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Le triomphe de la vérité

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Edito: La viande dans tous ses états


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logo new1Il fallait prendre la mesure pour calmer les suspicions. La suspension temporaire de l’importation des produits congelés provenant du Brésil doit faire grincer des gens à tous les acteurs de la filière. Ce sont en effet de gros contributeurs au budget national. Le secteur à lui seul a fait en 2014  60 milliards de FCFA au titre des frais de douane. On ne parle pas encore des autres impôts qu’il génère et qui prouvent, s’il en était encore besoin, que les importations de produits congelés constituent une grande source de revenus pour l’Etat.

            Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut encourager l’importation de produits que nous sommes parfaitement capables de promouvoir ici. Lorsque le Sénégal a interdit en 2005 l’importation de volaille sur son sol jusqu’en 2020, il entendait se prémunir contre l’épidémie de  grippe aviaire qui sévissait à l’époque.   Mais cette mesure  temporaire a été maintenue jusqu’à présent et a permis à l’aviculture locale de se développer très rapidement. Selon les chiffres de la Fédération des acteurs de la filière avicole du Sénégal, le secteur a enregistré 20 milliards de F CFA en investissements, la production de poussins est passée de six millions en 2005 à 20 millions en 2012, celle des œufs de consommation a grimpé de 349 millions à 584 millions. L’aviculture sénégalaise a créé plus de 30 000 emplois et enregistre un chiffre d’affaires annuel d’environ 128 milliards de F CFA, soit 17 % de la contribution de l’industrie animale au PIB du Sénégal.

            Prenons maintenant le cas du Cameroun. Dans ce pays, la production nationale en poulet de chair est passée de 31 millions de têtes en 2011 à 50 millions en 2015 et le cheptel de poules pondeuses est passé de 3,5 millions en 2012 à 5,5 millions en 2015.  Mais ces performances n’ont été rendues possibles qu’avec l’interdiction en mars 2006 de toute importation de poulet congelé, obligeant les acteurs à entrer dans une dynamique de production locale. Le secteur a généré 400.000 emplois directs et indirects et a représenté jusqu’à 14% du PIB.

C’est au regard de tous ces avantages que le Nigeria aussi a interdit les importations de produits congelés, ouvrant la voie à une intense contrebande en provenance du Bénin.

            Un poulet est produit en quarante jours, alors qu’un bœuf  nécessite vingt mois d’élevage intensif.  Résultat : le secteur, prometteur, attire de nombreuses sociétés spécialisées. Mais aussi le fonds d’investissement African Agriculture Fund (AAF), fort de 243 millions de dollars (177 millions d’euros). Il a notamment investi dans la firme zambienne Goldenlay (à hauteur de 24 millions de dollars), l’une des principales sociétés avicoles au sud du Sahara, ainsi que dans l’entreprise camerounaise West End Farms.  L’aviculture commerciale couvre deux secteurs distincts : les poulets, pour la viande, et les poules pondeuses, pour la production d’oeufs. Mais  elle stimule aussi d’autres productions agricoles, notamment la production de maïs et de soja qui entrent dans la fabrication des provendes. Dans beaucoup de pays, les politiques l’ont favorisée pour son effet d’entraînement sur la production de céréales. C’est le cas en Afrique australe notamment . En Côte d’Ivoire, la Société ivoirienne de productions animales (Sipra), qui détient 60% du marché, a lancé en 2012 un plan d’investissement de 22 millions d’euros pour augmenter sa production, sur fond d’explosion de la consommation d’oeufs et de volaille. Le Maroc compte plusieurs producteurs de premier plan, parmi lesquels Zalagh, qui a reçu le soutien de la Société financière internationale (IFC, groupe Banque mondiale), ou encore Koutoubia, numéro un de l’élevage de dindes.

            Résumons-nous. La filière avicole est un vecteur de création de richesse pour les pays africains qui ont compris qu’il faut la promouvoir. Mais pour y parvenir, il faut des mesures progressives. Si le cas du Nigeria ne vous a pas encore édifié, il faut le savoir. Bien qu’ayant interdit les importations depuis plusieurs années, le pays consomme massivement de la volaille importée via le Bénin. Car la production locale y est très insuffisante. Le même cas se produit également au Bénin où les acteurs n’ont pas les moyens pour faire face aux besoins de financement qu’induit une ferme avicole rentable. Il faut pour cela une volonté politique d’accompagnement qui n’est pas encore là.

Par Olivier ALLOCHEME

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