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Le triomphe de la vérité

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Edito: 7 milliards par an


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En juillet dernier, le gouvernement a fait une annonce qui n’a retenu l’attention que dans son volet social. Il a été prévu d’instaurer les cantines scolaires dans 67 Communes pour environ 7 milliards de FCFA par an, sur les quatre prochaines années. Par an, ce sont 351.000 écoliers qui seront impactées par ce projet destiné à leur garantir au moins un repas sain par jour. Vous ne voyez toujours pas l’aspect économique de l’affaire ?
Oui, c’est évidemment du social. Et si l’on considère qu’aujourd’hui beaucoup d’élèves ne prennent pas le repas de midi, parce que leurs parents n’en ont pas les moyens, c’est un projet salvateur qui est mis en place. Et oui encore, si j’étais à la place du gouvernement, les véritables réformes sont ailleurs. Elles sont dans la qualité de la formation, dans la qualité de la formation des enseignants et de la définition de nouveaux paradigmes pour propulser notre école vers les sciences. Mon crédo, c’est qu’il nous faut inverser les tendances de formation, en visant plus d’écoles d’ingénieurs, ce qui suppose que tout le système est construit depuis le primaire pour former des techniciens plutôt que des récitants. S’il faut dépenser de l’argent aujourd’hui dans l’enseignement, ce devrait être vers la création et l’équipement des lycées de formation professionnelle et de grandes écoles tournées vers les sciences pour l’ingénieur. Ce jour viendra, même s’il tarde encore. Il viendra quand même.
En choisissant d’octroyer 7 milliards par an pour les cantines scolaires, le gouvernement a fait l’option d’aider à résoudre le problème de la faim dans nos écoles. Concrètement, cette décision accroit immédiatement la demande de produits alimentaires, notamment agricoles. Ce sont des centaines voire des milliers de tonnes de maïs, de riz, d’ignames, de manioc, de tomates ou de piment qui seront nécessaires à la mise en œuvre concrète de cette mesure gouvernementale. On aura besoin de tonnes et des tonnes d’huile ou de sel. Si vous voyez où je veux en venir, vous avez dû comprendre qu’il y a pour les commerçants du secteur agricole une véritable aubaine qui s’offre.
Ce programme constitue ainsi, une forme de stimulation de la demande intérieure en produits agroalimentaires. C’est un pan entier de l’économie béninoise, un pan contrôlé par les producteurs et les négociants, qui pourrait se renforcer. Ceux qui ont bâti leur fortune dans des produits comme le gari, le haricot, les huiles alimentaires ou encore les produits maraîchers, sont aujourd’hui au seuil d’une révolution. Pourront-ils satisfaire toute la demande ? Laisseront-ils le pactole à des commerçants venant d’ailleurs ?
Dans tous les cas, je n’ose pas imaginer que le Programme alimentaire mondial (PAM) à qui le gouvernement a confié la mise en œuvre de cette opération, fasse appel à des fournisseurs étrangers pour satisfaire une demande typiquement nationale. Ce serait proprement désastreux. Satisfaire cette demande nationale devrait d’abord être réservé aux nationaux s’approvisionnant au Bénin, ou, tout au plus dans la sous-région. Et le contrat du gouvernement avec le PAM devrait le souligner tout exprès.
Car ce qui risque d’arriver, c’est qu’en prétextant du manque de maïs, de haricot ou d’huile sur le territoire national, les responsables trouvent le moyen de convoyer dans nos écoles, du maïs américain ou des huiles malaisiennes. Pendant ce temps, nos producteurs locaux seraient obligés de vendre leurs récoltes à la petite semaine, comme d’habitude. Ils auraient ainsi perdu l’opportunité de gagner eux aussi de l’argent pour faire face à leurs besoins.
Si dans nos campagnes, des titans raflent les productions de nos paysans, chacun louera les vertus de Talon et l’on sautera de joie chaque fois que le gari sera abondamment vendu dans nos marchés au profit des enfants. Ceux qui le savent, voient déjà le dividende politique que l’on peut tirer de cette opération. Mais il est indéniable qu’investir 7 milliards par an dans nos villages contribuerait à y maintenir les jeunes dont beaucoup accourent vers les villes en quête d’un hypothétique bien-être.
Et si le gouvernement force le PAM à acheter le poisson et la viande d’origine béninoise pour nourrir les enfants béninois, vous verrez que la vie des centaines de pêcheurs, de pisciculteurs et d’éleveurs va radicalement changer.
En clair, je vois que les cantines scolaires, tout en étant un appui de taille à l’école béninoise, constituent de véritables sources de prospérité pour nos communautés rurales. A condition que l’on achète béninois.

Par Olivier ALLOCHEME

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