.
.

Le triomphe de la vérité

.

Entretien avec Me Bénéwendé Stanislas Sankara, Vice-président de l’Assemblée nationale du Burkina-Faso: « Le combat a été fait avec le soutien de tous »


Visits: 3

maitre-sankara-okLe premier chef de file de l’opposition politique burkinabè,Me Bénéwendé Stanislas Sankara, qui a réussi à fédérer les forces des membres pour lutter contre les dérives du régime déchu, rompt le silence.Président del’Union pour la Renaissance/parti Sankariste (UNIR/PS) et Vice-président de l’Assemblée nationale du Burkina-Faso, Me Bénéwendé Stanislas Sankara qui se retrouve aujourd’hui dans la coalition du pouvoir en place, ne perd pas de vue les idéaux des luttes de l’ancien président et héros du pays des Hommes intègres, Thomas Sankara. Tout en optant pour un soutien ferme aux réformes entreprises par le gouvernement du président Rock Kaboré en vue de permettre à l’ex Haute Volta, de retrouver son statut d’Etat de droit et de démocratie, Me Bénéwendé Stanislas Sankara ne démord pas dans son combat pour la restauration de la vérité dans le coup qui a coûté la vie au président Thomas Sankara. En marge de l’atelier sur le thème « Migration, mobilités et développement en Afrique » qui se tenait en juin 2016 à Ouagadougou, l’envoyé spécial de l’événement précis, Gérard AGOGNON, a rencontré pour vous le Président parti Sankariste et vice-président de l’Assemblée nationale du Burkina-Faso, Bénéwendé Stanislas Sankara, pour une entrevue sur les contours de son nouvel engagement politique, de la nouvelle orientation de son parti ainsi que les suites de ses luttes. Volontiers, le vice-président du parlement du Faso se livre à un organe de presse béninoise, l’événement précis. San langue de bois, l’avocat justifie les raisons qui ont conduit le parti à arborer le même objectif que le pouvoir en place. Bénéwendé Stanislas Sankaraaborde sans détour, tous les dossiers, des plus sensibles au plus brûlants de l’actualité.

 L’Evénement précis : Comment avez-Vous vécu la dernière élection présidentielle, pour laquelle vous représentiez pour la énième fois les sankaristes ?

 Me Bénéwendé Stanislas Sankara: J’ai été candidat pour la première fois aux élections présidentielles au Burkina en 2005. Depuis que je suis dans l’arène politique, j’ai toujours été dans la compétition électorale. Effectivement, j’étais candidat à la dernière élection présidentielle pour le compte de mon parti UNIPS et je l’ai bien vécu.

Depuis la présidentielle et législative, vous avez arboré l’échappe de député. C’est certainement une expérience palpitante,Me Bénéwendé Stanislas Sankara ?.

 

Je n’ai pas en réalité abandonné la toge d’avocat. Je vous reçois actuellement dans mon cabinet qui continue de fonctionner parce que par rapport à la loi portant déontologie de la profession d’avocat au Burkina-Faso, qui a été modifiée en 2009, ma fonction de député n’est pas incompatible sur la réserve de ne pas prendre un dossier contre l’Etat du Burkina-Faso. Pour la petite histoire, avant la loi de 2009,  il y avait une éventualité absolue pour les avocats que nous étions. Nous avons mené un combat pour que cette loi soit révisée parce que la profession d’avocat est libérale et que l’exercice de ce métier devrait plutôt concourir à renforcer l’action de l’Assemblée nationale, du parlement ou par essence, c’est le débat contradictoire. Je continue d’exercer ma profession d’avocat. Mais vu mes responsabilités au niveau de l’Assemblée nationale, je réduis de façon drastique certaine de mes obligations professionnelles pour mieux me consacrer aux fonctions qui me sont destinées à l’Assemblée nationale parce que le premier vice-président représente le président de l’Assemblée nationale quand il est absent. N’oubliez pas que, j’ai dans mon cabinet, des dossiers emblématiques comme celui du président Thomas Sankara, de Norbert Zongo, de l’étudiant Boukari et bien d’autres qui sont récents et du régime de Blaise Compaoré. Vous comprenez que je ne peux pas fermer les portes de mon cabinet sur ces dossiers.

 

Le Burkina a renoué avec les habitudes démocratiques depuis les dernières élections présidentielles. Quelles sont les chantiers nécessaires qui mobilisent les énergies des institutions du Faso ?

