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Le triomphe de la vérité

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Augustin Vianou, CA d’Avamè, un an après la tragédie: « Les victimes souffrent toujours, les secours ne seront jamais de trop »


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Un (01) an après l’explosion de la décharge qui a coûté la vie à 18 femmes dont trois (03) enceintes et 16 hommes, Augustin Vianou, le chef de l’arrondissement d’Avamè, revient sur ce drame et la gestion qui en est faite depuis lors. En invité pour notre rubrique hebdomadaire « INVITE DU LUNDI », il parle des leçons apprises du drame et bat en brèche certaines accusations de malversations dont sont l’objet le maire de la commune de Tori et lui-même.

L’Evénement Précis : Quel est le bilan du drame d’Avamè ?

Augustin Vianou : Le drame a fait 105 brûlés, donc, 94 officiellement enregistrés. Les onze (11) qui se sont ajoutés, nous les avons eus par la suite, lors de la distribution des vivres. Parce qu’au moment où le drame est survenu, ils ont pris peur. Ils croyaient que l’Etat allait leur mettre la main dessus. Chacun d’eux a donc pris la clé des champs pour aller se faire soigner là où il voulait. C’est pourquoi on ne les avait pas comptés au départ. Sur les 94 officiellement recensés, 83 ont accepté aller à l’hôpital pour se faire prendre en charge par le gouvernement ; 4 ont préféré rester à la maison parce que selon la tradition, quand on est brûlé, on ne se soigne pas à l’hôpital, on reste à la maison pour prendre des tisanes ; 7 autres se sont fait référer dans des centres de santé privés, parce qu’ils ont voulu être libres de leurs mouvements. Ils ont pensé que s’ils suivaient les consignes du gouvernement, peut-être qu’à la guérison, on mettrait la main sur eux. Voilà ce que nous avons enregistré comme victimes du drame. Sur les 105 brûlés, 34 ont trépassé. Nous remercions le gouvernement de notre pays qui sans hésitation, a pris entièrement à charge 83 victimes qui s’étaient fait connaître. Nous disons merci à la Direction départementale de la santé de l’Atlantique et du Littoral et aux différents centres de santé ayant accueilli, soigné et traité nos victimes, et qui ont su nous éviter la pire catastrophe de l’ère de la décentralisation.

Quel est le bilan de l’arrondissement d’Avamè?
Sept victimes viennent d’ailleurs qu’Avamè. Sur les 94 brûlés enregistrés officiellement, 4 sont de Tori-Cada et 3 de Tori-Gare. Les 87 qui restent sont d’Avamè.

Comment aviez-vous géré la situation en ce moment-là?
Comme je l’ai dit, 83 personnes ont été prises entièrement en charge par le gouvernement, jusqu’aux frais de la morgue. Cela nous a soulagés. Le gouvernement a mis suffisamment de moyens pour que les vies soient sauvées mais, malheureusement, 34 brûlés sont décédés, dont 18 femmes et 16 hommes. Sur les 18 femmes, trois étaient enceintes et une portait une grossesse de deux garçons, des jumeaux. Après la sortie de l’hôpital, beaucoup de généreux donateurs se sont manifestés pour venir en aide aux victimes. Nous en avons aujourd’hui près d’une trentaine, qui ont sorti de l’argent, des vivres, ont pris en charge le paiement des frais de scolarité, les frais d’examen, les frais de TD, ont offert des kits scolaires, des couvertures, du savon de toilette, etc. Nous pouvons citer Caritas Bénin, avec l’appui de l’USAID, CRS Bénin, Secours catholique, Caritas France, qui ont fait d’immenses dons. Caritas a donné de l’argent, 28 tonnes de de divers vivres, de distribution de kits scolaires, de paiement de frais de TD et d’examen, du transport sécurisé des victimes sorties des hôpitaux jusqu’à leur domiciles, de l’appui psychologique aux victimes, etc. vivres. L’Assemblée nationale a mis à la disposition de la mairie de Tori-Bossito, la somme de 20 millions de francs CFA au profit des victimes, l’Observatoire chrétien catholique de la gouvernance s’est manifesté, ainsi que la Loterie nationale du Bénin qui est allée jusqu’à construire un centre de transformation de produits agricoles d’une valeur de 50 millions à Avamè, pour occuper les rescapés. Nous avons beaucoup de bonnes volontés qui se sont manifestées. La liste est longue, ceux qui sont arrivés au chevet des victimes, qui nous sont venus en aide sont nombreux. Voilà comment nous avons pu faire face au drame. Les enfants des victimes scolarisés ont été totalement pris en charge.

