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Le triomphe de la vérité

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Edito: Protéger notre industrie


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logo journalA quand le bout du tunnel ? Il faut se poser cette question au regard de la décision prise en conseil des ministres ce mercredi 19 octobre de céder au privé huit usines de transformation agricole construites sous le régime précédent. Derrière cette opération, somme toute banale, se cachent des enjeux industriels colossaux.
Commençons par le commencement. Les usines en question sont celles de Kpomassè (transformation de tomate), Allada (fabrication de jus d’ananas), Zakpota (jus d’orange), Bantè (transformation de pomme de cajou en alcool), Parakou (amande de cajou), Natitingou (jus de mangue) ; des rizeries installées à Malanville et à Glazoué. La réalisation des infrastructures avait été confiée à la Direction du Génie militaire et l’équipement en machines assurée par la firme franco-indienne Angélique International Ltd (AIL). Le coût des travaux s’est élevé à 1,296 milliard de FCFA. Selon les techniciens, l’ensemble des usines transformera près de 30 000 tonnes de produits par an et leur exploitation générera environ 1 000 emplois pour les jeunes et les femmes. Pour se faire une idée, on peut rappeler que le Bénin produit en moyenne 120 000 tonnes d’oranges par an mais n’en commercialise qu’à peine le quart.
Ce qu’il faut d’abord savoir, c’est que la construction des six premières usines a été achevée en 2013 avec l’appui de l’Inde. Dans un premier temps, leur exploitation a été confiée en octobre 2014 au Groupe algérien NCA-ROUIBA sous forme de location-gérance. Mais en juillet 2015, ce fut le tour de la firme franco-indienne AIL, celle-là même qui a participé à la construction des infrastructures, de se voir confiée la gérance. En lançant un nouvel appel à candidature, on se demande si l’Etat ne fonce pas dans un nouvel imbroglio judiciaire…
Mais les véritables problèmes sont ailleurs. Le premier, et il est de taille, c’est d’abord la qualité des équipements. Sont-ils viables ? Leur coût relativement élevé laisse songeur. Des promoteurs nationaux ont installé des usines de même calibre à des coûts infiniment plus bas. Comme si cela ne suffisait pas, la tournée entreprise en juin 2014 par Naomie Azaria, alors ministre de l’industrie, a révélé que pour la seule usine de Za-Kpota, il faut encore d’autres ouvrages avant que l’infrastructure ne soit opérationnelle. A l’époque, pour cette seule usine, on parlait de plusieurs centaines de millions de FCFA. Ajouté à tous ces défis, il y a que les usines ont été achevées depuis 2013 et n’ont jamais été opérationnelles. Trois ans à l’abandon, au milieu de la broussaille sauvage, ça crée des casses et des rouilles dans les unités industrielles. Est-ce à cause de tous ces écueils que beaucoup d’industriels béninois du secteur agro-alimentaire sont prêts à parier que ces unités ne fonctionneront jamais ? Je préfère donner ma langue au chat.
Tout cela n’est rien en face du gros défi que constituent les importations, et surtout de la concurrence massive du Nigeria. Produire des jus de fruit, c’est très bien, leur trouver un marché d’écoulement, c’est encore mieux. Sur un marché béninois étriqué, on sait que les investisseurs auront de la peine à rentabiliser leurs capitaux. D’autant que les jus nigérians ont envahi nos marchés et se vendent à 250 ou 300F. En pleine tourmente monétaire, les industries nigérianes font actuellement du dumping en vendant moins cher sur les marchés limitrophes afin de se constituer des réserves de devises. Le bas niveau du Naïra et la porosité maladive de nos frontières sont pains bénis pour ces industries. Si rien n’est fait, sous le couvert du libre échange favorisé par le TEC-CEDEAO, elles viendront enterrer toutes les industries béninoises en les asphyxiant à domicile. Incapables de contrôler le marché domestique, que feront nos industriels ? Ils tenteront l’expansion vers l’étranger, en comptant sur la forte consommation de jus au Niger, au Mali ou au Burkina-Faso. S’il n’y a pratiquement pas de barrière pour accéder aux autres marchés, le cas du Nigeria laisse plutôt songeur.
Depuis de nombreuses années, le Nigéria a mis en place une législation appropriée pour protéger son industrie de toute concurrence extérieure. Des mesures fallacieuses mais fermes sont prises pour dissuader et compliquer les importations, dans les secteurs stratégiques pour l’industrie du pays. Résultat, il n’y a presque pas aujourd’hui de produit industriel béninois présent sur ce vaste marché qu’on dit être une chance pour le Bénin.
Retenons donc la leçon : si nous voulons que les usines vivent et créent des emplois pour nos jeunes, il faudra absolument que le gouvernement trouve des moyens pour les protéger de la prédation étrangère.

Par Olivier ALLOCHEME

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