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Le triomphe de la vérité

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Edito: La traite des enfants


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C’était un lundi matin. En pleine cérémonie des couleurs dirigée par lui comme d’habitude, un ancien président de la République entend crier son nom de l’autre côté du portail. Le siège de l’institution qu’il présidait à sa retraite donnait sur une rue peu fréquentée, mais le bruit de l’individu qui criait son nom était suffisant pour attirer du monde. « Je suis le fils du président… ! » vociférait-il comme un forcené. Il était muni d’un tambour qu’il frappait frénétiquement pour en ajouter au caractère spectaculaire de sa revendication. On apprit plus tard qu’effectivement, il était le fils du vieux, mais que celui-ci avait refusé de le reconnaître. Par le biais de sa méthode tonitruante, le fils s’est fait entendre et l’ancien président avait même fini par en faire un de ses héritiers, avant de s’éteindre il y a quelques années.
Mais son cas est rare dans l’univers des enfants jamais reconnus par leur père au Bénin. Bien sûr, la loi protège ses enfants et oblige les parents récalcitrants à leur payer une pension alimentaire. Mais très peu de mères osent aller réclamer cette pension devant la justice. Et même lorsque la justice les y condamne, les pères sont encore plus nombreux à ne jamais honorer leurs engagements. Ceux qui sont des salariés réguliers peuvent subir une ponction à la source, mais la grande majorité échappe à la sanction. Imaginez donc quand ceci se passe dans nos villages où la majorité analphabète n’a que des sources de revenus dérisoires et aléatoires. C’est ainsi que beaucoup de pères abandonnent leurs enfants sur les frêles épaules de leurs ex-amantes ou ex-femmes. Et c’est ainsi aussi que des milliers d’enfants se retrouvent enfants placés ou Vidomègons, parce que leurs parents biologiques n’ont pas pu les prendre en charge de façon adéquate.
Bien entendu, les cas sont légions où les parents polygames se retrouvent incapables de s’occuper de leur progéniture, préférant les « vendre » comme Vidomégons à des tutrices restées en ville. Le reportage de TF1 produit par Mélanie Gallard et Emmanuelle Sodji diffusé ce dimanche soir montre à suffisance des parents qui préfèrent laisser partir leurs propres filles pour acheter une moto, reconstruire leur maison, avoir suffisamment d’argent pour s’occuper des garçons, suppléer le père décédé… Est-ce de l’esclavage ? Peut-on affirmer, comme le fait le reportage de TF1, que ce sont des cas d’esclavage ? Je voudrais en douter. Mais une chose est sûre : après avoir regardé la petite Victoire, cinq ans, vendeuse d’oignons dans ce vaste marché Dantokpa, il y a une énorme boule de chagrin mêlé de révolte qui vous prend à la gorge.
Il est clair que notre pays manque de passerelle sociale permettant par exemple, comme ailleurs dans les pays développés, de prendre systématiquement en charge les enfants en situation difficile, notamment en cas de décès ou d’invalidité des parents. La grande majorité des gens dans nos villages recourent tout simplement au placement d’enfant, les Vidomègons. Cette forme de solidarité familiale est désormais dévoyée voire commercialisée. Le reportage de TF1, pour révoltant qu’il puisse paraître, nous le montre à suffisance : l’extrême pauvreté doublée d’une inconscience tout aussi extrême, est un terreau fertile à ce type d’esclavage moderne. Nous sommes ici en face d’un cas non comparable à celui de la Libye, malgré les amalgames faciles de TF1.
Cette inconscience massive que j’évoquais, a peut-être des racines culturelles. Après tout, c’est bien sur nos côtes que des millions de nos aïeux ont été mis en esclavage pour se retrouver aux Amériques. Le placement d’enfants constitue au possible une survivance moderne de cette pratique, à la différence qu’elle s’exerce sur les enfants et les adolescentes. Pour le dire autrement, il s’agit de l’une des plaies les plus béantes de nos cultures. Elle demeure vivace dans les zones rurales où le niveau de pauvreté constitue une honte pour nous tous.
Où donc est la solution ? Dans la lutte pour la productivité dans nos campagnes en vue de réduire l’étendue de la pauvreté. Dans des mesures sociales conséquentes destinées à offrir des revenus aux ménages les plus vulnérables. Et enfin dans la mise en œuvre d’une politique sociale plus large en direction des enfants en situation difficile dans nos villages.

Par Olivier ALLOCHEME

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