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Le triomphe de la vérité

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Édito: Réformes anglaises


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C’est un nouveau pas que s’apprête à faire l’école béninoise dès la rentrée prochaine. L’introduction de la langue anglaise dès le primaire constitue une première qui va impacter l’avenir de nos enfants, et surtout de tout le pays. La phase pilote qui commence cette rentrée permettra de lancer l’initiative avant sa généralisation progressive.  Mais ne rêvons pas trop.

En fait, le Bénin s’aligne progressivement sur ce que bon nombre de pays ont déjà commencé à faire depuis quelques décennies. Le cas le plus emblématique à cet égard reste le Rwanda qui a carrément mis le Français au second plan, à partir de 1994, avec l’accession au pouvoir du FPR de l’actuel Chef de l’Etat Paul Kagamé. De pays francophone, le Rwanda est passé tout simplement à un pays anglophone, avec un fort relent antifrançais. Ce n’est bien évidemment pas ce qu’entend faire le gouvernement béninois.

Le piège qui attend le Bénin est beaucoup moins géopolitique que pédagogique. Dans la pratique pédagogique adoptée jusqu’ici, l’enseignement de la langue anglaise ne permet pas concrètement aux apprenants de tenir réellement une conversation dans cette langue pour longtemps. La plupart de ceux qui ont fait l’anglais jusqu’en terminale, peuvent témoigner que les cours servent beaucoup plus à lire qu’à parler. J’ai fait cinq années d’anglais après le bac, jusqu’en master donc, sans être capable de tenir une conversation sérieuse dans la langue. Je l’ai appris à mes dépends pour la première fois, lors d’un séminaire international auquel j’avais participé dans un pays anglophone. Ce fut un calvaire, d’abord de comprendre ce que disaient mes interlocuteurs tous anglophones, mais encore d’exprimer mes opinions sans balbutier mes mots et sans faire de grosses fautes de grammaire. Et pourtant, jusqu’à ce que je termine mon master, j’avais plutôt de très bonnes notes dans cette matière où presque tous mes professeurs pouvaient me remarquer. J’en ai donc tiré la conclusion que l’anglais scolaire, basé sur un enseignement mal contextualisé et surtout basé sur la lecture plutôt que sur la parole, ne mène pas à grand-chose.

Si la réforme initiée vise à reconduire au primaire cette pédagogie somme toute inefficace, les résultats escomptés nous feront regretter les éloges que nous adressons actuellement à l’initiative du gouvernement. Ce dont les parents et les enfants ont besoin, c’est d’un apprentissage permettant par exemple de suivre les informations ou les films sur les chaines de télévision nigérianes ou américaines. Ce dont nous avons besoin, c’est de pouvoir accueillir des clients anglophones chez nous  ou même de pouvoir converser avec eux, sans avoir besoin d’interprètes. Lorsqu’un Béninois voyage au Kenya, en Afrique du Sud ou au Zimbabwe, il devrait  se faire comprendre, dans un anglais à peu près normal. Et tel n’est pas le cas actuellement.

En fait, au fur et à mesure de mes désillusions, je me suis rendu compte qu’il n’y a pas mieux en la matière que ce que les anglais appellent le « context-based learning » ou simplement l’enseignement contextualisé qui part de l’accent mis sur la prononciation et les jeux de rôles entre pairs. Ces jeux de rôles devraient occuper 70% de l’apprentissage de la langue, avec l’objectif clair d’amener les apprenants à pouvoir converser en anglais sur des situations de vie concrète. C’est ce que les spécialistes appellent aussi « discussion-based training » qui offrent aux apprenants la capacité bien nécessaire de se parler entre eux sur leurs situations de vie réelle.

Mais, évidemment, pour y parvenir, il faudra un corps enseignant motivé, surtout compétent, conscient des enjeux et engagé. Là réside la clé du succès de cette initiative. Est-ce possible avec les enseignants actuels ? La question est tout entière posée. Tout aussi indispensable que les enseignants, il y a un matériel didactique qui n’existe pas actuellement, et qui pourtant se situe au cœur de l’apprentissage des langues étrangères : le magnétophone. Il n’est pas concevable d’apprendre sérieusement l’anglais sans apprendre à déchiffrer, au long des années, des voix de locuteurs anglophones. Tôt ou tard, il faudra inscrire cet appareil comme matériel indispensable et distinctif  de tout enseignant d’anglais.

En définitive, pour ne pas être une réforme cosmétique juste mise en œuvre pour le décorum, l’initiative du gouvernement devrait s’accompagner de réformes pédagogiques concrètes ayant pour objectif de donner aux enfants des bases solides leur permettant d’être compétitifs dans le monde ultra-concurrentiel qui se met en place devant nous. En avons-nous les moyens ? Je veux rêver que oui !

Par Olivier ALLOCHEME

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