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Le triomphe de la vérité

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Entretien avec le Secrétaire général du SUTRACIM/ASECNA, François KPEDOTOSSI: « La gestion de l’aéroport n’est pas déficitaire »


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La privatisation des activités aéronautiques nationales du Bénin nous préoccupe cette semaine. Pour mieux comprendre la grogne  au sein des travailleurs, nous avons reçu en « INVITE DU LUNDI », l’un des deux syndicats de l’Asecna. Il s’agit du  secrétaire général du Syndicat uni des travailleurs de l’aviation civile et de la météorologie (Sutracim) de François Kpèdotossi. Dans une interview qu’il nous accordée au terme de l’assemblée générale des travailleurs de l’Asecna, ce vendredi, le syndicaliste a fait part des conséquences de ladite mesure pour les travailleurs. Il a, par la suite, expliqué le niveau du dialogue avec leur ministre de tutelle. Un niveau de dialogue qui n’est pas apprécié des travailleurs en raison de la politique de sourde oreille que le ministre Hervé Hêhomey a voulu mettre en jeu. Pour lui, la gestion de l’aéroport n’est pas déficitaire pour que le gouvernement procède à sa privatisation sans l’avis des travailleurs. Pour finir, il a, au nom des travailleurs, dit ses mises en garde au ministre qui n’a pas eu froid aux yeux à écarter  les partenaires sociaux des décisions qui concernent la survie de l’aéroport de Cotonou et des conditions des travailleurs.

L’Evénement Précis : Le gouvernement a pris une décision qui fâche les travailleurs. De quoi retourne cette mesure ?

SG/François Kpèdotossi : Effectivement à notre grande surprise, le gouvernement a pris la décision de la mise en concession des  activités aéronautiques nationales, en gros, la gestion des aérodromes du Bénin. C’est  une décision qui nous surprend dans la mesure où, les activités aéronautiques du Bénin ont toujours été gérées par  l’Agence pour la Sécurité de la Navigation aérienne en Afrique et à Madagascar (Asecna) depuis 1960, soit plus de 50 ans.  Aujourd’hui, le gouvernement trouve qu’il n’est pas satisfait de cette  gestion. Il faut dire que depuis 2011, cette gestion a connu une nouvelle phase. Il y a eu un contrat de délégation signé entre  l’Asecna et le Bénin pour gérer les activités aéronautiques nationales. Donc, c’est de la suspension de ce contrat qu’il s’agit, pour mettre en concession les activités aéronautiques nationales du Bénin.  Alors, quand nous avons eu l’information, les travailleurs et  nous- mêmes, partenaires sociaux, étions étonnés dans la mesure où le ministre nous a promis à sa prise de fonction que tout ce qui sera fait dans le secteur, connaitra l’implication des partenaires sociaux que nous sommes. Pour l’aéroport de Cotonou dont parle le gouvernement, il  faut reconnaitre que tout ce qui est fait ici jusqu’à ce jour est fait sur fonds propres. L’autre chose, c’est que dans le contrat de délégation signé, il avait  été dit que l’Etat devrait mettre à la disposition de l’Asecna, un schéma directeur et financier. Cela n’a  jamais été fait. Donc, ce qui se fait à l’aéroport de Cotonou, se fait à titre propre de l’Asecna. Le fait de dire que les résultats ne sont pas atteints n’est pas vérifié. Il y a de contrevérités, puisqu’il n’y a pas de cahier de charges. Ils peuvent dire que les usagers ne sont  pas toujours satisfaits des prestations.

Citez-nous quelques conséquences si cette décision s’appliquait.
Les conséquences sont énormes. Il y a le plan social où les acquis des travailleurs  sont menacés. On n’est pas sûr qu’une autre structure puisse garantir les mêmes acquis. L’autre chose est que la gestion de l’aéroport n’est pas déficitaire. Nous avons des fonds en réserve. Alors, lorsqu’on parle de concession, les fonds qui sont là et destinés à améliorer l’aéroport de Cotonou dont on a suspendu les travaux d’amélioration à cause de la construction de l’aéroport de Glo-Djigbé, serviront désormais à quoi ? Est-ce que nous ne risquons pas ce qui s’est passé à la Sonacop ? C’est là, l’inquiétude  des travailleurs. Mais il y a un comité de veille pour suivre l’évolution du dossier.

