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Le triomphe de la vérité

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Entretien avec le président Soglo au sujet de la construction d’une bibliothèque présidentielle au Nigéria


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UN BAOBAB BENINOIS INVITE D’HONNEUR D’UN AUTRE BAOBAB DU NIGERIA

Le maire Nicéphore SogloSoglo parle d’ Oluségun Obasanjo : « C’est une œuvre historique qui n’a pas d’équivalent en Afrique »

Le président Nicéphore Soglo, puisque c’est de lui qu’il s’agit, nous a longuement entretenus sur l’Inauguration de la grande bibliothèque africaine présidentielle au Nigéria, par son homologue Oluségun Obasanjo.

Un projet inédit. Une première dans l’histoire de l’Afrique, selon Nicéphore Soglo. Une bibliothèque présidentielle bâtie sur plusieurs hectares retraçant la vie de l’ancien président nigérian Oluségun Obasanjo. A l’occasion de cette interview, notre invité, n’a pas manqué de nous démontrer sa grande fierté et satisfaction d’ancien président béninois et maire de la commune de Cotonou, de prendre part à un événement de cette envergure, au point d’être obligé d’écourter son séjour de Paris où il était pour un séjour médical, afin de prendre part aux côtés de ses pairs et de plusieurs personnalités internationales, à l’inauguration historique du chef-d’œuvre de son ami nigérian. Au détour de cette interview accordée à votre journal « L’Evénement Précis », le président Nicéphore Dieudonné Soglo décrit cette œuvre symbolique retraçant la vie de son ami Obasanjo et le parcours courageux d’un panafricaniste, avant de nous parler de ses bonnes relations  avec Olusegun Obasanjo.

L’Evénement Précis : Monsieur le Président, vous avez écourté votre séjour à Paris. Qu’est- ce qui explique que le président ait jugé de vite rentrer ?

Nicéphore Dieudonné Soglo : Nous avons eu une évacuation sanitaire à Paris et il y a deux mois de cela, j’avais reçu une invitation de notre frère, le président, Oluségun Obasanjo du Nigéria. Il m’invitait avec beaucoup d’autres collègues à l’inauguration d’une première grande bibliothèque présidentielle en Afrique. Ce qu’il a fait n’a pas d’équivalent.

C’est ce qui a expliqué votre retour et aussi votre voyage sur le Nigéria. Que pouvons-nous retenir de ce voyage ?

Il faut dire que cette bibliothèque, qui est une première en Afrique, a été inspirée d’un modèle américain et c’est la fille de Roosevelt qui l’a fait pour une première fois. Le président Obasanjo voulait associer ses amis à cette opération. Il a laissé le document et autres livres qui expliquent de façon lumineuse ses intentions qui lui ont pris plus de 20 ans. Le premier point est que la bibliothèque présidentielle Obasanjo est une cité bâtie sur 32 hectares. Ce n’est pas une petite affaire. Elle comprend la bibliothèque proprement dite, un joyau c’est « Library » dont on parle. La cité permet de voir non seulement un char car il a été chef des armées et fait la guerre du Biafra, une guerre sous le règne de Lumumba au Congo et après la mort de Mohamed Ouattara, le choix était porté sur lui, par toute une armée, à assurer cette transition dangereuse avant qu’il ne soit élu par la suite. Mais auparavant, signalons qu’il avait été mis en prison par le président Sani Abacha. Ce qui veut dire que le président Obasanjo est un personnage hors du commun parce qu’il a un parcours assez étonnant. Donc, cette cité qui couvre 32 hectares comprend une bibliothèque, un musée où on peut voir non seulement le char, un hélicoptère, un bateau et toutes les voitures de commandement qu’il avait en tant que chef de commandement de l’armée. On peut voir comment il est né à Abeokuta mais il n’était pas le seul fils d’Abeokuta à ce stade des célébrités. On peut citer entre autres : Wolé Soyinka, Fèmi etc…. C’est un creuset assez important. A ceci faut-il ajouter un théâtre immense, un centre de loisirs pour jeunes, un hôtel de luxe où il y a 153 chambres luxueuses, une église, une mosquée, un centre biomédical de 8 étages, des jardins zoologiques où existent des lions et autres fauves de la savane, de magnifiques restaurants, un centre artisanal où l’on peut admirer des teinturiers au travail, un cours d’eau en partie prisonnier d’un barrage hydro-électrique, etc. Ça n’a pas d’équivalent en Afrique. Pour le moment, le personnel de ce complexe se chiffre à 500 personnes. Voila ce qu’on a pu découvrir dans un pays où il y a Boko Haram. Il avait invité du monde et du beau monde à savoir, les présidents en exercice dont le président Koroma de la Sierra Léone, notre sœur Ellen Sirleaf du Libéria, son ami du Ghana John Kuffor, Faure Eyadema et moi-même. De son pays, il y avait Abdulsalam Abubakar qui a pris la succession à la mort de Sani Abacha, Goodluck Jonathan, et évidemment toute la pléiade de ce que le Nigéria peut compter en dehors du Chef de l’Etat qui était en traitement à Londres. Il y avait aussi le vice-président, le président intérimaire du Nigéria, beaucoup de gouverneurs et d’ex gouverneurs, des têtes couronnées, des évêques, etc. Toutes les communautés religieuses étaient représentées. Ces immenses déplacements à cette inauguration ont été à la hauteur de l’événement dans le Nigéria géant d’Afrique. Les services de sécurité étaient largement dépassés. Sans oublier la présence de la reine duc de Kent  qui représentait la reine d’Angleterre. Il avait invité la petite fille du président américain Roosvelt, celui qui avait lancé la première grande bibliothèque présidentielle. On pouvait remarquer les présidents de l’Afrique orientale dont, le président de la Tanzanie et autres.

