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Le triomphe de la vérité

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Tiburce Adagbè parle de «La mémoire du chaudron»:« …Mon texte n’est pas orienté contre Yayi »


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« Mémoire du chaudron». Beaucoup ont certainement lu, savouré et partagé sur les réseaux sociaux, ces beaux épisodes consacrés aux coulisses et biscuits des moments forts précédant l’élection de Yayi Boni à la magistrature suprême au Bénin. Une vingtaine d’épisodes chronologiquement bien structurés, dans un style qui donne envie d’aller loin dans la lecture. Ils constituent la mémoire de Tiburce Adagbé. Sa restitution d’un pan de l’histoire qu’il a vécue, lui qui était dans l’anti chambre de l’avènement du chantre du Changement et de la Refondation au pouvoir. Mais quelle mouche a pu piquer cette ancienne plume très dense et très effacée, mais bien connue du monde des médias, ancien produit de Radio Univers, du Journal Le Progrès et ancien conseiller technique à la communication de Yayi Boni, pour qu’il sorte enfin d’un si long silence? Pour lui, l’idée était de répondre ponctuellement, via un forum de discussion, à l’un de ces acteurs qui se disent de la première heure et croient tout savoir sur le président Yayi et son pouvoir… C’est un Tiburce Adagbé très décontracté qui nous a reçus à son domicile pour éclairer davantage l’opinion sur ses réelles motivations à faire revivre ces faits d’il y a une dizaine, voire une quinzaine d’années.

D’où est partie l’idée d’écrire ‘’la mémoire du chaudron’’ ?

Tiburce Adagbè: J’avoue que cela tient d’un concours de circonstances. Je m’étais toujours juré de ne rien écrire sur cette expérience qui fut la mienne au cœur du pouvoir. J’avais décidé de retourner dans l’anonymat après des moments d’intense exposition. Les sollicitations et les incitations ne manquaient pourtant pas. Depuis 2011, j’avais décidé de faire un black-out sur cette vie trépidante du pouvoir et de m’occuper de moi-même. J’avoue que je n’ai pas souvent été bien compris. Et les plus frustrés par mon choix furent mes parents les plus proches. Mais c’était pour moi une thérapie nécessaire. Cet appel au retrait a sonné plus fort dans mon esprit que tous les apparats du pouvoir. Et je ne regrette pas avoir fait cette option. A mon aîné et repère dans la plume, Édouard Loko qui, courant Septembre 2015, me relança sur l’idée d’écrire mes mémoires, j’avais répondu que j’en savais trop pour prendre si facilement la plume, sans que cela ne pose un problème d’ordre éthique et moral. C’est plus simple, en effet, d’écrire ou de pérorer sur les medias quand on ne sait pas grand-chose. Et puis je n’étais pas prêt à consentir le sacrifice qu’exigerait la rédaction de ces mémoires. Mais, il y a eu des concours de circonstance. J’ai, en effet, souvent entendu gloser des prétendus yayistes qui, en réalité, ne connaissent rien du personnage Yayi. Et quand, parfois, ils se présentent sans scrupules comme «yayistes de la première heure», je me demande le fuseau horaire qu’ils utilisent.
Et puis, ces gens, je me dis qu’ils font plaisir à Yayi parce que Yayi sait très bien qu’ils ne le connaissent pas. Quand j’ai pris la plume, c’est pour aider la mémoire de tous ces confusionnistes. Yayi n’était pas ma cible. Mais ce que je sais, c’est qu’il ne peut pas m’empêcher d’écrire, ça, c’est impossible. A la limite, il peut écrire lui-même ses mémoires mais je me dis que mes souvenirs, mon expérience, sont ma propriété et j’en fais ce que je veux. Moi, je donne mon récit, mon vécu. Si quelqu’un veut contester, la personne écrit sa version et les lecteurs pourront apprécier. Mais, a priori, mon texte n’est pas orienté contre Yayi. Je ne peux pas écrire contre un chef de l’Etat. Je n’ai jamais été chef d’Etat. Je ne sais quelle leçon je peux donner à un président de la République ( rire ). J’avais juste écrit pour répondre à un fait ponctuel. Et c’est pourquoi, si vous regardez très bien la structuration des épisodes, le premier texte était le plus court. Il fait peut-être le tiers des autres parce que je l’avais juste écrit sur un forum (réseau social), un peu pour répondre à quelqu’un. Mais, le style que j’ai utilisé est un style qui a demandé une suite, et puis, il y a beaucoup de gens qui m’ont encouragé. Il faut dire, en réalité, que c’est ceux qui m’ont encouragé qui ont écrit…

