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Le triomphe de la vérité

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Médias/Bénin: La pratique des perdiems à la croisée des chemins


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ehoumi-odem« Gombo », « Communiqué final » comme on l’appelle dans le milieu, le perdiem, « gratification pécuniaire que reçoivent en fin d’événement, les journalistes venus recueillir des informations » se fait plus rare que jamais dans l’administration publique. Autopsie d’un changement à l’heure du Nouveau Départ.

Alors que les médias occidentaux, sont lassés de l’actualité institutionnelle, et ne lui consacrent plus qu’une brève ou un entrefilet, les médias africains dont ceux du Bénin, en publient régulièrement des comptes rendus complets. Parfois, ils y consacrent plusieurs minutes dans les journaux télévisés. C’est une aubaine pour les Organisations non gouvernementales (Ong), les projets en tout genre et les institutions nationales et internationales qui communiquent ainsi à peu de frais. A peu de frais ? Pas si sûr. Car, chaque séminaire, chaque conférence de presse se termine par un petit rituel : la distribution dans un coin de la salle d’enveloppes aux journalistes ayant fait le déplacement, des perdiem de 5 000 FCFA à 10 000 F CFA par personne. Les reporters de la télévision nationale reçoivent le double. Des sommes qui, dans les comptes des institutions concernées, apparaîtront pudiquement dans la rubrique « remboursement de transport ». Aujourd’hui,  cette pratique est dans la ligne de mire  d’une réforme engagée dans le secteur de la communication au Bénin. Depuis mai 2016, le nouveau régime installé à la tête du pays le 06 avril, a procédé à la rupture des contrats de partenariat entretenus par l’ancien régime avec certains organes de presse.  « Je suis allé en reportage dans l’administration publique, il y a bientôt cinq (05) mois » confie Elvis Finagnon, journaliste dans un quotidien privé. Il explique cette situation par la mise en œuvre des nouvelles réformes dans le secteur qui s’imposent aux ministères, structures étatiques. « Je ne suis pas le seul dans le cas », précise-t-il. Désormais, il faut vivre uniquement de son salaire qui est d’ailleurs, inexistant ou irrégulier.  La situation est si délicate qu’elle est devenue un refrain  que fredonnent les  professionnels des médias béninois. C’est le cas de Sosthène Evèdjrè * (le prénom et le nom ont été modifiés pour préserver son anonymat), journaliste dans un quotidien de la place. Il pense pour ce qui le concerne que, la presse béninoise est à un carrefour de son histoire. «  Il y a quelques années, je mobilisais avec mes reportages et les articles commandités 25.000 fcfa certains jours, soit plus 100.000 fcfa par semaine », fait-il savoir. La raréfaction des perdiems est un véritable  coup dur donné à la presse béninoise, selon lui.

Assainir par la suspension des contrats
Aujourd’hui, beaucoup  sont conscients que l’heure des réformes est arrivée. Isaac Ishola, journaliste indépendant, estime que l’assainissement des médias devra prendre par là. A l’en croire, le rituel des perdiem constitue une mauvaise pratique. « Le principe d’émargement après un atelier ou un séminaire n’honore pas le journaliste qui est censé être indépendant », affirme-t-il. Le Président de l’Observatoire de la déontologie et de l’éthique dans les médias (Odem) du Bénin, Guy-Constant Ehoumi,  renchérit en pointant du doigt l’article 5 du Code de déontologie de la presse béninoise,  article qui stipule : « en dehors de la rémunération qui lui est due par son employeur dans le cadre de ses services professionnels, le journaliste doit refuser de toucher de l’argent ou tout avantage en nature des mains des bénéficiaires ou des personnes concernées par ses services, quelle qu’en soit la valeur et pour quelque cause que ce soit. Il ne cède à aucune pression et n’accepte de directive rédactionnelle que des responsables de la rédaction. » Le  rituel du perdiem constitue  à ses yeux comme un élément  antinomique de la fonction du journaliste. « Quand on le définit, on se demande si le journaliste qui doit être totalement indépendant de tout pouvoir, de toute pesanteur sociologique….et qui prend de  perdiem, se sent libre », affirme-t-il. C’est au regard de ce tableau qu’il a restitué le rôle du journaliste dans son contexte initial. Ce qui fait le journaliste, indique-t-il, c’est l’intérêt du peuple à avoir l’information  vraie. Le journaliste indépendant, Docteur Fernand Nouwligbéto partage cet avis.  « La pratique du perdiem ne rend pas professionnel. Le journaliste doit se consacrer à de grandes investigations plutôt qu’aux comptes rendus d’ateliers et de colloques», rappelle-t-il. Pour Luc R. Sessou, agent à la Direction de l’administration et des finances dans un ministère, la pratique des perdiem devrait être supprimée. Ayant par le passé payé les journalistes dans différentes manifestations publiques, il souligne  que « les perdiem exerçaient  une grande pression sur les finances publiques, puisque c’est souvent très mal organisé dans le secteur public. » En attendant la réorganisation, plus personne ne se plaint finalement des perdiem au Bénin, huit (08) mois après.
* les prénoms et les noms ont été modifiés pour préserver l’anonymat des journalistes interrogés dans le cadre de cette enquête

Emmanuel GBETO

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