Quelle est l’importance de cette cérémonie à laquelle vous aviez pris part ?

Il a mis du temps pour préparer méthodiquement cette affaire avec patience pendant près de vingt ans. Il va de soi qu’il  ait associé certains qui comptaient pour lui. Obasanjo a un parcours assez étonnant. Il est né dans une ville, où il a grandi progressivement en occupant la place qui était la sienne dans la renaissance du continent africain. C’est un homme de vision et d’ambition. Je lui ai succédé au Conseil d’administration du Sassa kawa. Nous nous sommes réunis en 2006 à Maputo, à la demande de Nelson Mandela. Ce dernier  nous avait dit que les chefs d’Etat qui sont démocratiquement élus, ceux qui ont vécu 27 ans au pouvoir et autres, doivent laisser un héritage à leur successeur et ainsi que nous avons élaboré une feuille de route. Elle  comprenait quatre volets. Le premier est le devoir de mémoire. Une injure par tous les jours et à juste raison des souffrances intolérables qu’ils ont subies lors de la seconde guerre mondiale. Les Africains, paradoxalement, ne parlent jamais des quatre siècles, pendant lesquels on a déporté près de quatre cents millions de femmes, d’hommes et d’enfants qui ont vidé le continent de sa substance et créé de vives tensions entre les populations. Quand j’étais à la Banque mondiale, nous avions fait adopter l’idée qu’il faut distinguer l’Afrique au sud du Sahara qui a été victime de la traite européenne et arabe. Ce sont nos souffrances communes et il est indispensable, comme les juifs, de parler sans arrêts de l’extraordinaire souffrance que nous avons vécu. C’est pour ça que je suis devenu ami à Jean Marc Héraut parce qu’il s’est rendu compte qu’on a bâti le château de Versailles sur le sang des noirs. Pour le deuxième volet, c’est qu’il n’y a pas de développement sans énergie. L’Afrique a la chance d’avoir le fleuve le plus puissant de la planète qui a une chute considérable d’eau et à partir des méthodes, on peut fournir  tout le continent de l’énergie propre sans compter les autres fleuves. La notion d’énergie est la base du développement alors, que nous avons le délestage un peu partout. C’est insupportable que nous nous conduisions comme un mendiant qui est au bord de la route avec une cuillère en or, c’est-à-dire le diamant, sans compter que nous sommes la deuxième région exportatrice d’hydrocarbures dans le monde après le Moyen-Orient. La France vient chercher de l’uranium au Niger et nous sommes dans l’obscurité. La nature nous a dotés du soleil, que nous n’utilisons pas. C’est le deuxième élément clé que nous avons. Il faudrait que quand quelqu’un vienne au pouvoir, qu’il sache pourquoi il y est. Après, on peut lire le devoir de mémoire pour savoir le lien qu’il y avait entre les gens du sud du Sahara qui est le berceau de l’humanité. Troisième volet, il faut savoir que nous avons, à la différence des indiens qu’on a liquidés totalement en Amérique ou de nos frères qui sont en Australie, la chance de voir d’ici 2050, la population africaine s’élever à environ un milliard ou plus. Il faut nourrir cette population d’où la nécessité de la révolution verte. Pour finir, le dernier élément doit nous permettre de circuler en Afrique, comme cela se fait en Amérique et partout.

