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Le triomphe de la vérité

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Edto du mercredi 30 novembre 2016: Au creux de la misère


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logoLe déguerpissement va jeter dans la misère des centaines de familles. Cotonou, Bohicon, Porto-Novo, Calavi, Abomey, Parakou sont aujourd’hui les localités concernées par l’opération lancée par le ministère du cadre de vie. José Didier Tonato et les cadres de son ministère entendent aller jusqu’au bout, et résister aux appels à la clémence qui viennent de partout.
Le fait est que l’opération comporte d’énormes risques politiques. Les petits commerçants déguerpis de leurs lieux de travail où ils arrivaient à joindre les deux bouts, vont probablement grossir le rang des laissés-pour-compte de nos villes. Laissés-pour-compte et mécontents qui sont tous convaincus d’être victimes d’une implacable  machine gouvernementale, quand bien même ils auraient tort. Oui, ils ont tort d’avoir occupé des domaines réputés publics. Et surtout d’y avoir érigé des infrastructures précaires dans une totale anarchie. Il y a longtemps que beaucoup de citoyens se demandaient comment l’Etat pourrait dégager des domaines publics et y faire régner l’ordre. D’autant que dans certains pays, s’installer sur un domaine public est un acte d’incivisme  sévèrement réprimé. L’opinion publique béninoise considère qu’il s’agit d’une occupation légitimée par le désir de travailler pour nourrir sa famille. La débrouille participe d’une sociologie nationale de la tolérance qui place l’individu au-dessus des lois et règlements. Les péchés ne sont jamais chez nous que relatifs. On les absout facilement, mieux on les célèbre dès qu’on est convaincu qu’ils servent à un ami, un parent, un proche.
Dans une ville comme Lagos, au Nigeria, les artères font régulièrement l’objet de ce type de nettoyage destiné à empêcher à tout prix toute installation illégale. Malgré la douleur, tout le monde comprend que les déguerpissements sont destinés à préserver la qualité de vie et à améliorer l’image des villes dont la croissance accélérée entraine des défis nouveaux. Actuellement, au moins 50% des Béninois vivent en ville, parfois dans des conditions précaires et inacceptables. Le système D est pour beaucoup, la seule planche de salut, s’ils veulent échapper à la misère. Et beaucoup s’en sortent. Le commerce informel devient alors un coussin social qui limite les dérives urbaines et ouvre des perspectives acceptables de vie à ceux qui en étaient privés. Bien entendu, surfant sur cette permissivité de l’Etat qui a fermé les yeux depuis plusieurs décennies sur le squattage en règle des domaines publics, des institutions respectables se sont également installées.
Et c’est pour toutes ces raisons que l’opération déguerpissement va amplifier une grogne sociale déjà perceptible, au regard du marasme économique ambiant. On comprend pourquoi les politiques se gardent jalousement d’y risquer leurs suffrages. Le maire de Cotonou n’a soutenu le gouvernement dans l’opération que pour évoquer l’alternative encore diffuse de possibles mesures d’accompagnement. Et Léhady Soglo a même fait preuve de grande lucidité et de courage (oui, disons-le), dans ce cas précis. Même s’il n’a pas pour l’instant participé personnellement à la phase préparatoire de l’opération, il sait très bien que le retour de bâton sera sévère. Très sévère. Car, il n’est plus à exclure une certaine diminution des recettes fiscales, en lien avec la fermeture de certains commerces.
Il en est des maires comme des députés. Ceux-ci, pour sauvegarder leurs fauteuils, ne peuvent aller sur le terrain pour prêcher en faveur du déguerpissement. Leur mort politique serait assuré. Le Chef de l’Etat lui-même n’aurait jamais osé aller dans ce sillage, s’il n’avait promis faire un mandat unique.
Du coup, c’est Patrice Talon qui pourrait tirer tous les bénéfices de cette opération, si elle réussissait. Elle montrerait clairement (s’il en était encore besoin) qu’il est prêt à tout pour concrétiser ses promesses électorales. Et qu’il ferme désormais la porte à toute sensibilité aux jérémiades de la population, lorsqu’il est convaincu du bien-fondé d’une action. Le revers, c’est de voir le Chef de l’Etat insensible aux douleurs de son peuple, et devenir comme un pharaon en son palais de verre.
Tenir compte de la problématique sociale, consisterait à trouver un emplacement à tous ceux qui ont été déguerpis. Chantier amplement illusoire, il viendrait à créer un autre marché qui érige de nouveaux défis difficiles à prévoir…
Avec les déguerpissements, Patrice Talon s’éloigne du petit peuple et doit être prêt à en assumer les conséquences.

Olivier ALLOCHEME   

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