Je dois d’abord vous dire que nous venons de loin, de très loin. Nous avons connu un régime qui a régné sans partage pendant 27 ans et qui a été emportée par une insurrection populaire. Après cette insurrection, nous avons élaboré une charte de la transition. J’ai été membre de la rédaction de cette charte et nous avons eu en face des organes transitoires dont la mission consistait à organiser l’élection libre et démocratique pour notre peuple. Effectivement, nous avons, au soir du 29 novembre 2015, avec la proclamation de ces résultats,  pu aller vers une nouvelle ère démocratique puisque ces élections présidentielles ont été applaudies par tous les acteurs, reconnues comme étant une élection libre et transparente. Le président Kaboré a été élu dès le premier tour et de ce point de vue, nous avons un chef d’Etat qui a une légitimité et qui a trouvé avec les élections couplées aux législatives, une majorité à l’Assemblée nationale. Mon parti a eu 5 députés qui devraient départager la majorité de l’opposition. Ce qui veut dire que nous étions faiseurs de roi. Au niveau du parti, nous avons analysé le pour et le contre de la majorité ou de l’opposition. Notre choix a été souverain et de façon délibéré. Le parti, après examen de la situation nationale au Burkina-Faso, a décidé de soutenir l’action gouvernementale. Ceci pour plusieurs raisons. La première c’est que le MPP qui est au pouvoir aujourd’hui est un parti de gauche. Nous étions du parti socialiste et avions avec le MPP, mené la lutte sur la bannière de l’institution du chef de file de l’opposition politique avec un programme qui a abouti à l’insurrection. Donc, c’est une annonce tout à fait justifiée qui fait cas d’une alliance qui n’est pas contre-nature. C’est important de le dire parce que quand on entend les gens dirent que les sankaristes coopèrent avec le MPP, il faut comprendre que nous avons évolué ensemble et que chaque parti politique a sa sensibilité. Nous avons mené la même lutte, les mêmes combats jusqu’au départ de Blaise Compaoré. Nous avons fait ce choix politique pour dire que de façon stratégique et structurel, on devait soutenir le candidat du MPP. Et c’est avec ses députés que nous avons constitué à l’Assemblée nationale, une majorité parlementaire. C’est vrai que les députés et moi-même revenons de notre groupe parlementaire qui est de la majorité. Le MPP est un groupe à part entière mais avec ces deux groupes, nous avons la majorité qualifiée. Ce qui a permis à ce que le premier ministre, dans la constitution, a été confirmé dans son choix par le chef de l’Etat.

Vous avez ardemment combattu Blaise Compaoré. Maintenant que vous êtes aux affaires, précisément dans la coalition qui dirige le Burkina-Faso, quelles sont les réformes politiques que vous comptez mener pour rendre hommage au peuple burkinabé et obtenir le retour de l’Etat de droit ?

D’abord je tiens à vous annoncer que le président Kaboré a été élu par une constitution institutionnelle qui est là pour proposer au peuple burkinabé une nouvelle constitution pour qu’on aille vers la cinquième république. La cinquième république c’est le socle, la vision des burkinabés. Quand je vous parlais tout à l’heure de la charte de la transition, cette charte, qui s’est inspirée de notre constitution, a modifié un certain nombre d’aspirations. Ceci, pour dire qu’il fallait traduire toutes ces attentes en des actions politiques concrètes. Donc, il faut que  ces attentes des burkinabés se traduisent en actions concrètes sur le terrain, en terme de développement, de progrès et de rendre la justice. Une justice qui ne sera pas seulement rendue sur les crimes économiques, mais aussi sociale. Le Burkina-Faso a toujours été présenté comme  étant le pays le plus pauvre de la planète où les populations sont confrontées à des questions d’éducation, de santé. Ce qui a perduré au point où les burkinabés se demandaient si l’espoir était encore possible. Il faut changer la situation politique pour apporter des infrastructures, de l’eau, des réponses idoines aux problèmes du chômage, de l’éducation, de santé, etc. Et c’est sur ces chantiers qu’on attend le chef de l’Etat. Vous savez que sous la transition, tous les mouvements  sociaux étaient des créanciers d’engagements. Je prends pour exemple les travailleurs qui ont négocié un certain nombre d’avancements. Ce qui a été notifié au gouvernement.