De nos informations, le ministre des transports vous aurait rassurés de ce que les emplois seront sauvegardés. Le confirmez-vous ?
Oui, le ministre nous a rassurés, mais nous attendons. Pour un rappel, il nous avait déjà rassuré de ce que rien ne sera fait dans notre dos, c’est-à-dire sans notre implication, et voilà où nous en sommes. C’est surtout ce qui a fâché les travailleurs puisque nous avons souvent rassuré les collègues de ce que le ministre a promis nous consulter dans les décisions qui concernent notre secteur. Quand le ministre a appris que nous nous préparons pour une assemblée générale,  il nous a appelés et nous a reçus tôt dans la matinée du vendredi 13 janvier 2017. Il nous a expliqué les raisons qui motivent la prise de la décision. Nous lui avons dit qu’en raison de la pression dans le rang de travailleurs, qu’il serait mieux qu’il vienne le leur dire de vive voix. C’est ce qui a fait qu’il s’est déplacé lui-même pour venir parler aux travailleurs. Donc, il est venu le faire lui-même.

Reconnaissez-vous que l’Asecna n’est plus elle aussi en mesure de gérer les activités ?

Ce n’est pas que l’Asecna n’est plus en mesure de gérer.

Dites-nous alors de quoi il s’agit?
A l’Asecna, c’est une affaire de manque de volonté. Ce que vous avez géré pendant  50 ans, vous devez savoir que les choses ont changé, de même que les systèmes de gestion. Il va falloir que l’Asecna s’organise pour mieux gérer. C’est tout. Mais l’Asecna a une filiale appelée Asecna-Services. Que ce soit l’ancien Directeur général ou l’actuel, ils veulent que la filiale Asecna-Services puisse jouer un rôle très important dans le nouveau système de gestion. Là aussi, c’est une piste à explorer pour voir ce que cela peut donner. Mais ce qui est primordial chez nous repose sur les acquis des travailleurs. Si nous acceptons aller sur ce terrain, c’est à cause de la construction de Glo-Djigbé. Si ce n’était pas le cas, on va insister pour la modernisation de Cotonou.
Que retenir quant à la filiale Asecna-Services ?
C’est une filiale de l’Asecna. C’est une filiale qui s’occupe  exclusivement des activités aéronautiques nationales et de certaines activités connexes confiées à l’Asecna. C’est une filiale créée et que le directeur  général actuel a décidé de renforcer par  l’expertise.

Les travailleurs estiment qu’ils ne sont pas sûrs des promesses faites par le ministre. Que pensez-vous faire en tant que syndicalistes pour garantir leur emploi, puisque le nouvel employeur peut, quelques mois après, commencer à résilier les contrats.
Nous avons une assurance. Nous détenons la gestion technique de l’aéroport. Si un  avion doit se poser à Cotonou, c’est l’Asecna. Nous ne sommes pas seulement des syndicats des activités aéronautiques nationales, nous sommes des syndicats de la représentation de l’Asecna au Bénin. Donc, le jour où le nouvel employeur  cherchera à mettre en péril l’intérêt des travailleurs, nous allons le retourner vers le cahier de charges qu’il a signé avec nous. En ce moment, s’il ne respecte pas, nous mettrons les pieds dans les plats.

Parlez-nous des résolutions issues de votre assemblée générale
Notre assemblée générale a exigé que les travailleurs soient fortement associés au reste du processus puisque le ministre vient d’avoir l’autorisation de résilier le contrat. Donc le contrat n’est pas encore résilié. Il doit alors y avoir une période de transition. La façon dont la période de transition sera gérée, la façon dont la nouvelle sera choisie et autres phases doivent connaitre l’implication intime des travailleurs, sinon, ça va péter. Si nous ne sommes pas associés, le gouvernement sera responsable des déconvenues qui en découleront.

