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Le triomphe de la vérité

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Edito: La fable des matières premières


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Entre nous, est-ce que sérieusement vous pensez que l’Afrique est le continent le plus riche en matières premières ? Si oui, qu’est-ce que cela change ? Cette question, il faut se la poser chaque fois que certains esprits avisés, qui sont du reste sincères, se mettent à sortir les chiffres des ressources minières du continent. 12 % des réserves mondiales de pétrole, 40 % des gisements d’or du monde, 7,5% de celles de gaz naturel et entre 80% et 90% du chrome et du platine… Ces chiffres proviennent du rapport Arcadia 2017 (Annual Report on Commodity Analytics and Dynamics in Africa), réalisé par le think tank marocain OCP Policy Center. Je ne parle pas encore des matières premières agricoles qui se cultivent à foison sur le continent. Alors, une autre question : pensez-vous sérieusement et sincèrement que les autres continents n’ont pas de ressources minières ?
Non, tous les continents ont de ressources minières. Et certains pays, en dehors de l’Afrique, en ont même à revendre. Prenons un exemple, les Etats-Unis. En 2014, les Etats-Unis sont devenus le premier producteur mondial de pétrole, devançant pour la première fois l’Arabie Saoudite. Après être devenus les premiers producteurs mondiaux de gaz naturel, devant la Russie, les Américains ont produit en 2014, 11,644 millions de barils par jour de pétrole (brut et liquides de gaz naturel). Et ils sont restés premiers producteurs de pétrole jusqu’à ce début 2017 où ils ont été détrônés par les Russes.
Un autre exemple, la Chine. L’empire du milieu possède, outre le charbon, du zinc, du tungstène (84 % de l’approvisionnement mondial), les terre rares (50 % des réserves mondiales), du bauxite, du fer, du plomb, de l’argent, de l’uranium, du cuivre, etc. On y a découvert 171 minerais parmi lesquels 158 dont les réserves ont été vérifiées, 10 appartiennent aux ressources énergétiques dont pétrole, gaz naturel, charbon, uranium et géothermie … Je vous passe les autres détails. Alors question encore : pourquoi ces pays se ruent-ils sur l’Afrique au lieu d’exploiter leurs propres richesses ?
C’est là en effet où le débat devient intéressant. Pendant près de cinquante ans, nous avons pensé que le développement d’un pays repose sur les ressources naturelles. Et la plupart des Etats miniers ont mis en œuvre des politiques économiques dépendant largement des richesses naturelles. Pendant ce temps, on n’a pas assez étudié le comportement des autres pays où, au même moment, l’on ménageait son pétrole, son manganèse ou son cuivre. Autrement dit, les Etats riches font une utilisation rationnelle de leurs ressources naturelles, en constituant des réserves en ce qui concerne les matières premières stratégiques (pétrole, gaz, uranium…). Ces réserves servent, comme aux Etats-Unis par exemple, à amortir les crises du secteur pétrolier. Pendant ce temps, le pays mène une féroce campagne extérieure pour exploiter les ressources des autres, c’est-à-dire des pays africains par exemple, qui sont assez intelligents pour penser que les matières premières sont la base du développement.
Ces dernières années, le cas typique de la République Démocratique du Congo, pays effroyablement riche en ressources naturelles de toutes sortes, a pu montrer que ces richesses peuvent devenir une parfaite malédiction. Il en est de même pour le Libéria ou l’Angola dont les richesses minières ont servi pendant longtemps à entretenir des factions rebelles violentes. Même la fiscalité appliquée aux ressources minières a pu devenir un boulet.
Face à cette équation, au plan institutionnel, on est passé du consensus dit de Washington (discipline budgétaire, élargissement des bases fiscales…) au consensus de Séoul (mobilisation des ressources intérieures à travers le soutien à la mise en place de systèmes fiscaux plus efficaces, le soutien au combat contre l’érosion des revenus fiscaux nationaux). Mais le fait est que les ressources naturelles sont soumises aux fluctuations du marché international. Sans compter que dans bien des pays, les citoyens ne savent même pas ce qu’il y a sous leurs pieds et attendent que des experts étrangers viennent le leur dire. Si nous ne prenons que le cas du Bénin, on peut constater qu’il y a seulement trois ans, en 2014, que le scanning de notre sous-sol a eu lieu, avec des résultats qui n’ont pas été popularisés.
Si vous m’avez suivi jusqu’ici, qu’est-ce que je voulais dire en rappelant tout cela : que d’abord l’exportation des matières premières brutes est une servitude volontaire. Et que la solution véritable est d’industrialiser nos économies, à partir de nos propres ressources naturelles.

Par Olvier ALLOCHEME

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