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Le triomphe de la vérité

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Entretien exclusif avec Roberto Azevêdo: Le DG/OMC parle : « Nous pouvons éviter une guerre commerciale »


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Roberto Azevêdo est le Directeur Général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis 2013 et est réélu à son poste pour un deuxième mandat de quatre ans, qui a commencé le 1er septembre 2017. Son institution est désormais au centre des différends qui opposent les Etats-Unis à d’autres pays à propos de la taxation des importations américaines d’acier et d’aluminium. Que peut faire l’OMC pour éviter une guerre commerciale qui peut être préjudiciable à tous les pays du monde ? Quel peut être le rôle de l’institution dans l’accompagnement au commerce africain ? Ce sont autant de questions qui ont agité l’entretien qu’il a accordé à L’Evénement Précis à Genève, en marge d’un séminaire organisé par l’OMC et la Fondation Friedrich Ebert au profit d’une quinzaine de journalistes francophones africains, la semaine dernière.

L’Evénement Précis : Le 21 mars 2018, 44 pays africains ont créé la Zone de libre-échange continental (ZLEC). Que pensez-vous de cet accord conclu à Kigali?

Roberto Azevêdo : Ce qui est très clair aujourd’hui, c’est que les pays africains font une connexion avec les grands marchés, surtout en ce qui concerne les matières premières. Mais la réalité, c’est que le commerce entre les pays africains est très faible. Donc c’est une connexion qui peut être améliorée. Je pense que l’idée d’un commerce plus actif, plus intensif entre les pays africains est bonne. Comment le faire ? Cela va dépendre de la politique commerciale adoptée par les divers pays individuellement et de la politique collective. C’est pour cette raison que je pense que la politique collective est une bonne idée. Nous sommes au début du processus. Il y a beaucoup de choses à faire, mais c’est déjà un premier pas.

Qu’est-ce que l’OMC peut faire pour encourager cette initiative, pour permettre à l’Afrique de faire commerce avec l’Afrique?
Surtout avec les mesures qui facilitent les échanges commerciaux. Par exemple notre accord de facilitation des échanges conclu en 2013 est quelque chose qui va beaucoup aider. Parce que les procédures douanières, les procédures pour faciliter les échanges commerciaux étant facilitées, le coût du commerce va baisser. Et c’est vraiment fondamental pour avoir une connexion plus étroite entre les pays de la région. Mais, il y a autre chose. Par exemple, la coopération technique en ce qui concerne le renforcement de capacités. Il ne faut pas seulement avoir une infrastructure physique. Il faut aussi une infrastructure institutionnelle. Et c’est un domaine où l’OMC peut aider de façon plus active.

Depuis des siècles, l’Afrique est présente surtout avec les matières premières sur le marché international. Est-ce que l’OMC peut aider à changer la donne afin de permettre à l’Afrique de vendre plutôt les produits industriels ?
Nous avons sur le continent des marchés limités et je pense que la fermeture des frontières ne va pas marcher. Ce n’est pas avec la protection du marché interne qu’on va effectivement donner un coup de fouet qui va permettre de relancer le processus d’industrialisation du continent. A mon avis, ce processus doit suivre une stratégie de connexion avec les grands marchés. Une connexion plus étroite, surtout en faisant partie des chaines globales de production. Le plus important c’est d’avoir la possibilité de participer au processus global de production. Pas forcément avec le produit final, mais surtout avec les composantes qui participent à l’élaboration du produit final. Ça c’est un premier pas. Et au fur et à mesure qu’on avance avec le développement de la technologie, le développement de l’infrastructure physique, institutionnelle, technologique, le processus d’industrialisation va suivre son cours naturel d’évolution technologique.

Que pensez-vous d’un probable conflit qui pourrait naitre après le 1er mai entre les Etats Unis et d’autres pays?
J’ai déjà fait beaucoup de déclarations publiques en appelant les membres de l’OMC, les parties qui sont impliquées directement, à éviter une dynamique de réaction automatique. Parce que si on commence dans ce sens, ça va être très difficile d’arrêter et d’inverser ce processus. Je pense que le chemin à suivre, c’est celui du dialogue, chercher des solutions communes. L’OMC offre justement une plateforme pour les échanges et le dialogue. Si ce n’est pas possible de trouver une solution par le dialogue, il y a toujours des mécanismes de résolution des différends qui peuvent aider à dépolitiser le conflit entre les pays concernés. Donc, il faut utiliser les mécanismes qu’on a ici à l’OMC et qui sont à la disposition de tout le monde.

Quel est selon vous l’avenir du commerce africain ? Est-ce toujours dans les matières premières ou dans l’industrie ou encore dans l’e-commerce ?
Je pense que l’Afrique d’aujourd’hui est dans la même situation que d’autres régions de la planète par le passé. La région de mon pays de naissance (le Brésil, l’Amérique du sud) était comme l’Afrique d’aujourd’hui avec une dépendance très forte vis-à-vis des exportations et du commerce des matières premières. Cela a beaucoup changé. Il y a des leçons qu’on peut en tirer. Il y a par exemple le fait que l’industrialisation, pour être durable, doit être compétitive. Et cela ne se trouve pas avec un modèle de marché fermé. C’est toujours avec la recherche continue des produits moins coûteux et d’une compétitivité qui soit constamment en train de s’améliorer. Ce modèle, l’Asie l’a bien réalisé. La plupart des pays asiatiques ont trouvé ce modèle de développement plus durable. En Afrique, il y a des défis d’ordre structurel qu’il faut relever. Par exemple la qualité de l’éducation. Tout cela constitue la base sur laquelle on prépare l’économie pour le futur. L’e-commerce n’est pas une option, c’est une nécessité, une réalité. Il est inévitable. J’écoute beaucoup l’argument qu’on est au début du processus d’émergence de l’e-commerce. Et que donc c’est trop tôt de trouver les meilleures pratiques, les meilleures façons de conduire les étapes. Je pense qu’on est déjà en retard. Et c’est justement parce qu’on est en retard qu’il faut sauter les étapes. Il faut trouver le bon modèle. Il faut discuter avec d’autres pays qui sont déjà avancés, qui ont déjà passé les difficultés et qui sont très claires, très visibles dans le domaine de l’économie digitale. Donc, je pense que la meilleure solution pour l’Afrique, c’est d’interagir de façon encore plus étroite avec les économies qui sont déjà avancées dans ce domaine.

Entretien réalisé par Olivier Allochémé, envoyé spécial à Genève

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