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Le triomphe de la vérité

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Edito: Le tour des zémidjans


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On avait pensé que le Préfet du Littoral s’en tiendrait seulement aux zémidjan qui dorment la nuit dans les rues de Cotonou. Désormais, il est question de les empêcher d’emprunter les artères principales de la ville. Dès le 1er mars, ils ne doivent utiliser que les artères secondaires, c’est-à-dire les voies pavées.
En réalité, depuis le régime Kérékou, les gouvernements béninois ont toujours cherché à endiguer le phénomène zémidjan. Le vieux général  avait lancé le « projet manioc » destiné à reconvertir les Zémidjans dans l’agriculture, à travers un projet destiné à la production du manioc. D’un montant  de 1 milliard de FCFA, le projet avait tourné court. Les zém, comme on les appelle, n’ont jamais voulu retourner au champ.
Lors du  conseil des ministres du 31 décembre 2015, le régime Yayi, dans sa fureur électorale, avait annoncé la mise en place d’un montant de 1 milliard de francs CFA mis à la disposition des conducteurs sous forme  de garantie auprès du Fonds national de microfinance « pour permettre aux postulants “zémidjans” de se procurer des motos neuves ou de réparer leur moto », avait annoncé le communiqué du gouvernement.  Un programme du Fonds international de développement agricole (FIDA) avait également été annoncé pour leur reconversion dans le maraîchage. On sait que cette débauche d’attention à la veille des élections de l’année dernière, visait à rattraper la foule du MOZEBE qui avait annoncé dans la période son ralliement à l’homme d’affaires Sébastien Ajavon. Ce fut un coup d’épée dans l’eau. Il n’y eut jamais de programme sous Yayi pour envoyer ces taxi-motomen à la terre.
Par contre, ils avaient abondamment servi dans les officines politiques. Y a-t-il jamais eu de caravane politique à Cotonou sans les zémidjan ?  Il faut en douter.
Mais la raison première qui a pu obliger le pouvoir Yayi à s’intéresser à la corporation dès 2007, était liée à la santé. Des enquêtes menées cette année-là avaient montré que ces conducteurs étaient sujets à des infections respiratoires aiguës, soit pour 76% des cas de maladie recensés en leur sein. En dehors de cette affection, les spécialistes avaient détecté des risques de divers cancers ou des coupures de brins d’ADN, faisant craindre des problèmes génétiques pour les générations futures. «Projet d’appui à la prévention de la pollution de l’air à Cotonou», c’est le titre d’une autre étude cofinancée par la coopération danoise et l’Agence béninoise pour l’environnement (ABE) et menée pendant trois ans. Elle  a démontré que le niveau du monoxyde de carbone dans le sang était un peu plus élevé que la normale au sein de la population des zémidjans. Et le professeur Benjamin Fayomi, médecin spécialiste en toxicologie clinique à la Faculté des sciences de la santé, a pu réaliser d’autres études montrant que le niveau de benzène dans l’air à Cotonou était déjà «20 fois supérieure à la normale».
Ce furent des alertes qui avaient obligé l’Agence française de développement (AFD) à accompagner un projet du gouvernement à travers le ministère de l’Environnement visant  à renouveler 10% du parc automobile des Zémidjans de Cotonou, soit 10.000 motocyclettes. Il s’agissait de remplacer les motos les plus polluantes par celles à quatre-temps. La prime à la casse fut alors  de 200.000 francs CFA   et comprenait une formation au permis de conduire A2 et une assurance à responsabilité civile d’un an.  Initiative salutaire mais vite abandonnée, on ne sait pourquoi.
Cette fois, le gouvernement a choisi la voie des interdictions sélectives. Ils seront désormais obligés de servir de relais aux taxis. En l’occurrence, un projet du gouvernement a prévu 300 taxis qui seront bientôt visibles dans la ville de Cotonou. Ils ne trouveront rien à faire tant que les zém ne seront pas relégués à la périphérie.
En réfléchissant  aux aspects économiques de ce projet, on se rend compte qu’il vient à point nommé pour maintenir les zém dans les villages. Une enquête que nous avons menée en 2011, a montré que beaucoup de zém des communes de Djidja et Agbangnizoun exerçant à Cotonou, sont d’anciens agriculteurs ayant vendu leurs terres pour s’acheter une moto. Résultat, aujourd’hui, les acquéreurs de ces terres  sont confrontés à un problème inattendu : il n’y a pas d’ouvriers agricoles dans les villages. Les rares qui sont disponibles sont  si chers qu’il faut réellement un sacerdoce pour se faire de l’argent dans l’agriculture béninoise, à moins d’en être un passionné invétéré. Du coup, toute révolution agricole au Bénin passe d’abord par une solution efficace à la problématique de l’exode rural.  Pour y arriver, il faut d’abord réduire drastiquement le phénomène zémidjan.
Ceux qui veulent comprendre pourront comprendre : il n’y aura plus beaucoup de zém à Cotonou si les mesures annoncées prospèrent.

Par Olivier ALLOCHEME

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