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Le triomphe de la vérité

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Edito du lundi 28 novembre 2016: En attendant le tollé


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logo journalIl y a dix ans, un quidam, parent, ami ou homme de main d’un ministre ou carrément d’un président pouvait encore gagner un marché public, sans que personne n’en sache rien. Cette période est révolue.
Elle est révolue, non pas du fait des hommes politiques, mais de l’éveil progressif des consciences. Eveil des consciences ? Bien sûr, les hommes politiques n’en ont cure. Embourbés dans leurs arithmétiques électorales, ils ne peuvent  tenir aucune promesse de lutte contre la corruption. Si un homme politique béninois (je dis bien béninois) vous dit qu’il luttera contre la corruption, envoyez-le au diable ! Il vous raconte la dernière fable électorale à la mode. Sachant bien que le peuple béninois est devenu allergique au favoritisme, au népotisme et à la gabegie sous toutes leurs formes, il est devenu  politiquement payant de lui servir le discours qu’il aime entendre : lutte contre la corruption. Mais l’on sait que cette aversion pour la fraude est surtout portée par une société civile très réactive que le gouvernement Talon s’est déjà mise à dos. Syndicats et organisations non gouvernementales ont obtenu l’annulation des concours frauduleux, ils ont contribué au départ de l’ancien régime, ils croient avoir participé à la libération de Sébastien Ajavon et se sentent comme légitimés actuellement par le mutisme embarrassant des hommes politiques. La société civile a pris le pouvoir et ne laissera pas faire.
Qu’on se rassure donc ! La gestion mafieuse des affaires publiques sera infiniment plus difficile qu’avant. Le peuple béninois d’aujourd’hui se déchaîne facilement sur les réseaux sociaux, pour exiger transparence et équité dans la gestion publique.
Oui, et c’est l’autre variable qui nous change, d’il y a cinq ou dix ans : les réseaux sociaux sont plus que jamais au cœur des affaires publiques. Un simple téléphone doté d’un appareil photo peut faire sauter un contrat de plusieurs milliards de FCFA. On en a eu une illustration, il y a quelques semaines, lorsque le ministre de l’enseignement secondaire a cru bien faire en octroyant un marché de production des cartes d’identité scolaire à une entreprise, dans des conditions jugées peu transparentes. Le tollé provoqué par ce marché, a bien obligé le gouvernement à faire un rétropédalage rapide. On n’eut besoin d’aucune ONG, ni d’aucun syndicat  pour faire sauter cette décision. Il a suffi de la clameur publique ajoutée à la fulgurante circulation de la note de service du ministre accompagnée des commentaires acides des citoyens sur les foras Watsapp et sur Facebook, pour que les autorités soient obligées de se ressaisir. Les réseaux sociaux ont démocratisé l’information en faisant de chaque citoyen, qu’il soit secrétaire de direction, planton, cireur de chaussures,  directeur général ou ministre, un puissant vecteur   de mobilisation sociale et politique.
De ce fait, ces nouveaux outils font une concurrence sauvage aux médias classiques obligés de s’y adapter ou de périr. La révolution de l’instantané est venue bouleverser la diffusion de l’information.  Le scannage par voie de photo numérique des documents officiels les plus cachés et les plus sensibles, bouleverse les normes. Aussitôt, une décision prise à Cotonou, elle est balancée avec preuve à l’appui au charretier  de Malanville, au zémidjan d’Azowlissè ou au cadre de banque de Cotonou, ou encore au Béninois résident à Toronto sous le froid polaire du Canada. Il suffit de la balancer sur un seul forum Watsapp pour qu’à l’instant même, 256 personnes en prennent connaissance et la distribuent à leur tour sur d’autres foras.
Dans ces conditions, le régime Talon ne peut tout simplement pas faire comme le régime Yayi. Même si des tentations mafieuses existent, elles seront étouffées par une opinion publique désormais renforcée par sa facilité à se doter de l’information juste et en temps réel. Et c’est ce qui rend les choses, non pas seulement complexes, mais surtout dangereuses. Elu sur un projet de société comportant des  réformes dont beaucoup sont antisociales, Patrice Talon doit s’inquiéter pour les semaines à venir. S’il tient à assainir l’occupation des artères publiques, moderniser le fonctionnement de l’administration publique, accroitre l’efficacité de l’éducation nationale…, il devra prendre des décisions impopulaires qui vont déverser dans la rue des milliers de mécontents. Ceux-ci deviendront dès lors, des bombes à retardement. Un pouvoir qui se déploie contre le désordre public, en réprimant les plus pauvres,   ne peut survivre à sa propre gabegie. J’ai dit « bombes à retardement », et je ne dis plus rien.

Olivier ALLOCHEME

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