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Le triomphe de la vérité

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Edito: La crise de la dette


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La Banque Mondiale a tiré la sonnette d’alarme sur l’endettement de l’Afrique qui court des risques d’insoutenabilité. Ce cri d’alarme intervient à la suite de la publication du rapport Africa’s Pulse, ce mercredi 18 avril 2018, rapport dans lequel l’institution souligne que 18 pays africains sont sous le coup d’un risque de surendettement.
Il y a une vingtaine d’années qu’avait explosé la crise de surendettement des Etats pauvres, obligeant à des négociations houleuses en vue de l’allègement de la dette. A l’époque, on parlait surtout de la dette multilatérale, celle des Etats vis-à-vis des institutions de Bretton Woods que sont la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) réunies au sein du Club de Paris. Les 36 pays pauvres très endettés (PPTE), dont 30 étaient africains, devaient bénéficier d’un allègement de 100% de leurs dettes multilatérales, à condition de respecter des conditionnalités qui sont entre autres l’assainissement du cadre macroéconomique, la maîtrise de la masse salariale, le désengagement de l’Etat des secteurs vitaux comme l’électricité et l’eau et, bien sûr, le contrôle des investissements publics dans les secteurs non rentables que sont l’éducation et la santé. Cette cure d’austérité a conduit à la prise de mesures impopulaires dans le cadre de ce que l’on appela l’initiative PPTE ayant permis de limiter le service de la dette pour consacrer les ressources ainsi dégagées à des investissements dans les infrastructures ou l’éducation. L’achèvement de l’initiative PPTE a permis à des pays comme le Ghana de passer d’un taux d’endettement de 120% du PIB en 2000 à 12% en 2006. Le Mozambique est passé de plus de 200% à environ 25% sur la période. Quant au Bénin, avec l’achèvement en 2005 de l’initiative PPTE et de l’initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM), la dette extérieure de notre pays est passée de 43% du PIB fin 2002 à 11% du PIB fin 2006.
Mais aujourd’hui, la structure de la période a sensiblement évolué. Au cours de ces dernières années, les prêts traditionnels de nature concessionnelle (à un taux d’intérêt de moins de 2%) sont en recul au profit de prêts bilatéraux et, surtout, d’emprunts sur les marchés. La Banque Mondiale remarque ainsi que la part de la dette multilatérale et de nature concessionnelle (provenant de sources multi et bilatérales) dans la dette publique extérieure de l’Afrique subsaharienne, qui avait culminé en 2005, n’a pas cessé de diminuer depuis
lors. En 2016, la dette multilatérale représentait en moyenne moins de 40 % de la dette extérieure publique et garantie par l’État.
Cette dette qui s’accumule vis-à-vis de banques et institutions privées comporte des dynamiques tout à fait inhabituelles dès 2013. La dette publique est passée, en moyenne, de 37 % à 56 % du PIB entre 2013 et la fin de l’année 2016, selon la Banque Mondiale. Dans plus des deux tiers des pays d’Afrique subsaharienne, la dette publique en pourcentage du PIB a augmenté de plus de 10 points, alors que dans un tiers des pays, elle s’accroissait de plus de 20 points. Au Bénin, elle est passée de 42% en 2015 à 54,6% fin 2017. En même temps, les taux d’intérêts de ces dettes sont de plus en plus élevés (environ 7%) et leur maturité de plus en plus courte (environ 10 ans). Tout ceci induit un service de la dette de plus en plus difficile à supporter pour les caisses publiques, ce qui fait craindre à moyen terme une crise de trésorerie. Bien sûr, face à cette crise, les institutions créancières peuvent faire racheter leurs créances par des fonds vautours dont les méthodes de recouvrement sont pour le moins agressives. C’est le pire scénario que des clauses contractuelles peuvent bien servir à éviter.
Avec l’amenuisement des financements multilatéraux, la question que tout le monde se pose est de savoir où les pays pauvres trouveront les ressources pour financer leurs infrastructures de base. Car, le fait est que la demande des citoyens, principalement en infrastructures de base, se fait de plus en plus pressante. Les acteurs politiques de ces dernières années, ont pris conscience que le vote qui les amène au pouvoir, ou qui les y maintient, est souvent soumis à des réalisations infrastructurelles et à des investissements publics dans les secteurs vitaux comme l’agriculture, l’éducation et la santé. Ce sont pourtant des secteurs dont la rentabilité ne se mesure qu’à long terme.
Le recours à des ressources domestiques à travers la fiscalité intérieure ou de porte, est une solution bien dérisoire qui ne saurait satisfaire des besoins qui s’accroissent. Les rythmes d’endettement ouvrent ainsi un nouveau cycle que les institutions de Bretton Woods auront du mal à encadrer. Et déjà des Etats comme le Ghana commencent à refuser tout diktat, annonçant une libéralisation du recours à la dette. Vous voyez bien qu’une boîte de Pandore est en train de s’ouvrir…

Par Olivier ALLOCHEME

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