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Le triomphe de la vérité

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Edito: L’os de la transhumance


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Les affrontements ont déjà commencé. La semaine dernière, c’est un agriculteur de l’arrondissement d’Atchonsa, commune de Bonou, qui a été retrouvé par les siens, probablement abattu par des peulhs transhumants entrés dans la localité quelques jours plus tôt. Bien sûr, dans le village, c’est la consternation et le désarroi. On se rappelle que l’année dernière, le même phénomène a eu lieu avec déploiement de l’armée et moult négociations pour une entente parfaite entre nomades peulhs et agriculteurs sédentaires de la moyenne et de la basse vallée de l’Ouémé. Mais chaque fois, les populations ont l’impression d’un éternel recommencement.
Le fait est que les autorités locales, notamment les maires, font payer aux peuls transhumants des droits de pâturage interprétés par les éleveurs comme une autorisation à faire paître leurs bêtes où ils veulent. Sans égard pour l’effort des producteurs dont la survie même dépend des récoltes que dévastent les bœufs. Le fait est aussi que les frais versés par les éleveurs ne servent pas à encadrer le passage des animaux et de leurs bergers. Ils entrent dans la poche de quelques-uns qui ne s’empêchent pas plus tard de venir se plaindre des dégâts et autres atrocités commis au long de leur passage. En dehors de la concussion et de la gabegie des autorités locales ou municipales, on aura remarqué que, de tout temps, les éleveurs ne semblent pas soumis aux lois nationales.
Venus pour la plupart du Nigeria, ils bénéficient des directives de la CEDEAO sur la libre circulation des personnes et des biens. Les peuls ne sauraient donc être empêchés d’entrer sur le territoire béninois, au risque pour notre pays d’avoir des problèmes diplomatiques avec le Nigeria. Et la porosité des frontières rend matériellement impossible un contrôle effectif permettant d’endiguer toute entrée illégale. L’utilisation des zones non-habitées et la circulation nocturne leur suffisent pour tromper la vigilence des forces de sécurité. Et le mal véritable, c’est que ces transhumants sont armés jusqu’aux dents. Ils sont prêts, à titre de représailles ou dès qu’ils soupçonnent une quelconque hostilité des populations locales, à ouvrir le feu et à dégainer leurs sabres contre nos paysans désarmés. Les meurtres sauvages commis, les viols et incendies de villages entiers opérés forment la panoplie des atrocités qui se commettent, sans que la puissance publique puisse s’exercer pleinement et entièrement sur leurs auteurs. D’autant qu’il est rare que ces hors-la-loi soient appréhendés et jugés.
A titre de consolation, on peut se rendre compte que la situation du Bénin est loin d’être unique. Le Nigeria lui-même, est presque en état de guerre ethnique entre les communautés d’agriculteurs et les éleveurs nomades. Les chiffres macabres que dressent les médias sont accablants. Depuis plusieurs mois, il n’y a pas de jour où des affrontements et des massacres odieux ne soient pas commis : 24 morts, 70 morts, 35 morts, …Des villages incendiés, des femmes violées, des routes coupées et surtout des récoltes dévastées, des puits volontairement empoisonnés. Mais aussi des bêtes assommées, éventrées et leurs propriétaires assassinés. Un vent de pogrom souffle sur le Nigeria actuellement. Certaines élites peules ou fulani évoquent un génocide en cours contre les nomades, d’autres parlent d’épuration ethnique. Tout ceci forme aujourd’hui le quotidien des populations dans plusieurs Etats de ce pays qui doit désormais trouver une solution de longue durée.
Mais la culture peule s’oppose à une sédentarisation éventuelle. Habitués à des déplacements saisonniers à la recherche de pâturage et d’eau, les bergers acceptent difficilement l’octroi d’espaces où ils pourront s’établir définitivement pour mener un élevage intensif rentable, semblable à ce qui se fait dans les ranchs américains. Ils préfèrent largement le nomadisme, trace d’une civilisation multiséculaire dans laquelle ils ont développé une culture spécifique. C’est bien durant ces déplacements saisonniers qu’ils se rencontrent et se marient entre eux, ce qui rend aléatoire toute solution de sédentarisation.
C’est pourtant à cela que sont réduits les pouvoirs publics : aménager des aires de pâturage et d’eau permettant de fixer les nomades. En amont, le contrôle des frontières s’avère un impératif absolu, en vue surtout de désarmer les nomades. Ne faudra-t-il pas également mettre en place une police spécialisée en la matière ? Tôt ou tard, notre pays finira par s’y résoudre.

Par Olivier ALLOCHEME

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