Les attentes sont fortes et vous qui êtes les nouvelles autorités du Burkina-Faso le savez. On est dans votre cabinet et on pense à un certain nombre de dossiers emblématiques. Les médias d’Afrique attendent que la lumière soit faite sur l’affaire Zongo par exemple. Où en sommes-nous ?

L’affaire Zongo a été jugée devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples à Abuja. Dans notre procès, l’Etat du Burkina-Faso a exigé son arrêt par la cour africaine sur deux temps. La première est de payer les indemnités. La cour l’a ordonné et le  Tas l’a exécuté.  Deuxièmement, c’est la vérité sur son assassinat. Ce qu’on n’a jamais vu chez Blaise Compaoré parce que le dossier a  toujours trainé. Le juge d’instruction qui avait en charge ce dossier est même arrivé à rendre un non-lieu. Actuellement,  il y a un juge d’instruction qui a repris le dossier et qui a même  inculpé des burkinabés dans ce dossier.On a même déjà trouvé l’épave du véhicule qui a servi au meurtre. L’enquête suit son cours. Mais c’est un dossier qui remonte déjà à plus de deux décennies et il faut que le juge reconstitue les faits. Ce n’est pas qu’on ne communique pas sur la nouvelle procédure mais je confirme que ce dossier suit normalement son cours. Ce qui nous intéresse, c’est la vérité sur ce crime odieux.

 

La même attente concerne aussi l’assassinat de Thomas Sankara. Connaitrons-nous un jour la vérité sur ce qui est arrivé ?

Je dois vous dire que c’est le sens du combat que je mène depuis 1997 quand j’ai déposé le dossier de la première plainte, 10 ans après l’assassinat de Thomas Sankara. A la faveur de cette quête de vérité, le dossier a été rouvert. L’ordre de poursuite a été donné et un juge d’instruction a été saisi. Rappelez-vous que nous avons déterré, il y a un an, les restes du corps de Thomas Sankara, pour les besoins de l’expertise. L’enquête balistique a été concluante et très formelle. On connait déjà les types d’armes qui ont été utilisées pour assassiner le président Sankara et sa suite. Il y a déjà plus d’une douzaine de gens qui sont inculpés et pas des moindres. Il y a par exemple, le général Gilbert Diendéré impliqué dans le coup d’Etat du 17 septembre 2015, l’ex président Blaise Compaoré fait aussi l’objet d’un mandat d’arrêt international. Je précise que ce mandat d’arrêt n’est pas annulé et tous les mandats d’arrêt qui ont été pris dans l’affaire Sankara sont en cours. Nous attendons maintenant la contre-expertise demandée par la famille de Thomas Sankara pour que ce dossier évolue. Je dois confirmer que ce dossier est en bonne voie au regard de son évolution. Nous avons plus d’une cinquantaine d’auditions et de confrontations qui sont déjà menées par le juge d’instruction, et on veille à ce que ces actes soient appliqués.

Me Sankara, après  qu’onl’ai érigé au rang de Héros national, attendez-vous quele nom du Président Thomas Sankarasoit attribué à toutes les édifices du Burkina-Faso ?

Non. Ce n’est pas ce que nous demandons. En 1984, le président Thomas Sankara a donné le nom Burkina-Faso à l’ex Volta. Je pense qu’il l’a légué pour toujours parce que quand on parle du pays des Hommes intègres, on parle du pays de Thomas Sankara. Ce qu’on demande pour le président Sankara et qu’on a déjà obtenu, sous Blaise Compaoré, c’est qu’il a été déclaré Héros national. Déjà on prononçait le nom Thomas Sankara, ce qui n’était pas le cas puisqu’il était difficile de prononcer son nom après son assassinat. Mais aujourd’hui, grâce à la lutte qui est menée, on ne sait plus qui est sankariste et qui porte le nom Sankara au Burkina-Faso.

Est-ce difficile de prononcer son nom alors que vous l’avez porté pendant tout ce temps ?

Moi je le porte par le sang à moins d’assassiner tous les Sankara de naissance. Je veux dire l’idéal qui passe les frontières du Burkina-Faso et de ce point de vue, même Sankara de son vivant, a toujours voulu qu’on garde de lui l’image d’un homme intègre qui se bat pour les autres. C’est pour cela qu’on a voulu qu’il soit érigé au rang des héros nationaux mais qu’un mémorial soit dédié en son nom.