Combien sont-ils justement les orphelins, et comment ont-ils été pris en charge ?
Il y a 276 orphelins, dont 126 encore scolarisés. Ce sont ces 126 que nous avons pris en charge parce que les autres sont déjà majeurs, mariés, des gens qui travaillent déjà et sont à leur charge et qu’on ne pouvait plus prendre en charge. Les 126 concernés ont été totalement pris en charge. Ce que chacun a reçu comme kit scolaire, il peut encore l’utiliser pendant des années. Beaucoup de structures, des ONG sont arrivées. Certaines ONG ont installé des lampadaires afin que ces enfants-là puissent étudier.

La prise en charge des orphelins va-t-elle se poursuivre encore ?
Cela se poursuit, parce que nous avons pris des dispositions au niveau de la mairie pour qu’un suivi concernant ces enfants soit fait, pour faire le bilan et voir ceux qui ont continué d’aller à l’école. Nous avons un fichier, nous sommes en contact avec les responsables des écoles dans lesquelles ils vont pour voir ce qui se passe. Il y en a même qu’on a pris en charge à l’université, et qui sont entièrement couverts par la prise en charge de la mairie.

Vous parliez tantôt des vivres. Comment s’est fait la répartition ?
Ce n’est pas nous qui décidons de la répartition des vivres.Les ONG qui arrivent, pour éviter les problèmes, partagent directement les vivres aux victimes. Ce n’est pas que les vivres arrivent et que nous les entreposons quelque part avant de les distribuer. Ils sont distribués directement sur le terrain. Caritas a fait 9 mois de distribution de tonnes de vivres à ces victimes. La mairie-même achète des vivres et seuls les vivres achetés par la mairie sont gardés à la mairie et le jour de la distribution, on les répartit par village et les victimes elles-mêmes se les partagent. Voilà comment nous procédons pour éviter les critiques nuisibles qui pourraient nous décourager. Ce que la mairie fait, elle le fait par mois. Si je prends le cas de Caritas, quand Caritas vient chaque mois pour distribuer, chaque victime a au moins 25 kilos de riz, 50 kilos de maïs. La mairie même amène ce qu’elle a prévu. On a même eu des informations selon lesquelles des victimes vont sur les marchés pour aller vendre les vivres qu’on leur donne.

Comment les choses se passent-elles pour les survivants depuis leur retour de l’hôpital?
Si c’est pour la nourriture, ils en ont. Ils ont toutes sortes de vivres qui pourraient leur permettre d’accélérer la cicatrisation des brûlures. Mais, malheureusement, parmi ces victimes, une vingtaine traîne encore des séquelles qui vont certainement les suivre à vie, des chéloïdes qui ont envahi leur corps totalement, qui frappent au premier regard, parfois avec du pus. Il s’agit de véritables infections qui rongent leur corps, et même leur âme. Ceux-là constituent aujourd’hui le casse-tête pour la mairie. Nous avons plusieurs fois demandé le secours du médecin chef qui va les consulter, prescrit des ordonnances que la mairie achète. Nous avons tous les documents avec nous.

Quel est le procédé dans ce cas précis ?
Si quelqu’un va à l’hôpital, si c’est par rapport au drame, il passe d’abord par la mairie, il le signale au secrétaire général et on appelle le médecin qui donne des consignes. Et quand on lui prescrit des ordonnances, c’est la mairie qui les achète. Voilà ce que nous sommes en train de faire pour le moment. Ceux qui sont déjà guéris ont déjà repris leurs activités.

Comment est géré l’argent que les structures et les individus ont donné aux victimes ?
Les divers dons ont été directement remis aux victimes et n’ont pas forcément transité par la mairie de Tori-Bossito, ni par l’arrondissement d’Avamè. Nous gérons de façon parcimonieuse. La mairie n’a reçu que l’appui financier de l’Assemblée nationale, des députés Ahonoukoun,et Houngnibo, de Tolikunkan, de la mairie d’Abomey-Calavi, de Madame Eléonore Avocè, et du commissariat de Tori-Bossito, qui s’élève à un montant de 27.570 000 FCFAque nous avons mis à la banque.Cet argent n’a pas été distribué d’un coup. Nous avons projeté la gestion efficiente de cet argent. Quand il le faut, le comité de gestion du drame se réunit pour décider de ce qu’il faut faire. Voilà comment nous gérons ces fonds.