Dites-nous si la privatisation de l’aéroport de Cotonou n’avantage pas le Bénin ?
Une privatisation n’a jamais arrangé un pays, pis, les travailleurs. Lorsqu’une société privée s’installe, c’est pour ses intérêts. Et aujourd’hui, Cotonou n’a plus besoin d’investissement. C’est là où cela devient paradoxal. Si ce n’était pas la position de l’Asecna qui disait qu’elle n’a plus l’expertise pour gérer, on ne serait pas dans ce débat. On dirait que l’Asecna continue jusqu’à la construction de l’aéroport de Glo-Djigbé. Mais aujourd’hui, l’Asecna décline sa capacité et du même moment, on ne veut plus investir à Cotonou, je me dis que la structure  viendra gérer les affaires courantes jusqu’à ce que Glo-Djigbé soit construit.
Etes-vous allés à l’école des autres pays de la sous-région voir la mise en œuvre de cette réforme de privatisation ?
Nous avons vu. En réalité, qu’est-ce que le gouvernement miroite ? Il miroite un bel aéroport. Pour parler des sociétés qui gèrent dans les  pays membres, nous dirons qu’à Lomé par exemple, c’est la société SALT, en Côte d’Ivoire, c’est la société AERIA, au Gabon, c’est ADL. Le Sénégal est géré par une société d’Etat, ADS. Il faut reconnaitre qu’il y a 09 pays qui ont confié la gestion de leur aéroport à l’Asecna. Nous avons fait le tour. C’est vrai qu’ils ont l’aéroport, mais la situation sociale  des travailleurs est vraiment minable.  Au Bénin, nous avons dépassé cela. Nous sommes intransigeants sur la situation sociale des travailleurs. On ne laissera pas faire. La structure qui sera choisie doit continuer à traiter les travailleurs dans les mêmes conditions que ce qui existait sinon améliorer cela pour de meilleurs résultats.
Dites-nous aujourd’hui, le niveau du dialogue entre les syndicats et la direction de l’Asecna au Bénin ?
Entre les partenaires sociaux et la direction de l’Asecna, il faut dire que nous avons un système de dialogue social très performant. En Novembre dernier, nous étions en négociations et avons engrangé beaucoup de choses en ce qui concerne la situation sociale des travailleurs. C’est vrai que le travailleur n’est jamais satisfait de ce qui se fait mais, on ne se plaint pas.
Ces derniers mois, il y a un changement dans l’enceinte de l’espace de l’aéroport, suite à une de vos luttes en 2015.
Au niveau de l’espace, il y a l’espace du Bénin et du Togo qui étaient gérés à partir d’un certain niveau par le Ghana. En 2015, nous avons  déclenché une grève pour arracher l’espace au Ghana qui ne voulait pas nous comprendre, puisque ça rapporte beaucoup pour lui. Le Ghana croyait même que l’Asecna n’avait pas les capacités de gestion, mais il a été surpris. Finalement, nous avons pris l’espace et c’est ça qui a permis le recrutement massif de contrôleurs aériens. Aujourd’hui, le nombre de contrôleurs aériens que nous avons au Bénin est important. De 15 contrôleurs, on est passé à une quarantaine de contrôleurs aériens. On a fait beaucoup de recrutements ces derniers mois, et les jeunes sont en train de prendre service.

Quel est votre mot d’ordre à l’endroit de vos camarades de lutte ?
Nous allons demander  aux travailleurs de se tenir toujours prêts et vigilants et au même moment, nous demandons au ministre de tenir parole. S’il est venu à l’assemblée générale, nous l’avons écouté mais il n’est pas encore compris. Ce qu’il a pu faire pour le moment, c’est de rabaisser la tension. Mais, on attend qu’il aille au bout des attentes des travailleurs en impliquant les partenaires sociaux dans le processus.

Réalisée par Emmanuel GBETO

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