« Aujourd’hui, je pense que le gouvernement avec lequel nous collaborons puisque nous sommes dans l’action gouvernementale, est favorable à toutes ces démarches. Je pense que d’ici là, on serait situé sur l’érection d’un mémorial à l’image de Kwamé N’Kruma à Accra ».

Thomas Sankara est un homme intègre qui a créé le Burkina-Faso. Pourtant dans nos pays, la corruption et l’impunité sont des poux des gouvernants. Qu’est ce qui pourrait indiquer qu’au pays des Hommes intègres, vous avez inversé cette fâcheuse tendance ?

C’est la principale raison de l’insurrection populaire. Thomas Sankara même disait que les révolutions naissent quand certains mangent et que d’autres les regardent. Ce qui l’a amené à dire à Blaise Compaoré que sur cent burkinabé, il y a dix qui sont dans l’opulence alors que les 90% restant sont dans la misère. Si vous inversez cette tendance en terme d’apporter à ces 90% l’accès à l’eau potable, à l’éducation, au système de santé, à l’infrastructure, vous aurez un nouveau monde. C’est ce sur quoi on attend le nouveau gouvernement.

« Mais pour y arriver, il faut s’attaquer à certains maux à savoir, la corruption et l’impunité qui sont corrosives des valeurs de la démocratie ».

C’est pour ça que mon parti et moi menons cette lutte parce que vous ne pouvez pas arriver à réduire l’extrême pauvreté si vous n’avez pas un style de gouvernance transparent capable de considérer tous les burkinabés sur le même pied d’égalité, faire la promotion de l’excellence et faire de l’Etat de droit un instrument de développement au service du peuple. Il faut que la justice soit le levier ou l’épine dorsale de la démocratie. Malheureusement dans nos pays, c’est là où souvent la justice traine les pas. On parle de la séparation des pouvoirs, de l’inclusion du politique dans le judiciaire. Thomas Sankara allait inverser ça en mettant en place des TPR, les Tribunes populaires révolutionnaires, et c’était à but pédagogique. Aujourd’hui, il faut réformer notre appareil judiciaire. Déjà sous la transition, il y a eu ce qu’on a appelé sous la justice, le PAC. Vous avez vu que sous le gouvernement actuel de Kaboré, les magistrats étaient les premiers à menacer de grèver pour exiger des salaires faramineux. Aujourd’hui, tous les dossiers emblématiques sont dans leurs mains et le peuple les regardent.

Avez-vous le sentiment que la justice n’évolue pas ?

Quand la justice dénonce l’intrusion de qui que ce soit dans son appareil, il ne faudrait pas que la justice elle-même, de façon paradoxale, présente des acteurs qui sont eux-mêmes le front de la justice. Les acteurs de la justice doivent être les vecteurs clés de la justice. On dit que la liberté, c’est soi-même. Un homme qui veut son indépendance doit lui-même mesurer de façon intrinsèque la valeur de sa propre liberté. C’est en cela que je suis toujours de l’école de Sankara. Lui qui disait que « l’esclave qui ne se bat pas pour se défaire de ses chaines ne mérite pas qu’on s’apitoie sur son sort ». Nous avons apprécié au Bénin, la dame qui a tapé du poing sur la table pour refuser que la constitution soit torpillée. Si au Burkina Faso, on avait eu à la même époque des magistrats qui avaient la même couille, on n’aurait pas eu cette insurrection dans laquelle il y a eu des dizaines de mort d’hommes, des centaines de blessés. Aujourd’hui, vous avez trois syndicats de magistrats dans la justice burkinabé qui se retrouvent en commission pour mener leurs activités corporatives. Quand on regarde les attentes des burkinabés, on est un peu déçu. Vous avez appris qu’on a annulé des mandats qui avaient été lancés dans certains dossiers comme l’affaire des coups d’Etat où des dignitaires sont en train d’être libérés. Ce qui fait qu’on se demande si à l’intérieur de la maison n’existent pas des torpilleurs.

Au regard de ce que vous dites, on a l’impression que la politique règne dans la maison de la justice. Vous avez parlé d’intégrité mais il y a une affaire de parcelles impliquant le Général Zida?