Est-ce qu’on peut dire que c’est une restitution de l’histoire ?
Restitution, ce n’est pas possible, parce que la restitution suppose que je dise tout. Mais vous savez qu’on ne peut jamais tout dire… Il y a d’abord ce qu’on omet de dire volontairement par pudeur. Et, il y a ce qu’on ne réussit pas à dire; c’est-à-dire j’ai beau me concentrer, il y a des choses qui vont m’échapper. Mais, je crois quand même que je donne une orientation de façon globale.

Et pourquoi avoir choisi, pendant que la publication n’est pas encore officielle, de ventiler quelques épisodes sur les réseaux sociaux ?

Justement parce que je n’écrivais pas un livre. Je voulais juste apporter une réponse à une préoccupation ponctuelle. Quelque chose qui s’était passé, une fois. Et, sur le forum, j’ai utilisé un style qui n’était peut-être pas adapté. Le style est devenu rapidement un style de récit. Du coup, de jour en jour, ça a commencé par s’enchaîner. Je redoutais vraiment d’avoir à écrire un livre parce que je suis dans le monde du livre. J’ai été éditeur de plusieurs livres et je sais le travail que cela demande. Cela fait que, chaque fois qu’on me demande si c’est un livre, j’ai toujours dit non, parce que je vois toute la pression que nécessite l’écriture d’un pareil livre. Je dis non, pour me protéger.

Donc en un mot, La mémoire du chaudron n’est pas à publier dans un livre ?
Je n’en sais rien. Moi, j’ai publié au jour le jour. En plus, ce sont des tableaux; chaque épisode est un tableau. Tout ce que j’ai fait, c’est de mettre une articulation entre les tableaux. On ne peut pas tout dire. Parfois, c’est quand je finis d’écrire que je me rends compte qu’il y a telle ou telle personne qui manque dans le tableau. Tout n’est pas parfait.

Pourquoi alors le titre ‘’La Mémoire du chaudron’’ ?

C’est pour dire que travailler aux côtés d’un président de la république n’est pas un long fleuve tranquille, l’eau n’y est pas toujours fraîche et désaltérante. Mon aventure du pouvoir, c’est quand même de 2002 à 2011 ; cela fait 10 ans. Jusque-là, les épisodes n’abordent même pas encore le chaudron. Certes, il y a les bonheurs du pouvoir et ça, franchement, on ne pleure pas quand on en jouit. Mais après, ce n’est pas ce que vous croyez. Je n’en ai pas parlé avec eux, mais demandez le leur. Il y a des avantages, mais ce n’est pas si simple. Il y a, aujourd’hui, des sommeils que j’ai et auxquels mes collègues qui sont là ne peuvent pas prétendre. Ils ne doivent même pas y prétendre. Ce serait une faute professionnelle. Maintenant, le milieu du pouvoir, la courtisanerie, la fourberie, les coups bas, les coups tordus, les coups que tu reçois, les coups visibles, les coups invisibles… Tout cela, à un moment donné, ça fait une fournaise. Et quand tu restes dans ce milieu et que tu en ressors, tu mûris. Je peux dire véritablement que j’ai mûri. Et c’est d’ailleurs facile pour moi aujourd’hui de voir certains mercenaires qui avaient fini par plomber la communication de Yayi, rôder autour de la communication de Talon. Et ça risque de donner malheureusement un résultat plus lamentable. Bref, quand je dis «Mémoire», c’est ce que je garde de cette expérience. Ce n’est pas ‘’mes’’ mémoires comme le pensent beaucoup. C’est pourquoi je dis, que ce soit sur le plan des faits ou sur le plan de la vision que je garde des faits, ou sur le plan des émotions que ces faits m’ont données, c’est tout à fait personnel. Il y a plein de faits sur lesquels j’ai parlé de beaucoup d’autres personnes. C’est sûr que si vous demandez à Charles Toko de raconter ces mêmes épisodes, il les livrera autrement. Mais vous y verrez une constante, côté factuel. C’est pourquoi, je parle de Mémoire au singulier, pour dire que c’est un tout. C’est ma lecture, ça peut être très subjectif. Mais dans les faits, j’écris de manière à défier tout contradicteur.

