage des tourniquets, des bandes, des raccords transformant et facilitant irrémédiablement la production maraîchère dans la commune. Aujourd’hui, le recours des producteurs à l’énergie électrique et aux méthodes modernes se révèle très économique et très rentable. En fait, les producteurs maraîchers confient qu’ils utilisent de nos jours, moins de main d’œuvre ; ils utilisent moins de carburant et par conséquent les dépenses de production sont significativement réduites. Du coup, des ouvriers qui ne trouvent plus leurs comptes sont motivés davantage à s’investir dans cette entreprise. C’est ce qui explique par ailleurs l’accroissement de l’effectif des maraîchers.

Quels sont les acteurs importants intervenant dans la filière dans la commune ?
Le maraîchage est aujourd’hui une importante activité génératrice de revenus pour les acteurs. Il constitue ainsi une source de revenus appréciables pour les structures décentralisées de micro-finance et pour de nombreuses ONG d’encadrement et de renforcement de capacités des producteurs maraîchers. Il a fait développer une chaîne d’activités connexes, permettant même d’entretenir des relations commerciales dans une aire de rayonnement nationale et internationale. En effet, le pôle d’entreprises agricole ou PEA est un réseau libre d’opportunités d’affaires entre les différents acteurs directs intervenant dans la filière pour conquérir un objectif de marché. Il s’agit des producteurs, des fournisseurs d’intrants, des commerçants, d’institutions de financement et des organismes d’appui-conseils ou de renforcement de capacités. Dans la commune de Grand-Popo, le PEA est promu dans deux filières notamment riz et maraîchage par l’IFDC, un organisme américain en réseau avec des firmes néerlandaises de production de semences améliorées et de fabrication de matières organiques, les maraîchers, Alidé, une structure de financement et l’ONG TAAL, une structure de renforcement des capacités des producteurs. IFDCl a mis en place au niveau de Alidé des fonds de garantie permettant à 219 maraîchers et 19 maraîchères d’obtenir des facilités de financement.

Quelle est la capacité de la commune à développer la filière ?
La situation financière de la commune est fortement dépendante des recettes extérieures notamment les subventions budgétaires. Elle ne parvient pas encore à financer son propre développement malgré l’importance de ses potentialités fiscales et non fiscales. Elle a des difficultés à recouvrer significativement les recettes de fonctionnement afin de faire des surplus financiers et de dégager une capacité d’autofinancement suffisante, elle ne parvient pas à investir dans la promotion de l’économie locale. Pour remédier à la situation, elle tâche de mettre en œuvre d’autres mesures prévues par les mécanismes fiscaux, d’où le recours à la perception de la TDL. La commune a budgétisé la perception de la TDL pour la première fois en 2013. Elle l’a sous-évaluée. Ainsi, le taux de réalisation est de 1027,40% alors que pour les deux autres années de gestion, la réalisation de cette même TDL est de 37,24% (5 586 734 FCFA) et 68,59% (6 859 000 FCFA). Elle affecte une contribution dérisoire affectée à la promotion de l’économie locale. Les maraîchers perçoivent le prélèvement de la TDL comme une attitude prédatrice de la collectivité territoriale décentralisée. La question est de se rendre compte de la capacité de la collectivité territoriale décentralisée à promouvoir l’économie locale en général et à appuyer concrètement le développement de la filière des cultures maraîchères, l’une des trois filières nationales phares à haute valeur ajoutée (PAG 2016-2021) et source de recettes communales à travers la TDL.

Votre lecture de l’organisation et précarité de l’avenir de la filière
La filière est mal organisée et elle apparaît de plus en plus précaire du fait de l’absence d’un plan d’occupation des sols, de la rareté des terres cultivables due à l’urbanisation galopante, la pratique et les méthodes culturales peu respectueuses de l’environnement, l’absence de technologies adaptées et facilement accessibles, la fluctuation des prix de vente bord champ et donc l’absence d’organisation commerciale, l’absence de structure de conservation et de transformation locale. Les zones de grandes productions sont situées sur le cordon littoral, de part et d’autre, et à moins d’un kilomètre de la RNIE 1. Cette situation géographique des sites de production facilite les opérations d’achat au profit des commerçants et rend difficile le regroupement des productions : les opérations d’achat sont dispersés dans les champs. Les commerçants en profitent pour indiquer à leurs clients producteurs les spéculations à cultiver. Mais, quand l’offre est supérieure à la demande, ils fuient les producteurs ou ils marchandent considérablement à la baisse les produits. Il en résulte la surproduction, la mévente, la détérioration des termes du marché et certains producteurs cèdent à des prix très dérisoires les productions ne respectant pas le mot d’ordre de la corporation pour décourager les commerçants. Les producteurs locaux dans tous les cas subissent les conditions imposées des commerçants. En 2017 avec la dévaluation du naîra, le panier cédé habituellement à 20.000 FCFA est passé à 5.000 FCFA voire 2.000 FCFA. Dans tous les cas, les circonstances du marché aujourd’hui ne favorisent ni les producteurs, n’assurent pas le prélèvement de la TDL et les structures de financement ne peuvent prévenir les risques de pertes. Il faut aussi comprendre que les produits comme la tomate par exemple ne peuvent pas être conservés au-delà d’une semaine. Or, les conditions de conservation ne sont pas remplies dans la commune. Le développement du secteur agro-industriel va favoriser une production quantitative et qualitative dans la commune. Il participera à coup sûr à la création de richesses et d’emploi. Il implique un transfert de technologie adaptée à un coût de production convenable. L’ambition des acteurs, dont les partenaires techniques et financiers est que la transformation commence par la promotion de petites unités de séchage, de déshydratation et de conservation et stockage des produits maraîchers.

Quels sont les défis et la vision de développement à long terme du maraîchage dans la commune de Grand-Popo ?

Plusieurs préoccupations traduisent des inquiétudes et des incertitudes pour le développement de la filière dans cette commune. Au plan organisationnel et structurel, se distinguent le rôle des organisations coopératives, les relations mairie-producteurs, l’évolution de la dynamique du marché. Au niveau des bases productives, se révèlent l’avenir des subventions FADeC Agriculture, la densification du réseau électrique au profit de la production maraîchère, le devenir de l’occupation des sols et terres cultivables, l’autonomisation des producteurs maraîchers. Il faut prendre en compte des facteurs externes comme l’émergence des PEA, l’accès aux technologies adaptées et des pratiques culturales respectueuses de l’environnement. En définitive, l’autorité communale, jusqu’ici absente de la filière doit prendre des initiatives dans ce sens pour faire du maraîchage dans la commune de Grand-Popo à long terme : « une filière bien organisée, bien gérée, à haute productivité et compétitive, une filière économiquement rentable assurant un mieux-être social et le développement communal durable ».

Réalisé par Emmanuel GBETO

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