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Le triomphe de la vérité

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Edito: La gangrène Hospitalière


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Il y a quelques jours, un proche à moi est passé me raconter sa mésaventure. Début septembre, son aîné a attrapé une de ces crises de paludisme qui affolent les parents. C’était un dimanche et il n’y avait d’autre solution que de se diriger en vitesse sur l’hôpital Camp Ghézo. Sur place, l’infirmier de garde constate la gravité de la situation et réfère le patient immédiatement au CNHU, compte tenu de l’absence de médecin, ce jour-là. C’est au CNHU que l’impensable a eu lieu. Il y avait bien un médecin de garde mais celui-ci a posé une condition sine qua non avant toute intervention sur l’enfant : il voulait 50.000 F en cash tout de suite ou il allait renvoyer le cas sur mardi ou vendredi prochain. Il voyait bien que l’enfant d’environ 10 ans avait perdu connaissance et que les parents étaient dans la plus grande détresse. Il refusa même de toucher au patient, encore moins de prodiguer quelque ordonnance que ce soit. Aujourd’hui, l’enfant a quitté l’hôpital, guéri parce que son père n’a pas hésité à retourner dare-dare à la maison pour chercher le pourboire exigé.
Ce vendredi, des infirmiers ayant tenté le même stratagème ont eu moins de chance. C’était en Ouganda, lors d’une visite tout à fait inhabituelle rendue par la ministre de la santé, Sarah Opendi à un hôpital du pays. Déguisée dans un accoutrement de circonstance, la ministre a surpris deux infirmiers qui lui réclamaient l’équivalent de 22.750 FCFA pour des examens de laboratoire « qui sont censés être gratuits ». Autant donc le dire tout de suite, le fléau de la corruption en milieu hospitalier n’est pas une spécificité béninoise. Ses visages sont multiples, avec la même allure de cruauté voire de méchanceté odieuse.
Dans une étude publiée sur ce fléau en 2007, Jean-Pierre Olivier de Sardan, Nassirou Bako-Arifari et Moumouni A. affirment : « L’usager qui connait un agent de santé ou qui est « recommandé », sera bien accueilli et bien traité. Par contre, la masse des usagers anonymes sera victime de diverses formes de mépris… » Selon cette étude réalisée dans différentes structures sanitaires publiques du Bénin, on assiste à une généralisation des cadeaux et autres actes de favoritisme. Dans les maternités, mieux vaut être « marrainée» (ou parrainée) ou payer personnellement les agents de santé, si l’on veut bénéficier d’un accouchement sans encombres. Sinon, les témoignages foisonnent qui parlent d’injures, d’abandon et autres formes de sévices parfois corporels que les sages-femmes infligent aux usagers, parfois lorsque la femme est en plein travail. Bien entendu, le vol de médicament est devenu l’un des sports favoris dans ce milieu où la décence élémentaire semble avoir disparu. « Dans le service de chirurgie de l’hôpital départemental de Parakou, le détournement de médicament est presque systématique », écrivent les trois chercheurs. Ils montrent que des circuits de revente parallèle sont organisés, de sorte que les médicaments changent de main rapidement, lorsque les patients et leurs proches ne sont pas vigilants.
A cela s’ajoute la vente de certificats médicaux de complaisance, surtout au sein des prisonniers. L’on remarquera qu’une chaine de solidarité se met en place pour délivrer de faux bulletins d’analyse du laboratoire de l’hôpital, en vue d’accroître les chances du prisonnier de bénéficier d’une évacuation sanitaire vers l’étranger. L’une des versions les plus pernicieuses de ce mal, c’est que plus d’une fois des candidats aux élections présidentielles ont fait le geste nécessaire pour être déclarés aptes, alors qu’ils étaient bien porteurs d’affections graves.
Dans ce diagnostic accablant, on peut comprendre qu’il y a des agents qui ne s’adonnent pas à ces pratiques sordides. Combien sont-ils ? Une goûte d’eau dans la mer des prédateurs qui ont transformé nos centres de santé publics en mouroirs à ciel ouvert. Et face au mal, des thérapies sont administrées. Mais force est de constater que ces pratiques ont la peau dure. Les règles édictées ne valent que ce que valent les hommes chargés de les appliquer.
Au-delà des sensibilisations, on n’apprend presque jamais des cas de sanction infligés à des médecins, des sages-femmes ou des infirmiers véreux. L’armure de protection dont bénéficient les acteurs de l’inconduite, portés par des syndicats, favorise des déviances qui constituent des menaces pour nous tous.

Par Olivier ALLOCHEME

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