Mais, quand bien même ce n’est pas à publier comme un livre, est-ce qu’on aura droit à d’autres épisodes ?

Oui (un peu hésitation). Déjà, j’ai eu beaucoup de sollicitations par rapport à cela. C’est vrai que l’écriture n’est pas facile pour moi parce que je n’aime pas me mettre sous pression. Je suis un esprit indépendant. Ce n’est pas un texte que j’écris sur ordinateur. C’est écrit directement sur Android. Et puis, je l’écris d’un trait; c’est-à-dire que je me suis imposé comme rigueur, dès que je démarre, de le finir. Ensuite, je le fais lire par quelqu’un. Mais parfois, je le relis moi-même; c’est pourquoi vous allez y voir des coquilles. Quelqu’un m’a dit que les coquilles font partie du charme du texte (sourire). Ce sont donc des textes que j’écris, la nuit ou au petit matin, parce que je n’ai pas fait de prises de notes. Je me suis rendu compte que pour écrire ce genre de texte et restituer des émotions passées, il me faut vraiment un moment où je n’écoute que moi-même. J’ai dû revivre toutes ces occasions. Il faut dire que c’est vraiment laborieux. Mais j’ai eu des gens qui m’ont encouragé. Sans ces encouragements, je vous assure que j’aurais arrêté. En termes de perspectives, je ne sais jusqu’où tout ça ira. On verra, au jour le jour. Déjà, si vous lisez les épisodes, c’est jusqu’en 2005. Or, le gros du chaudron, c’est à partir de 2006. Donc 2006 à 2011, c’est beaucoup de choses…

Et qu’est-ce que Tiburce Adagbè devient après le Palais de la République?
Vous m’avez vu maintenant non? (rire) Je suis ici à Ménontin. Je suis dans mes activités personnelles. Je me cherche comme tout le monde (rires).

Propos recueillis par
J.BOCO & C. RIWANOU
du quotidien Matin Libre

 

Qui est Tiburce Adagbé ?

Né à Parakou (Nord du Bénin), il y a plus de 40 ans, Tiburce Adagbe est titulaire d’un DESS en Population et Développement, après une Maîtrise en Economie des transports à l’Université d’Abomey-Calavi. Ancien de l’Institut International de journalisme de Berlin, il a servi entre 2006 et 2011, aux côtés de l’ancien président de la République, Yayi Boni, en tant que Conseiller technique à la communication. Professionnel des médias, Tiburce Adagbé a fait ses preuves à la radio universitaire, Radio univers puis au Journal Le progrès où il a occupé le poste de Directeur de publication. C’est justement du quotidien Le Progrès, le tout premier à parler de Yayi Boni, en 2002, comme dauphin de Mathieu Kérékou et probable président du Bénin, que Tiburce est parti pour son « aventure politique «. Même s’il dit être aujourd’hui «dans ses affaires personnelles», Tiburce Adagbe, qui a aussi dirigé, depuis le Palais, le « Journal de combat» L’Option Info ‘’, n’a rien perdu de sa plume très dense. Au contraire, elle s’est bonifiée comme du bon vieux vin.

 

