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Le triomphe de la vérité

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Edito: Le miracle militaire de la Cour


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Ni les policiers, ni les gendarmes, encore moins les militaires n’ont jamais revendiqué le droit de grève au Bénin. Désormais, la décision DCC 18-004 du 23 janvier 2018 prise par notre Cour Constitutionnelle le leur accorde. Elle indique que suivant l’article 31 de la constitution, l’article 71 de la loi portant statut des personnels de la Police républicaine est contraire à notre loi fondamentale. Et donc qu’en clair, les policiers et les gendarmes qui ont été fusionnés en un corps unique appelé désormais Police Républicaine, ont le droit de grève. Rien que ça !
Aucune police, aucune armée au monde ne dispose de ce droit que la Cour sort de son chapeau aujourd’hui, en dépit de tout bon sens et en dépit de sa propre jurisprudence en vigueur depuis 2002. Bientôt donc, légalement, les policiers, les gendarmes (devenus policiers) pourront parader dans la ville, armés jusqu’aux dents, pour réclamer des augmentations salariales, de nouvelles motos, l’assurance maladie pour leurs conjoints ou encore le droit de refuser d’aller à votre secours si des bandits vous attaquent… D’ailleurs, en matière de conditions de travail, les militaires et paramilitaires sont parmi les moins bien lotis. Si vous en doutiez, allez simplement dans le commissariat de police ou la brigade de gendarmerie de votre localité, et regardez rien que le bâtiment… Demandez aux agents quels sont leurs salaires…Pour notre sécurité, ils exposent leurs vies et refusent tout confort, comme tous les corps militaires et paramilitaires du monde. Et le règlement militaire strictement appliqué leur dénie tout droit à la réclamation, que ce soit aux heures de service ou pas. Seulement que désormais, ils pourront faire grève pour changer tout cela. Ils ne l’ont jamais demandé. Tout agent recruté dans ces corps militaires ou paramilitaires au Bénin ou ailleurs dans le monde, sait qu’il renonce au droit de grève. C’est la Cour qui le leur a offert sur un plateau d’argent. Elle n’oubliera pas un de ces jours de préciser aux soldats un des corollaires de ce droit qui est celui de se mettre en syndicats. Tôt ou tard, il se trouvera des courageux pour y penser, puisque Théodore Holo et ses pairs leur en ont donné le droit.
Imaginez donc ce qui s’est passé dans l’Etat d’Espirito Santo, l’un des 27 Etats formant le Brésil, début février 2017, lorsque, contre toute règlementation en vigueur dans le pays, les policiers ont fait grève. Le journal français Libération raconte ceci le 10 février 2017 : «L’absence de patrouilles de police a engendré une vague de criminalité : magasins pillés, autobus rançonnés, voitures brûlées… Le bilan non officiel s’élevait jeudi soir à 121 homicides. Les transports publics ont été paralysés, les écoles et les commerces fermés, et la population restait terrée chez elle ».
Le souhait le plus ardent de la Cour, c’est que Cotonou, Parakou, Natitingou ou Lokossa en arrivent aussi à cela un jour. C’est aussi que les militaires prennent les armes et se mettent à réclamer des droits…
De fait, Théodore Holo et ses pairs sont tombés dans leur propre piège en accordant le droit de grève aux magistrats. La teneur de la décision du 18 janvier 2018 les contraint en effet à ouvrir les vannes, en accordant à tout le monde un droit de grève jadis réservé à quelques corps de la fonction publique. Si certains croient qu’il s’agit d’une décision pouvant calmer la hargne des magistrats, ils ont vu depuis lors qu’ils se sont royalement trompés. Non seulement ils ont reconduit leur grève de cinq jours sur cinq en protestant contre le vote des députés, mais d’autres corporations les ont aussi rejoints, avec chacune ses réclamations spécifiques. Le plus préoccupant, c’est que la Cour a piétiné sa propre jurisprudence, en vidant de leur substance plusieurs lois, notamment celle du 21 juin 2002 sur le droit de grève et celle de septembre 2011 sur les règles générales applicables aux personnels militaires et paramilitaires.
Résultat : non seulement, elle autorise le parlement à ne pas se presser pour mettre cette loi en conformité, en tout cas pas avant que la mandature actuelle ne s’en aille en juin prochain, mais encore elle autorise la prochaine Cour à revenir sur ces décisions dangereuses et inconcevables dans un Etat sérieux. Elle montre enfin à tout le monde que la Cour Constitutionnelle du Bénin est devenue une institution instable et versatile qui tangue à gauche et à droite au gré des humeurs et des intérêts de ses membres. C’est le cimetière de notre Constitution.

Par Olivier ALLOCHEME

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