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Le triomphe de la vérité

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Polémique sur le passage en classe de 2nde avec le BEPC: Les propositions du Psychopédagogue Jean-Claude Hounmènou


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Prof Jean-Claude-HounmènouLa mesure du gouvernement rendue publique par le Ministre de l’Enseignement Secondaire de la République du Bénin, relative à la nécessité de passer en classe de seconde avec le diplôme du Bepc continue de susciter des réactions. Une voix pas des moindres du système éducatif béninois se lève et donne sa position. Il s’agit du Psychopédagogue, le Professeur Jean-Claude Hounmènou. Dans une opinion rendue publique ce mardi 21 février 2017, l’ancien Recteur de l’Université de Porto-Novo a invité le Ministre et ses collaborateurs à approfondir davantage leurs réflexions, avant de mettre en application la  réforme. Sa mise en œuvre pourrait selon lui, laisser croire par le peuple, d’une gouvernance du secteur éducatif national, sur la base de mesures à l’emporte-pièce. Dans un fil conducteur explicatif et démonstratif, l’universitaire a démontré combien  la mesure pourrait être préjudiciable au système éducatif. Voilà donc qui apporte sa pierre à la construction du système éducatif. Lisez plutôt ses explications !

Dans la matinée du 11 février 2017, au cours d’un entretien que lui avait accordé la chaîne de télévision privée Canal 3, le Ministre de l’Enseignement Secondaire de la République du Bénin, Monsieur Lucien KOKOU, a rendu publique une décision gouvernementale pour le moins discutable. Ladite décision subordonne désormais le passage des élèves de la troisième en seconde, non seulement à l’obtention  de la moyenne de classe, mais aussi à l’obtention du Brevet d’Etudes du Premier Cycle, BEPC.
Je crois que le Ministre et ses collaborateurs devraient approfondir davantage leurs réflexions, avant de mettre en application cette velléité de réforme, pour ne pas donner l’impression à nos braves populations, d’une gouvernance du sensible secteur éducatif national, sur la base de mesures à l’emporte-pièce. Il ne me paraît, ni pédagogiquement, ni politiquement, ni psychologiquement, ni moralement judicieux de lier le passage des collégiens béninois de 3ème en 2nde, à la réussite de l’examen terminal et diplômant du BEPC, du moins jusqu’à ce que la fiabilité du système d’organisation et d’attribution de ce diplôme soit exempte de toute contestation et de tout doute.
En effet, la fiabilité du système d’organisation et d’attribution du BEPC chez nous aujourd’hui, est suffisamment sujette à caution, pour qu’on lui confie le destin post-premier cycle du secondaire, de centaines de milliers de jeunes béninois et béninoises. Si le système était fiable, en principe, il n’y aurait pas trop d’écart entre le taux de réussite annuel à l’évaluation continue que les élèves affrontent durant leur cursus en 3ème, et le taux de succès à l’examen national du BEPC. Hélas, ce n’est pas ce qui se passe généralement dans notre réalité. Par exemple, en 2016, le système national d’organisation et d’attribution du BEPC, a donné au total, 16 pour cent d’admis, soit 32.000 admis, sur 200.000 candidats. Il s’ensuit un taux d’échec de 84%, soit près de 170.000 élèves recalés par le système. De sorte que, si leur sort post-troisième avait dépendu du BEPC, seuls 16 pour cent de ces élèves, 32.000 seraient passés en 2nde, les 84% restants, c’est-à-dire l’écrasante majorité, 170.000 apprenants, redoublant leur 3ème sans autre forme de procès. Dans le même temps, lorsque l’on considère le taux de réussite annuel à l’évaluation continue en 3ème, on constate qu’il avoisine généralement les 50%, quand il ne dépasse pas ce taux. De sorte que, quelles que soient les faiblesses qu’on peut reprocher à ce système d’évaluation continue, il rend plus justice aux apprenants, et mieux encore, il est plus statistiquement fiable et valide que notre système national d’organisation et d’attribution du BEPC. Ensuite, échappant au caractère aléatoire de ce système du BEPC, le système d’évaluation continue, à travers ses taux de réussite plus réalistes et plus justes, permet une régulation des flux très bénéfique au fonctionnement harmonieux du système éducatif dans son ensemble.
En effet, pour être utile au système éducatif national, le dispositif de promotion de la 3ème en 2nde dans l’enseignement secondaire, doit contribuer également à une régulation efficace des flux d’apprenants, sous peine de faire exploser le système très vite. Il faut qu’une majorité, ou tout au moins la moitié des élèves d’un niveau d’études donné accèdent au niveau supérieur, pour laisser la place aux élèves en provenance du niveau d’études immédiatement inférieur, pour que l’établissement scolaire puisse fonctionner à peu près correctement. Imaginons un instant que le Gouvernement ait décidé d’appliquer la mesure annoncée par son Ministre de l’Enseignement Secondaire, à la rentrée 2016-2017. Que se serait-il passé ? Eh bien, sur les 200.000 collégiens qui s’étaient présentés à l’examen du BEPC, 16%, soit 32.000 seraient passés en 2nde ; les 84% de recalés, c’est-à-dire près de 170.000 élèves auraient été obligés de reprendre la 3ème, classe où ils seraient rejoints par au moins 200.000 autres apprenants en provenance de la 4ème. De sorte que le système éducatif national aurait eu besoin de deux fois plus de salles de classe pour pouvoir accueillir ces près de 400.000 élèves de 3ème, et autant de fois d’enseignants pour les encadrer, à moins de mettre 100 à 160 élèves par classe ! Or, il n’est même pas certain que les 200.000 élèves de 3ème en 2016, aient pu tous étudier dans une salle de classe permanente, même en matériaux précaires ! Chacun voit sans peine dans quelle catastrophe peut-nous conduire l’application précipitée d’une velléité de réforme non mûrie, non suffisamment bien pensée, tendant à lier le passage en 2nde à l’obtention du BEPC. Notre système actuel d’organisation du BEPC n’est ni suffisamment fiable, ni suffisamment juste, pour déterminer la suite du cursus scolaire de nos enfants après la 3ème. Cette fonction devra être conservée pour le système d’évaluation continue géré directement par les chefs d’établissements et leurs enseignants.
Pour que le diplôme du BEPC puisse phagocyter la fonction de promotion interne remplie par le système d’évaluation continue, et même conditionner la candidature des élèves au Baccalauréat, il faut que l’examen qui y donne accès soit lui-même réformé, dans le sens de plus de fiabilité, de justice et de validité statistique, au besoin en intégrant très largement les résultats obtenus par les élèves aux épreuves d’évaluation continue, comme l’ont fait par exemple les autorités de l’Education en France. Dans l’hexagone en effet, le BEPC ou Diplôme national du Brevet, est attribué sur la base d’un dispositif combinant les notes obtenues à un examen organisé par les instances académiques officielles, et constitué seulement de trois épreuves écrites (par exemple en Maths, Français, Histoire-Géographie), et les résultats de l’évaluation continue en classe dans un certain nombre de matières (par exemple, Langue vivante, Sciences Physiques, Sciences de la Vie et de la Terre, Education Physique et Sportive, Education artistique, Technologie).

Par Prof. Dr Jean-Claude HOUNMENOU, Psychopédagogue

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