Bons braisiers de Tiburce

C’était d’abord l’histoire d’une colère…Une de ces violentes colères présidentielles, à la lecture de certains titres de presse ; de certaines manchettes…Et ce jour, tous les membres de la cellule de communication du Chef de l’Etat d’alors, ainsi que le porte-parole du Palais, un certain Lionel Agbo, étaient sur la sellette. Ambiance. Le pari de Tiburce Adagbé, ex-conseiller technique à la communication de Boni Yayi, était excitant : nous conduire dans un « chaudron » présidentiel sous haute tension, un certain mardi matin…Voici donc un Président de la République dans tous ses états ; voici un porte-parole tout petit dans ses souliers, incapable de placer une seule réplique. Voici enfin, des conseillers transpirant à grosses gouttes sous forte climatisation, surchauffés qu’ils étaient, par le courroux présidentiel. Et puis paf !!! Par une de ces pirouettes dont il conservera jalousement le secret, le narrateur de nous sevrer de son « chocolat », au plus fort du suspense, avant de nous renvoyer à la prochaine parution. Un peu comme dans ces feuilletons télévisés à l’eau de rose, qui prennent en otage nos sœurs et épouses, tous les soirs. Si ce n’est pas de la sorcellerie… C’est bien ainsi que depuis quelques mois, « Mémoire de chaudron » de notre ex-confrère, devenu depuis « papa imprimeur » pour les intimes, tient en haleine des milliers d’internautes, sur les réseaux sociaux. Mais en vérité, ce feuilleton distillé à dose homéopathique, est d’abord l’Histoire récente de notre pays, racontée par un témoin de « première main ».Aussi, les férus d’histoire y trouvent-ils certains morceaux du puzzle, qui manquaient à leurs analyses ; les journalistes y dénichent certaines explications ;les politiques y relèvent les justifications de certains positionnements, et de certaines mises en quarantaine ; des citoyens ordinaires, se délectent de l’étalage de ces jeux de couloirs, qui les ont conduits à reprendre en chœur avec l’artiste GG Lapino, « Yayi Boni Yayi Boni !!!» Soulignons ici et maintenant, que le titre « Mémoire du chaudron » que porte ce feuilleton (Whatsappien ?) n’est pas dû au hasard. Le chaudron n’étant pas simplement ce « récipient plus petit que la chaudière, généralement en cuivre ou en fonte, qui selon le Larousse, est destiné aux usages domestiques, et la cuisine en particulier.. »Le chaudron ici doit être pris dans son troisième sens : « un lieu clos, où règne une activité généralement menaçante… » Oui menaçante, pour ne pas dire dangereuse…Les amateurs du football français quant à eux, connaissent le très bouillant « chaudron » de Saint-Etienne : le Stade Geoffroy-Guichard…Oui, un Palais de la République, est bel et bien un chaudron ; avec ses intrigues et ses coups fourrés ; ses pressions et ses trahisons… C’est aussi un terrain de football, avec ses tacles ravageurs, et ses dribbles chaloupés ; ses passes à l’adversaire et parfois hélas…ses buts contre son propre camp !!!Cependant, Tiburce Adagbé ne peut dire qu’il n’était pas prévenu. Même si à l’évidence, la « Maman Gléssougbé », qui un jour de janvier 2006 l’avait mis en garde, a prêché pour …un ‘’reconverti’’ (sic) un ‘’born again’’ (re-sic) Les oracles étaient plutôt formels, à en croire la brave dame : « quiconque aidera Yayi Boni à prendre le pouvoir, en gardera une immense amertume ».Et ça n’a pas raté. Tiburce Adagbé nous livre ici, sa part de feu, mais aussi sa part d’amertume. Avec quelques retenues, quelques non-dits, qui parfois émascule le récit. Néanmoins, on peut le comprendre… Lorsqu’on a été au nombre des « faiseurs du roi », toutes les vérités deviennent difficiles à dire…D’ailleurs, aucun roi ou roitelet, n’aime pas pour longtemps, ce genre d’empêcheurs de « gouverner en rond ».Tiburce comme bien d’autres, l’auront appris à leurs dépens…Le mérite du « papa imprimeur », est d’avoir a osé, avec tout ce que cela lui entraînera comme inimitié. C’est ainsi que du récit des malheurs de Lionel Agbo, à la conquête d’Abomey, en passant par les ‘’agitations’’ de Tundé, sans oublier les « silences » intrigants de Yayi Boni à propos de son mécène Patrice Talon, c’est bel et bien des clés, que ces vingt premiers numéros du chaudron, nous glisse entre les mains. Ceci pour un meilleur décryptage de l’actualité nationale, d’hier à aujourd’hui. Et parce que nous osons parier, qu’avec Tiburce Adagbé, ce n’est pas « la poêle qui se moque du chaudron », on attendra vivement le livre….

Michel TCHANOU

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