Que se passera-t-il quand ces fonds vont finir ?
Bientôt nous irons au vote du budget. En 2018, nous allons prévoir suffisamment d’argent pour que la mairie continue de prendre en charge les victimes jusqu’à un moment donné. Ce qui est bon aujourd’hui, c’est qu’il y a au moins une vingtaine qui sont déjà totalement guéris et vaquent à leurs activités. C’est un soulagement pour nous. Les chiffres iront decrescendo pour que nous puissions faire face au petit nombre qui va rester. Ce qui est sûr, c’est que d’ici à la fin de l’année, il n’y aura pas plus d’une trentaine de personnes que nous aurons sous les bras.

Vous certifiez donc l’engagement de la mairie à continuer la prise en charge des victimes du drame ?
Cet engagement n’est pas à négocier. Cela va de l’intérêt de la mairie, parce qu’il n’y a de richesse que d’hommes. Si nous laissons ces bras valides partir alors que nous avons besoin d’eux, c’est nous qui perdons. Comme on dit, l’Etat est une continuité. Même si cette mandature finissait, une autre va continuer jusqu’au moment où le dernier va recouvrer totalement sa santé, à moins que les circonstances en disposent autrement.

Et pourtant,certains rescapés disent qu’ils ont été écartés et n’ont pas bénéficié d’aide. Que leur répondez-vous ?
Il n’y a pas de victime qui ait dit qu’elle ait été mise à l’écart. Ils sont six parmi les victimes, qui passent sur les antennes de radio pour saboter les efforts consentis à leur égard. Ils disent que l’Etat les a dédommagés, et que les frais de dédommagements s’élèvent à 15 milliards que le maire et le CA ont empochés. C’est de l’ignorance totale. Vivement que Dieu les délivre de leur ignorance et de leur ingratitude. On n’en a pas trop tenu compte mais on l’a dit pour que les populations sachent qu’il n’y a rien eu de pareil. Ils sont allés même sur une radio pour dire qu’ils sont victimes et que l’Etat les a dédommagés mais qu’ils n’ont pas eu les fonds.

Quelles mesures ont été prises par la mairie et l’arrondissement pour éviter que pareil drame n’arrive à l’avenir?
Il n’y a pas d’autres mesures que de sécuriser les lieux. Et aujourd’hui, le lieu est sécurisé, il est clôturé, avec un portail, donc l’accès n’est plus libre à n’importe qui et puis les activités sont suspendues sur le terrain. Il n’y a plus d’activité. Aujourd’hui, on peut dire que la sécurité est totale sur les lieux.

Les populations d’Avamèont-elles retenu la leçon après ce qui leur est arrivé ?
Ah oui ! Vous savez, nous avons une charge d’éducation et de rééducation de nos populations. La mentalité au village est différente. Au village, pour preuve, les gens continuent de croire que,si on est brûlé par le feu et qu’on va à l’hôpital, on en meurt. C’est ça qui fait dire aux gens qu’on peut prendre ce qui peut tuer les gens à Cotonou mais qu’au village, il n’arrivera rien à celui qui les consomme. Aujourd’hui, nous procédons à l’éducation. Même si aujourd’hui on déversait des produits avariés dans Avamè, personne n’osera se présenter pour dire qu’il veut les ramasser.

Avez-vous des appels à lancer ?
On aura toujours des appels à lancer à l’endroit du peuple, à l’endroit des bonnes volontés. Nous avons des gens qui aujourd’hui sont véritablement malades. J’ai dit tantôt que nous avons identifié au total 23 personnes qui sont stigmatisées. C’est des gens qui hésitent à se faire voir en public. Ils sont atteints mentalement, psychologiquement abattus et peinent à s’affirmer comme des Hommes à part entière. C’est un problème sur lequel nous allons nous pencher. C’est vrai, parmi les ONG qui viennent, il y en a qui nous proposent des approches de gestion des victimes de cette situation. Nous sommes et restons à leur écoute pour bénéficier de leurs expériences. Que les bonnes volontés qui nous lisent sachent que quelque part au Bénin, dans le département de l’Atlantique et la commune de Tori-Bossito, il y a un arrondissement appelé Avamè, qui a besoin d’eux pour récupérer ses fils qui sont en train de souffrir. Que les bonnes volontés continuent de manifester toujours leur solidarité à l’endroit des victimes. Si aujourd’hui quelqu’un peut dire qu’il peut prendre en charge un ou deux malades pour leur guérison totale, ça sera un soulagement pour la mairie. Les victimes souffrent toujours, les secours ne seront jamais de trop.

 

Réalisé par
Flore S. NOBIME et Rastel DAN

 

 

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