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Voulez-vous créer une entreprise de production ? C’est
génial. Seulement méfiez-vous du vol qui risque
d’anéantir votre investissement. Il a été prouvé qu’une
bonne partie des employés n’hésite pas à cambrioler leur entreprise,
chaque fois qu’ils en ont l’occasion. Qu’est-ce qui
peut expliquer une telle propension ?
Dès le départ, il ne faudrait pas croire que le vol en
entreprise est le propre des pays de pauvreté. Par exemple,
en Suisse, une étude a montré que quatre employés sur
dix volent des objets dans leur entreprise. Il n’est pas non
plus le propre des gagne-petits. Les cadres sont parfois de
grands voleurs. En cause : le laxisme de certains contrôles,
des difficultés pécuniaires des agents. Plus clairement, les
agents ne volent généralement que lorsqu’ils observent que
les contrôles sont rares et que le patron lui-même ferme les
yeux sur les cas déjà enregistrés. Existe-t-il un profil type du
voleur ? Qui commet ces délits économiques ? Pour peu que
le jeu en vaille la chandelle, à peu près tout le monde, répondent
Steven D. Levitt et Stephen J. Dubner , dans leur
livre Freakonomics [un best-seller paru en français chez Gallimard
en 2007]. Vous êtes sans doute en train de vous dire :
«Non, pas moi, jamais, quel que soit l’enjeu.» Vous rappelezvous
de ces jours où vous donnez les tickets-valeurs de vos
structures à des proches ? Comment peut-on appeler ce type
de comportement ?Steven D. Levitt et Stephen J. Dubner avancent une
explication : « Tricher est un acte économique primordial :
c’est obtenir davantage en donnant moins. Ce n’est donc pas
l’apanage des plus connus – PDG coupables de délits d’initiés,
politiciens profiteurs –, mais cela concerne aussi la serveuse
qui empoche les pourboires au lieu de les mettre dans
le tronc commun, ou le chef comptable du supermarché qui,
dans l’ordinateur, rogne les heures accomplies par ses collègues
pour donner meilleure allure à ses propres horaires.
» Une étude conduite par Pricewaterhouse Coopers en 2014
nuance cependant ces propos. Selon le cabinet d’audit, les
hommes entre 41 et 50 ans qui ont passé plusieurs années
dans l’entreprise constituent le groupe le plus à risque (60
% des cas étudiés). Les cadres moyens et supérieurs sont
par ailleurs plus concernés que les autres employés, selon
KPMG. Une différence que Martin Killias, professeur à l’université
de Zurich, explique par le fait qu’un poste élevé donne
davantage de possibilités de tromperie.
Quelles circonstances incitent les employés à voler ou
à détourner des biens appartenant à l’entreprise ? La réponse
à cette question dépend en grande partie de la personne à
laquelle on la pose. Pour les experts en sécurité industrielle,
les employés profitent du laxisme des contrôles et des circonstances
favorables qui se présentent. Les criminologues
y voient, quant à eux, la conséquence des pressions financières
(difficultés pécuniaires, notamment) ou de certains
travers (dettes, cérémonie coutumière par exemple). Enfin,
les psychologues estiment que les individus volent lorsqu’ils
disposent d’arguments justifiant leur comportement ( « tout
le monde le fait », « cette entreprise gagne tellement d’argent
qu’elle ne risque pas de couler pour si peu », ça compensera
tout ce qu’ils m’ont fait subir », etc.). Que peuvent faire les managers pour réduire le vol des
employés ? Les experts recommandent des mesures
de contrôle à la fois préventives, continues et rétroactives.
Les premières consistent à approfondir les enquêtes
avant embauche et à établir un règlement spécifique donnant
une définition précise du vol et des procédures disciplinaires
applicables. Les secondes consistent quant à elles à respecter
les employés – ceux qui apprécient leur patron et leur travail
sont généralement plus honnêtes que les autres –, mais aussi
à communiquer ouvertement les coûts engendrés par le vol.
Enfin, les mesures rétroactives consistent à évaluer la culture
de l’entreprise et les relations entre managers et employés et
à redéfinir, si besoin, les mesures de contrôle.
Parmi les mesures préventives, il y en a qui sont radicales.
Un supermarché oblige ses employés à se dénuder
entièrement sous le contrôle d’un superviseur assermenté, le
soir, avant de rentrer. Un fermier s’oblige à contrôler quotidiennement
le nombre d’oeufs de ses poules pondeuses. Dans
chacun de ces cas, il est évident que le vol en entreprise ne
peut prospérer là où le patron est vigilent. Moralité : si
vous ne voulez pas fermer votre entreprise à cause
des cas de vol, contrôlez tout le monde, tous les
jours.
Par Olivier ALLOCHEME