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Le triomphe de la vérité

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Eloi Laourou, Président de l’Organe d’examen des politiques commerciales de l’OMC: « Nous continuons à négocier pour éliminer les subventions cotonnières illégales »


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Eloi Laourou, Président de l’Organe d’examen des politiques commerciales de l’OMC

Ambassadeur du Bénin à Genève, en Suisse, Eloi Laourou, a été Coordonnateur du groupe des Pays les moins avancés (PMA) à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Il co-préside le Groupe de travail Commerce et Développement de la Francophonie à Genève. Rencontré au siège de l’OMC à Genève en marge des travaux du séminaire organisé par l’OMC et la Fondation Friedrich Ebert au profit d’une quinzaine de journalistes francophones africains, le diplomate béninois laisse entrevoir des lueurs d’espoir pour le commerce africain, notamment pour ce qui concerne le coton.

L’Evénement Précis : Des négociations se sont tenues durant plus d’une décennie en vue de la suppression des subventions des pays riches au profit de leurs cotonculteurs. Quels sont aujourd’hui les fruits de tous ces combats ?

Eloi Laourou : Le coton est dans les négociations commerciales depuis plusieurs années, porté par le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Tchad. Mais ce ne sont pas que ces quatre pays qui produisent le coton en Afrique. Il y en a trente-six. La question des subventions a été soulevée pour la première fois en mai 2003. Nous sommes aujourd’hui en fin avril 2018. Cela fait donc quinze ans que nous avons commencé des négociations, quinze ans au cours desquels nous avons eu des résultats. Les négociations commerciales prennent souvent beaucoup de temps. Ce sont des intérêts économiques et commerciaux souvent énormes et croisés que nous gérons.

Quels sont donc les résultats auxquels les quatre Etats sont parvenus ?
Nous avons obtenu des résultats au niveau de deux piliers. Le premier pilier est celui de l’accès aux marchés, c’est-à-dire tout ce qui touche aux tarifs douaniers et aux autres mesures. Nous avons pu obtenir, au niveau de l’ensemble des membres de l’OMC, que le coton produit dans les pays les moins avancés (PMA) soit exporté dans les pays développés et dans les pays en développement, sans droits de douanes et sans limitation de quantité. C’est ce qu’on appelle dans le jargon de l’OMC « accès en franchise de droits et sans contingentement. » Le deuxième pilier, c’est le pilier concurrence à l’exportation. A Nairobi au Kenya, en décembre 2015, nous avons eu la deuxième bonne réponse que les financements qui sont accordés par les grands pays à leurs exportateurs de coton sur le marché international, concurrençant donc le coton exporté par ces quatre pays et d’autres, que ces financements soient arrêtés à partir du 1er janvier 2016. En ce qui concerne la dimension « développement », c’est-à-dire comment améliorer la production et transformer le coton, nous avons eu l’accompagnement des partenaires pour avoir des ressources. En ce qui concerne le pilier « soutien interne », c’est-à-dire les financements énormes et massifs accordés aux producteurs des pays développés (Etats-Unis, Union Européenne et même certains pays asiatiques), nous demandons qu’ils soient réduits de façon substantielle en vue de leur élimination. C’est cela aujourd’hui le point d’achoppement, le point de résistance. Mais, en tant que négociateurs, nous sommes persuadés que nous aurons des réponses.

Mais il n’y a pas que le coton. Il y a aussi le cas des subventions occidentales aux pêcheries.
Oui. Nous avons travaillé, jusqu’aux négociations de Buenos Aires en décembre 2017, pour que les subventions qui sont accordées aux activités de pêche, soient conformes aux normes régissant les activités d’échanges de biens et de services. Ces subventions sont illégales, non déclarées. A terme, après l’échéance, il faut qu’elles prennent fin pour que le marché international de la pêcherie soit un marché équitable. La décision prise à Buenos Aires en décembre 2017, a souligné l’engagement des membres en vue de parvenir dans un délai donné à ces résultats. Mais la décision n’a pas couvert tous les aspects pour parvenir à ce résultat. Mais l’engagement moral, juridique d’aller vers cela, a été manifesté.

Quel est l’avenir de l’Afrique dans le commerce international ?
Aujourd’hui, nous avons des difficultés, en ce qui concerne la présence de nos produits et de nos services sur le marché international. Mais l’avenir est prometteur parce que nous nous sommes engagés individuellement et collectivement au niveau des communautés économiques régionales en Afrique, à obtenir des résultats plus importants. Et c’est l’objet des efforts concertés que nous faisons avec la Commission de l’Union Africaine et avec les autorités des pays dont nous sommes les représentants. Nous sommes mobilisés et déterminés, et cela passe par des améliorations dans les règles et les principes. Nous ne devons pas être fatalistes. Nous devons poursuivre nos efforts. L’activité dans le domaine de l’économie numérique, au lieu de considérer cela comme un épouvantail, nous devrons capter le potentiel et les opportunités que cela offre. Il s’agira de faire savoir par exemple, que dans tel village du Bénin ou de la Côte-d’Ivoire, il y a tel produit de qualité, à prix intéressant qu’on peut exporter au fin fond de la Chine, du Canada ou de Hong Kong, et améliorer la chaîne et les interactions pour que nous puissions tirer avantage de nos efforts.

Ce qu’on remarque malheureusement, c’est que l’Afrique n’est présente sur le commerce mondial qu’à travers les matières premières…
Là aussi, il s’agira d’ajouter de la valeur. Vous prenez par exemple, la noix d’acajou qui est un produit important pour nos pays, en termes de contributions au PIB, mais aussi de dérivés qu’on peut en tirer. Nous mangeons la noix d’acajou, nous jetons la pomme et lorsque nous faisons cuire la noix, nous jetons la coque. Or, on peut extraire de cette coque une huile très importante pour l’aéronautique, pour lubrifier les particules. Cette coque est balancée dans la nature. La recherche et l’innovation doivent être encouragées, même dans tous les segments de la société depuis la maternelle jusqu’à l’université.

Propos recueillis par Olivier Allochémé, envoyé spécial à Genève

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