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Le triomphe de la vérité

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Edito: Une grève osée


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Voici ce qui se passe aujourd’hui dans la maison Justice : des fonctionnaires refusent d’assurer même un service minimum parce qu’ils dénient à l’Assemblée nationale le droit de légiférer. Jusqu’à la promulgation de la loi, personne ne peut refuser aux magistrats leur droit d’aller en grève pour revendiquer de meilleures conditions de travail ou même une plus grande indépendance. Mais ce qui pose problème, c’est le droit qu’ils s’octroient d’aller en grève cinq jours sur cinq, en arrêtant de fait la continuité du service public.
La procédure de déclenchement de la grève était déjà inédite. L’UNAMAB et les autres syndicats de la justice n’ont même pas attendu le vote de la loi pour déclencher une grève illimitée. Car c’est jeudi que les députés ont voté la loi portant statut particulier des magistrats, mais déjà mercredi, l’Assemblée générale de l’UNAMAB avait annoncé une grève illimitée pour ce lundi. La procédure employée est non seulement curieuse parce qu’empreinte de précipitation et de galvaudage irresponsable, mais elle enlève aux parlementaires le droit de légiférer. Et pourtant, c’est le même parlement qui a voté la première mouture de la loi portant statut particulier des magistrats, loi qui leur accorde des avantages colossaux, qui l’a corrigée la semaine dernière. Aujourd’hui, ils disent que ces mêmes députés n’ont plus le droit de toucher à la même loi qu’ils avaient votée.
La question est même de savoir si un citoyen normal peut aller en grève contre le parlement. On peut raisonnablement faire des manifestations publiques, faire signer des pétitions, organiser un plaidoyer pour faire plier le parlement sur telle ou telle question. Quand on est trop imbu de sa personne pour user de ces méthodes que les syndicalistes savent utiliser, on n’est légitimement pas fondé à s’en prendre aux députés. Et sincèrement, à quoi servirait une grève contre les parlementaires ?
Mais il y a que les magistrats, en déclenchant leur grève, manifestent ainsi une pression directe et incongrue sur la Cour Constitutionnelle. Dans sa décision en date du 30 septembre 2011, la Cour avait déjà indiqué que le droit de grève peut bien être retiré à certaines corporations. L’institution s’est basée entre autres, sur les textes de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), organisation faîtière des syndicats du monde entier, qui a expressément indiqué que le droit de grève, bien qu’étant un droit fondamental peut être restreint pour certains corps de métier. Et c’est en raison de cette restriction que la douane, la police, la gendarmerie, les Eaux, Forêts et Chasse ainsi que l’armée sont privées du droit de grève. Ce qui est étonnant, c’est que les mêmes qui soulignent que sans droit de grève les magistrats ne sont plus des citoyens, deviennent sourds et muets quand il s’agit de toutes ces corporations qui n’exercent pas ce droit depuis des années. Pour les militaires, il en est ainsi depuis des décennies, sans que personne n’y ait jamais trouvé une quelconque entrave à leur citoyenneté. Pourquoi veut-on que dans le pays il y ait des citoyens intouchables, et que d’autres doivent être taillables et corvéables à merci ? Nous sommes en face d’une incongruité majeure.
Les magistrats se mettent délibérément en marge de la république. En organisant une grève illimitée, alors qu’ils perçoivent leurs salaires, leurs primes et leurs indemnités, ils s’arrogent le droit de refuser la continuité du service public, sans qu’il soit possible de suppléer de quelque manière légale que ce soit à leur défaillance, du moins dans l’immédiat. Ceci signifie simplement plus de jours et de semaines de détention pour les prévenus en attente de jugement qui forment près de 80% de la population carcérale au Bénin. Plus de semaines d’incertitude pour tous ceux qui ont des dossiers pendants devant les juridictions. Plus de grincements de dents pour tous ceux qui doivent retirer leur casier judiciaire…
On a le net sentiment que le droit de grève a été galvaudé et banalisé chez les magistrats. S’il est vrai que le Bénin a ceci de particulier qu’il faut toujours faire grève pour obtenir les plus petits avantages, ce qui amène les syndicalistes à dire que seule la lutte paie, il est aussi vrai qu’en multipliant les grèves fantaisistes, les magistrats ont banalisé cet outil ultime de négociation. Ils en ont fait un instrument de négociation, en faisant du chantage aux usagers.

Par Olivier ALLOCHEME

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