Je crois que la question ne doit pas être posée en termes de perte de profit mais de savoir si la redevabilité de ceux qui vous dirigent peut vous absoudre de vous expliquer. Au Burkina, c’est le Général Zida qui, en tant que premier ministre, a dit qu’il a tué Thomas Sankara. Il bénéficie de la présomption d’innocence. On ne l’a pas condamné. Il a le devoir de s’expliquer devant le peuple qui l’a adulé et qui mesure la hauteur de ses sacrifices personnels, au point de risquer sa vie pour que nous puissions donner une transition qui a été saluée. Je ne souhaite pas que des histoires de gestion courantes, d’ordre privé viennent salir le combat de notre peuple. Je suis de ceux qui pensent qu’il ne faut pas confondre les acteurs du processus insurrectionnel c‘est à dire du mouvement de notre histoire qui a abouti aujourd’hui à des élections libres et transparentes qui ont permis aux  gouvernants d’être redevables devant le peuple. Si aujourd’hui nul n’est au-dessus de la loi, le chef de l’Etat doit s’expliquer si les gens estiment qu’il doit le faire face à un acte commis.  Il ne peut pas se dédouaner du fait des sacrifices qu’il a consentis. Il doit plutôt rassurer les burkinabés et leur redonner encore confiance.

Guillaume Soro qui est le président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire semble être dans le collimateur de la justice du Faso. Que lui reproche-t-on concrètement et où en est le dossier ?

On lui reproche d’avoir été mêlé d’une manière ou d’une autre au putsch du Général Diendéré du 17 septembre. Nous avons tous appris qu’il est entré en contact avec le Général Bassori Djibril qui est le complice du Général putschiste, Diendéré. On aurait aussi intercepté des écoutes téléphoniques qui, à ma connaissance, sont sous scellées. C’est une pièce maitresse de la procédure judiciaire. Vous savez que les corrupteurs, les complices de faits aussi graves doivent faire objet de poursuite, quel que soit votre nationalité et la fonction que vous occupez. C’est vrai que la réalité historique entre le Burkina et la Côte d’Ivoire fait que nos peuples sont les mêmes, comme le Burkina et le Bénin. Si nous parlons de séparation de pouvoir, nous devons donner la chance au président Guillaume Soro de s’innocenter. Mais en voulant jouer sur la diplomatie et la politique, nous avons l’impression que le terrain de l’impunité que nous dénonçons est en train de prendre le pas au nom de la légende ou du secret d’Etat.

Si le président Soro venait à répondre de ses actes. Ne craint-on pas des problèmes qui viendraient embrouiller les relations entre les deux états ?

Je ne crois pas. Le peuple burkinabé, ivoirien  et tous les peuples ont droit à la vérité et à la justice. Les peuples ont besoin de cette vérité pour avancer. Même aujourd’hui, on continue de poursuivre les nazis pour les besoins de la réalité historique.

« Je crois que ce n’est pas à l’honneur d’un président de l’Assemblée nationale de laisser de telles choses sur son dos. C’est mon opinion personnelle. A sa place, je l’aurais fait. Si je suis poursuivi devant une juridiction où on m’accuse à tort ou à raison, je vais me défendre. Je peux déposer ma démission s’il y a des faits accablants contre moi ».

 J’ai rendu ma démission plusieurs fois de l’assemblée nationale pour continuer à travailler parce que je n’ai rien à me reprocher. Mais quand on a quelque chose à se reprocher, on trouve des stratégies pour se protéger et utiliser la carapace de l’Etat pour torpiller

Pourquoi le parlement auquel vous appartenez se tait sur ce dossier ?

C’est une question de procédure et de compétences. Guillaume Soro n’est pas du parlement burkinabé.

Mais la diplomatie parlementaire peut l’amener à le faire ?

La diplomatie parlementaire ne lève pas un mandat d’arrêt. Elle peut demander à un état de respecter les accords auxquels nous avons souscrits ? Aujourd’hui c’est un juge qui ales instructions et un juge intègre ne règle pas les actes de complaisance. Soit il rend sa démission ou il dit le droit. N’oubliez pas qu’en Côte d’ivoire, un juge a fuis pour avoir eu le courage de donner au président actuel, Alassane Dramane Ouattara un certificat de nationalité. C’est ça l’intégrité et c’est ce que nous défendons.

Puisque vous êtes en alliance avec le régime en place, quel acte pourriez-vous poser pour donner plus de visibilité à cette coopération ?