Pour vous qui êtes l’un des grands intellectuels rompus dans la lecture des ouvrages de l’Afrique et du monde, quelle appréciation faites-vous de l’initiative de votre ancien collègue le président Obasanjo ?

C’est un homme qui ne travaille pas pour le présent mais pour l’avenir. C’est ce qui nous manque souvent. C’est de garder le souvenir de ce que l’Afrique a été. Il a montré les éléments dont j‘ai parlé pour que l’Afrique se réveille. Je le dis souvent et aussi un grand auteur français, Paul Valérie, « les civilisations sont comme des êtres humains ». Ça nait, ça s’agrandit, ça s’épanouit, ça vieillit, ça meurt.  L’une des plus grandes civilisations mondiales est celle que Cheik Anta Diop nous a fièrement donnée. C’est les pharaons noirs d’Egypte. Personne n’en parle alors que c’est gigantesque. C’est pour ça que nous avons un travail de pédagogie et ce que vient de faire Obasanjo, nous invite à regarder notre passé pour éclairer notre présent et préparer notre avenir. C’est pour ça que cette cérémonie avait non seulement un caractère symbolique mais aussi historique

Qu’est-ce qui explique la longue relation que vous entretenez avec Obasanjo depuis bientôt 20 ans ?

Nous sommes un certain nombre d’africains qui, grâce à l’histoire, avons pu nous rencontrer. Nous avons une même vision de l’avenir de notre continent qui est le berceau d’où est parti l’idée actuelle de la planète terre. Après avoir eu de brillantes civilisations, le continent a subi ce qu’il y avait d’épouvantables, une tracte de quatre siècles qui auraient pu faire disparaitre nos populations. Des travaux ont été faits, il y a des tas de documents dessus mais, il faut que nos universités se penchent là-dessus. C’est ça le travail qui manque. Les départements d’histoire de nos pays respectifs ont un immense retard mais, il n’est jamais trop tard pour bien faire. C’est ce qui fait qu’avec Obasanjo, nous avons un certain nombre de visions communes. Il était au Conseil d’administration de Sassa Kawa, faut-il rappeler, la révolution verte en Afrique. J’ai pris sa succession au conseil de ce milliardaire japonais qui, en 1984 où il y avait eu de terribles extrêmes en Ethiopie, a fait venir le plus grand savant que le monde ait jamais connu, Normand Borneau, âgé de 72 ans. Il a dit avoir besoin de nous mais je lui ai répondu qu’il faut apprendre aux africains à être autosuffisant et que je suis plus dur que lui. Ils ont demandé au président Carter, l’un du trio magique qui était le grand organisateur, à lancer la révolution verte en Afrique. Ils ont fait des miracles et avec Obasanjo, nous étions sur la même longueur d’onde. Quand Borneau a lancé l’idée que sans énergie il n’y a pas de développement, c’est Obasanjo qui l’a appelé. Borneau lui a dit qu’étant la première puissance économique du continent, on pouvait tirer la consommation et justifier cet investissement. Nous pouvons dire que nous avons un certain nombre de choses en commun. Comme le disait Lénine, « la révolution c’est les chemins de fer et l’électricité ». C’est grâce aux grands chemins de fer que l’Amérique s’est réunie. Il faut que les Africains puissent circuler sur des chemins de fer de Dakar à Dar es Salam. Il faut avoir un certain nombre de personnes qui ont des visions d’avenir et qui fassent partager cette nécessité pour donner honnêtement la dignité à chacun par le travail et l’argent qu’on gagne. On est tous du même continent à partager les mêmes visions. Je vous remercie.

 

Entretien réalisé par Gérard Agognon, Rastel Dan,

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