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Le triomphe de la vérité

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Edito: Patriotisme en berne


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Si le Nigeria envahit le Bénin aujourd’hui, occupant Sèmè-Kraké jusqu’à la lisière du marché Dantokpa, quelle serait l’attitude de chacun de nous ? Que se passerait-il si la France débarquait des soldats armés jusqu’aux dents pour contrôler le palais présidentiel et y installer un homme-lige à sa dévotion, que ferait le commun des Béninois ? Y aurait-il une riposte citoyenne, celle des Béninois de toutes catégories décidés à laver l’honneur de la patrie, même au péril de leurs vies ? Quantifions même : Y aurait-il 20% des Béninois prêts à prendre les armes pour défendre notre indépendance ? J’en ai bien peur, mais je l’ignore.
En vérité, la question parait peut-être saugrenue, mais la réponse reste le socle sur lequel se construisent les grandes nations : la fierté nationale et la volonté inextinguible de la défendre à tout prix. Après les attentats du 11 septembre 2001 qui ont ébranlé les Etats-Unis, en faisant 2977 morts, un élément central a retenu mon attention : seize années après, vous ne trouverez, nulle part, des photos de corps ensanglantés, morts ou vivants, des victimes de cette tragédie. Nulle part, vous ne trouverez les images de ces victimes. Par contre, vous aurez à satiété des images de braves pompiers prêts à aller au secours de leurs compatriotes en détresse. 343 d’entre eux ont d’ailleurs péri lors des événements. Il en a été de même lors de l’attentat de Nice qui a fait 86 morts, le 14 juillet 2016. Là encore, si vous cherchez les images, vous ne verrez que des corps gisant au loin. Non pas parce qu’il n’y en a pas de très poignantes et violentes, mais parce que le patriotisme américain ou français a amené les autorités depuis des siècles à exalter leur pays, à promouvoir dans les films, les chansons, les médias, les programmes éducatifs et les garnisons, l’image grandiose de leur pays. Là-dessus, un pays comme les Etats-Unis ne transige pas. Une preuve qui pourrait en dire davantage, c’est qu’aucun Américain ne peut être Président des Etats-Unis s’il n’est né sur le sol américain. Au Bénin, cela paraît banal, mais la fierté nationale va jusque-là, jusqu’au procès que l’on tente de faire à Donald Trump pour avoir été aidé par la Russie lors des campagnes électorales de l’année dernière. A vrai dire, au Bénin, le commun des citoyens aurait même apprécié cette ingérence étrangère comme la preuve de la grande célébrité du candidat auprès de ceux qui nous donnent de l’argent.
Le patriotisme que j’appelle de tous mes vœux est celui qui est construit sur une fierté nationale inoculée aux enfants dès le bas-âge. L’indépendance n’a pas de sens lorsque les citoyens n’ont pas été éduqués pour défendre leur patrie et la protéger contre vents et marrées. Ce patriotisme exigeant ne naît pas ex-nihilo. Il advient à travers les douleurs de l’histoire et surtout il est cultivé par un système éducatif qui exalte la nation. Nous avons vécu dans nos chairs les douleurs de la traite négrière. Les stigmates de cette tragédie perdurent encore aujourd’hui, en dépit des avancées qui sont faites dans le sens de la construction d’un bloc national. Et la mise en place du projet La Route de l’Esclave constitue un jalon important dans ce sens. Mais cette initiative, comme bien d’autres, manque de construire une conscience nationale forte affermie par la sauvagerie de la traite. Contrairement à la Shoah qui fait qu’aujourd’hui chaque Israélien est viscéralement attaché à sa patrie, la traite a semé la division en nos seins, au lieu de nous unir face au danger de la voracité occidentale.
Il en est de même de la colonisation dont l’histoire ne nous a pas suffisamment enseigné qu’elle constitue une humiliation que les générations futures ne doivent plus subir. On doit enseigner dans nos écoles, dès la maternelle, que notre patrie a souffert et que chaque enfant de ce pays a le devoir de se battre, au péril de sa vie s’il le faut, pour que les humiliations que nous avons vécues ne se répètent pas.
Oui, nous célébrons l’indépendance du Bénin. Mais nous ne nous rendons pas compte suffisamment que tous les leviers de notre indépendance réelle nous ont échappé. 57 ans après, notre économie par exemple doit être contrôlée par nous-mêmes, en accroissant la production et la consommation intérieures par tous les moyens, y compris par une limitation intelligente des importations, comme le fait d’ailleurs un pays comme le Nigeria depuis plusieurs années.
En un mot : il n’y a pas d’indépendance sans patriotisme. Le reste n’est que leurre.

Par Olivier ALLOCHEME

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