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Le triomphe de la vérité

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Edito: Des grèves


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Malgré la volte-face historique de la Cour Constitutionnelle, les grèves ne se sont pas arrêtées. Si elle avait pensé apaiser la tension sociale par sa décision, la haute juridiction est bien passée à côté de son sujet. Même les magistrats, censés être les plus virulents en la matière, sont restés chez eux. Pour quel motif encore ? Seuls les magistrats pourront le dire, eux qui, apparemment, sont devenus plus forts que le gouvernement et l’assemblée nationale réunis.
La récupération politique fait le reste de la tâche. Ce mardi, le Front dit du salut patriotique (FSP) n’a pas eu honte de profiter de la situation pour s’ébranler dans les rues de Cotonou. En exploitant la légitimité syndicale pour fonder sur elle l’action politique, il est évident qu’il fait du racolage. C’est à croire en effet qu’il est incapable de fonder sa propre raison, son propre argumentaire et de mobiliser les citoyens autour de ses propres idéaux. Il faut aller puiser dans le fonds de commerce syndical, surtout qu’en face, le pouvoir Talon ne semble pas disposer d’une machine de réplique. Le gouvernement a sensiblement laissé l’initiative du chahut aux forces opposantes, en comptant sur le discernement du peuple, du « vrai peuple », comme disent certains apparatchiks. Erreur : la récente décision de la Cour constitutionnelle montre bien l’influence décisive de ce chahut sur la lucidité même des plus éclairés d’entre nous. Le gouvernement a laissé l’initiative de l’action à l’opposition, refusant obstinément et ostensiblement de lâcher ses troupes dans la cohue.
Quoi que l’on dise, cette cohue est parvenue, même aux prix de distorsions historiques élémentaires, à faire plier la vénérable Cour constitutionnelle. Parmi ces distorsions historiques figure la mise en relief du rôle du droit de grève conçu aujourd’hui comme l’élément moteur ayant permis l’avènement de la conférence nationale et donc de la démocratie. C’est un canular qu’une simple question peut détruire : les travailleurs qui avaient manifesté en 1989 avaient-ils le droit de grève ? Evidemment non. Sous le régime révolutionnaire, le droit de grève n’existait pas. Mais on a pu faire croire à tout le monde que sans droit de grève à distribuer à tous, point de démocratie. Ce n’est pas le droit de grève qui a contribué à l’avènement de la démocratie au Bénin, mais la conjoncture socio-économique de banqueroute et de faillite de l’Etat qui a accru la détermination du peuple béninois à en finir avec le régime militaro-marxiste du PRPB. Avec neuf mois d’arriérés de salaire, peu de travailleurs pouvaient accepter encore ce régime englué dans ses propres contradictions. L’initiative réussie de réécriture de l’histoire récente a fait son chemin aujourd’hui, amenant à des erreurs pour le moins incongrues.
Mais il n’y a pas que cela. Tout au moins dans le secteur éducatif, les salaires politiques servent aujourd’hui de carburant à la contestation. Depuis Yayi, les syndicalistes utilisent ce thème lors de leurs assemblées générales pour mobiliser les travailleurs. Aujourd’hui, avec le renchérissement de ces salaires, les enseignants se sentent insultés, trouvant désormais dans leur statut particulier la seule planche de salut pour corriger les inégalités qu’ils dénoncent. Avec la grève déclenchée la semaine dernière, il sera difficile de leur faire entendre raison. Même s’ils ne le disent pas encore clairement, les enseignants du supérieur pourraient aussi emboucher la même trompette.
Non seulement, ils comparent leurs revenus à ceux des politiciens, mais surtout ils analysent les avantages arrachés au titre de leurs statuts particuliers avec ceux que le parlement a déjà accordés aux magistrats. Et lesdits avantages sont pour le moins impressionnants.
Dans tous ces cas, le gouvernement part avec une marge de manœuvre étriquée pour négocier avec des syndicats très déterminés. Accorder les avantages revendiqués reviendrait en même temps à accroitre la masse salariale, dans une conjoncture économique où le FMI a déjà attiré l’attention, il y a quelques semaines, sur le poids de la dette publique du Bénin. Que reste-t-il donc à faire d’autre pour le gouvernement ?
Toute la question est là surtout avec des partenaires sociaux de plus en plus forts. Au passage, on notera que l’agitation sociale pourrait bientôt encourager au regroupement d’acteurs politiques majeurs qui n’attendent que la fronde sociale pour rebondir dans l’arène. En clair, la prolifération des grèves est une menace à la mise en œuvre de l’action politique la plus élémentaire du régime Talon.

Par Olivier ALLOCHEME

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