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Le triomphe de la vérité

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Edito: Inversons les chiffres


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Tout le monde est content, mais personne ne semble voir la réalité en face. Pour 41,78% d’admis au Bac 2017, combien y a-t-il d’échecs ? Environ 58%. Autrement dit, près de 6 candidats sur 10 ont échoué à cet examen. C’est-à-dire aussi que l’Etat et la majorité des familles ont dépensé leur argent pour que la majeure partie des candidats échouent cette année.
Si vous me lisez du Bénin, vous trouverez probablement qu’il s’agit d’une bonne chose. Après tout, on est passé de 30,14% en 2016 à 41,78% cette année. C’est une avancée remarquable. Tout le monde a félicité le directeur de l’Office du Bac qui aura abattu une tâche colossale, si colossale qu’il n’y a pas eu de fuite, contrairement à ce qui s’est passé cette année au Sénégal par exemple. Même en France, en juin 2017, un enseignant parisien s’était fait voler un sac contenant 61 copies de mathématiques du bac ES. L’épreuve avait toutefois pu être reprogrammée quelques jours après. Quant au sac, il avait été retrouvé dans un bar du 18ème arrondissement de Paris, avec les copies à l’intérieur, mais trop tard. Presque chaque année, la France enregistre ce type d’incident, sans que cela ne provoque aucune indignation nationale : c’est rangé dans la rubrique « Faits divers » dans les médias. On n’a pas eu ce genre de tragédie au Bénin, et il faut décorer da Silva qui a fait un bon boulot. Félicitations !
En réalité, ce qui importe en France, comme dans la plupart des pays occidentaux, c’est le pourcentage d’admis à cet examen. En 2017, ce sont 87,9% des candidats français qui sont admis, un taux légèrement inférieur à celui de 2016 (88,5%). Il reste proche des 88 % enregistrés depuis 2014. Si la France avait enregistré 41,78% d’admis, nul doute qu’il y aurait eu un remaniement ministériel. Le Chef de l’Etat aurait immédiatement fait un discours annonçant des réformes vigoureuses pour remédier à cette catastrophe. Au Bénin, avec 87,9% d’admis au Bac, chacun aurait crié au scandale, à la magouille. Certains spécialistes ameutés par les médias auraient crié sur tous les toits qu’il s’agit de résultats politiques, puisque le « Bac se donne désormais comme de petits pains ». Mais même avec 87,9% d’admis au Bac, dans un pays scandinave comme la Finlande par exemple, les parents auraient crié au scandale et l’Etat aurait pris des mesures radicales pour remédier à ce niveau trop bas. Là-bas, tout est mis en œuvre pour que chaque enfant réussisse. L’échec y est vécu comme un drame et le Bac y donne généralement plus de 90% d’admis chaque année. Après tout, l’Etat et les parents n’ont pas dépensé leurs ressources pour qu’échouent leurs enfants, qui sont pour eux les êtres les plus chers. Au Bénin, par contre, nous avons formaté nos cerveaux pour l’échec. Probablement, les enseignants aussi trouvent que l’échec massif de leurs candidats est dans l’ordre normal des choses. A la limite, nous pensons tous que c’est la preuve que le Bac béninois est d’un très bon niveau. Un peu comme si c’est en faisant échouer nos enfants que nous pouvons nous convaincre de la qualité de notre système éducatif.
Le fait est qu’à défaut de trouver la bonne solution aux problèmes du système, nous nous accrochons aux fruits pourris, au lieu de nous attaquer aux racines de l’arbre. Il faut que nous changions de paradigme, en admettant d’abord que cela ne saurait continuer. Chaque enfant qui échoue est une perte pour sa famille et pour la nation. S’il a le courage de reprendre les classes, il pourra relever le défi un jour pour avancer dans la vie. Mais vous le savez, une bonne partie de ceux qui échouent n’ont plus la force de reprendre le chemin des classes. Ils décrochent, pour un autre destin. Commencent alors pour eux les chemins de l’incertitude, des horizons confus. Il en est du Bac comme du BEPC. Vous rencontrerez sur votre route nombre d’anciens candidats devenus vendeurs à la sauvette dans les feux tricolores, conducteurs de zém, serveuses de bars s’ils ne trainent pas dans les quartiers à la recherche de maisons à cambrioler.
Le véritable drame, c’est qu’évidemment tout le monde trouve que c’est normal. Personne ne pense à améliorer le système pour alléger la charge aux élèves en faisant un Bac à deux niveaux déjà à partir de la classe de première, pour offrir plus de livres, plus d’enseignants qualifiés, plus d’accompagnement psychologique spécifique, plus de TD. Personne ne pense aux plus faibles qui peuvent bien aller au diable.

Par Olivier ALLOCHEME

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