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Le triomphe de la vérité

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Edito: 28 ans de gâchis


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La conférence nationale n’avait vraiment pas pensé aux travers actuels du vent démocratique. Au 12 décembre 2017, on compte 236 partis régulièrement enregistrés au ministère de l’intérieur. A quoi servent ces partis ? Pour la plupart, ce sont des clubs électoraux ou plus exactement des groupements d’intérêt économique destinés avant tout à la promotion des cadres et des opérateurs économiques qui en sont membres. La conférence nationale avait-elle prévu une telle déviance ? Probablement non.
Elle n’avait pas prévu non plus que le renouveau démocratique n’aurait pas débouché sur un renouveau économique. On a pensé que la démocratie était la voie royale pour conduire à un regain économique. 28 ans après, il n’ya aucune entreprise privée employant mille agents et la plupart de ceux qui sont allés à l’école pensent qu’un emploi dans le privé est forcément un pis-aller. L’emploi, et surtout l’emploi décent, reste le talon d’Achille des démocraties sans progrès économique. Il arrive toujours un moment où l’on se demande à quoi servent toutes ces élections, toutes ces institutions financées à coups de milliards, à quoi sert tout le brouhaha politique orchestré, s’ils ne débouchent pas sur une amélioration réelle de la qualité de vie des citoyens.
D’autant d’ailleurs que sur le front politique, la Conférence nationale n’a pas permis que se mette en place chez nous une race d’acteurs conscients de leurs responsabilités dans le développement du pays. La démocratie CFA, comme dirait Florent Couao-Zotti, a emporté la morale dans tous les coins du pays. Il est devenu impossible au Bénin d’avoir un militantisme désintéressé des calculs de postes (pour les cadres et les élites politiques), de marchés publics à gagner (pour les opérateurs économiques) et surtout d’argent (pour les populations à la base). Si vous êtes un acteur politique au Bénin, vous ne pouvez faire aucune action publique sans avoir à donner des per diems à ceux qui sont venus vous écouter. Ne pas le savoir, c’est le premier signe que votre action n’ira nulle part. Mais les per diems donnés aux populations ne sont rien à côté des valises de billets que les acteurs politiques engrangent quand ils apportent leur soutien à tel ou tel candidat, à la veille des élections. L’endettement exponentiel de l’ancien premier ministre Lionel Zinsou démontre les effets funestes de cette démocratie censitaire où les élus achètent carrément leurs mandats. Sa brillante carrière professionnelle risque de prendre un sérieux coup, du fait d’une élite politique complètement dévoyée qu’il avait eu le tort de prendre au sérieux. On le lui avait dit, mais il avait préféré écouter les chants des sirènes qui lui disaient exactement ce qu’il était prêt à entendre. Il était loin de savoir qu’au Bénin, les idéologies ont disparu, que les convictions non monnayées sont vues comme de la naïveté et que le peuple lui-même s’éprend de tous ceux qui, achetant sa sympathie, lui offre des tables d’école, des forages d’eau potable ou des microcrédits. Le politique est devenu une espèce d’ONG contrainte à la charité.
Pendant les élections législatives de 2015, un ministre, aujourd’hui ancien ministre, avait été obligé de mettre en place à son domicile un service de restauration fonctionnant 24h sur 24, et permettant à tous ceux qui avaient faim dans la ville d’y faire un tour pour manger. Bien entendu, il a été élu haut les mains…
Au plan socioéconomique, les 28 années de démocratie n’ont pas servi à améliorer radicalement la qualité de l’école ni celle des soins de santé comme on s’y attendait. Les régimes successifs, bien qu’ayant commencé quelque chose, n’ont pas encore réussi la professionnalisation de la formation. Et aujourd’hui plus qu’hier, nos universités sont pleines d’étudiants qui ne trouveront aucune place sur le marché du travail, du fait de formations inadaptées et souvent bâclées. Pendant ce temps, la qualité des soins de santé est si médiocre que les élites politiques courent vers l’extérieur à la moindre toux.
La rareté des entreprises du secteur formel, la faiblesse de la productivité et l’incapacité de tous nos dirigeants à impulser la consommation locale, sont des facteurs qui traduisent la nécessité d’un nouveau souffle économique. Si les fondamentaux de notre économie ne sont pas revus, pour être adaptés aux besoins des milliers de jeunes qui sortent des universités et des centres de formation, il est fort à parier que les prochains régimes feront face à des mouvements insurrectionnels du type Printemps arabe.
En célébrant les 28 années de la Conférence des forces vives de la nation, il est difficile de réfréner ce sentiment qui vous étreint quand on fait le bilan : 28 années de gâchis.

Par Olivier ALLOCHEME

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