Si le gouvernement actuel remet en cause cette quête légitime de travailler à ce que les burkinabés renforcent les acquis de la démocratie, leur vision sur les questions de la lutte contre l’impunité et la corruption, si le gouvernement remet en cause cette aspiration fondamentale et légitime de répondre aux besoins observés sur le terrain, nous serons comptables de l’échec collectif puisque nous avons adhéré à un processus que nous défendons. Nous sommes solidaires de l’action gouvernementale. Nous travaillons de façon structurelle à rehausser ces fondamentaux pour que pendant ces cinq ans, on puisse dire que notre parti a adhéré à cette alliance de conviction dans l’unique dessein de satisfaire et de redonner confiance au peuple burkinabé. La tâche est difficile. Nous y sommes avec beaucoup de convictions. Nous sommes en politique et je ne souhaite pas qu’il y ait ces déceptions mais si nous devons nous séparer, nous voudrions dire à notre peuple qu’on va le faire. Je souhaite plutôt qu’on puisse avancer avec le peuple et gagner avec lui.

Cette expertise que vous avez, est-ce pour ressembler à Thomas Sankara ?

C’est vous qui l’appréciez ainsi. Je voudrais de ma vie prendre l’exemple de cet homme mais aussi d’autres personnes. J’ai beaucoup lu Che Guevara, Patrice Lumumba, Tabo M’Béki, Nelson Mandéla, Kwamé N’Krumah. Je crois que l’Afrique a besoin de repartir à ses fondamentaux qui ont déjà tracé un chemin pour notre Afrique en disant que les Etats unis d’Afrique seraient une réalité, que nos pays ne seraient pas confrontés à la misère et à ce que nous voyons de pitoyables, de ceux-là qui ont conquis nos richesses. Dans tous les pays africains, il y a encore des intègres qui se battent pour qu’on reste debout. Dieu merci, on a une presse pluraliste qui participe à ce combat. Je dois dire qu’en ce qui concerne ce que nous avons traversé au Burkina Faso, c’est la presse qui a été le premier pouvoir pour nous servir, avant que la société civile ne prenne conscience. L’insurrection ne se décrète pas mais se prépare. C’est parce que les gens ont tenu haut l’étendard du président Sankara que tout le monde en revendique aujourd’hui. Je pense qu’il ne faut pas faire du gâchis mais nous avons intérêt à mettre ensemble nos forces pour que le Burkina-Faso ne soit pas à un niveau qu’on va très bientôt annulé. Sankara disait qu’il ne reviendrait pas à la prochaine conférence des chefs d’Etat s’il était seul parce qu’on l’aurait massacré. Si aujourd’hui le Burkina-Faso est seul dans sa lutte, l’exemple qu’on veut partager avec le Bénin, le Togo, le Congo, le Cameroun et les autres pays n’irait nulle part.

A quand remonte votre dernier compte rendu à vos militants ?

J’ai fini ma réunion début juin. Nous avons convoqué le 4 août notre réunion politique. Vous comprenez que les structures du parti fonctionnent régulièrement parce qu’un parti qui n’est pas démocratique et où le débat ne se mène pas au sein des militants, n’est pas un parti.

Vous êtes le seul bailleur ?

Un parti comme l’UNIPS ne reçoit pas de subventions qui puissent lui permettre de faire ce qu’on veut faire. On tente de persévérer et de continuer notre combat.

Votre mot de fin

Je dirai à tous ceux qui nous écoutent et nous lisent que le combat que nous avons mené au Burkina-Faso, a été fait avec leur soutien moral. Nous avons reçu de la part du monde entier, notamment l’Afrique, des mots d’encouragement au moment où c’était très difficile. Nous avons compris que là où s’abat le découragement, s’élève le courage des persévérants. Aujourd’hui, nous persévérons, mais nous avons besoin de conjurer nos efforts pour libérer toute l’Afrique. Aujourd’hui plus que jamais, il faut que les peuples gardent espoir et unissent leurs efforts pour mener le bon combat. La jeunesse et les femmes ont besoin d’être soutenus dans leur lutte et le seul soutien qu’on peut apporter c’est l’information juste.

Entretien réalisé à Ouagadougou par Gérard AGOGNON le jeudi 16 juin 2016.

Reviews

  • Total Score 0%


Plus sur ce sujet

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You cannot copy content of this page