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Le triomphe de la vérité

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Edito: Le goût amer de l’immobilisme


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A l’heure où je parle, l’économie d’une bonne partie des arrondissements de la commune de Sèmè-Kpodji, est sinistrée. Les hôtels qui ne désemplissaient pas du fait de la présence continuelle des Nigérians, broient du noir, les commerces font grise mine. Ecoles et universités privées qui devaient leur floraison à l’importante population venant de l’autre côté de la frontière, sont carrément en crise. Les étudiants s’en vont. Les propriétaires de maisons, qui faisaient de bonnes affaires en hébergeant toute cette importante communauté, n’y comprennent rien. Les locataires nigérians sont sur le départ. Pendant ce temps, les nouveaux arrivants se comptent sur les doigts d’une main. Il en est de même pour les vendeurs de véhicules d’occasion. Les parcs de vente de voitures sont en crise, et les opérateurs commencent à fermer un à un. « Avant, avec 300 nairas, on avait jusqu’à 1000 FCFA, cela nous permettait d’acheter des voitures à des prix abordables. Maintenant, pour avoir 1000 FCFA, il faut disposer de 600, voire 700 nairas, et vous comprenez qu’on ne peut pas tous, à ce rythme, acheter des voitures », se plaint un client nigérian.

La crise est aussi perceptible au niveau des vendeuses du plus grand marché du Bénin. Les grossistes nigérians qui venaient par vagues entières, ne viennent plus qu’à compte-gouttes. Il y a comme un air d’enterrement qui plane sur les grandes boutiques. La dévaluation du Naïra ainsi que les baisses records des prix du pétrole sont les principaux facteurs ayant engendré cette morosité. Pendant qu’Abuja subit de plein fouet les douloureux effets de la dévaluation de 30% de sa monnaie, le pays enregistre également la baisse de ses exportations d’environ 20% depuis le début de l’année.  La ministre nigériane des finances n’a pas hésité à parler de récession, même si elle espère sortir le pays de l’ornière d’ici 2017. Et le pays a simplement perdu sa place de première économie du continent africain, au profit de l’Afrique du Sud. Face à cette avalanche de mauvaises nouvelles, il est difficile de comprendre l’absence de réactivité des autorités béninoises.

Intervenant  ce mardi 21 juin devant l’Assemblée nationale, le ministre des finances Romuald Wadagni a déclaré que le gouvernement  suit la situation de près. Il a laissé entendre aux députés que des mesures sont prises en vue « d’accélérer la transition fiscale ». Il s’agit selon lui, de mettre en œuvre des mesures visant à « éviter la dépendance fiscale vis-à-vis du Nigeria ». En dehors d’un contrôle douanier plus strict qui est déjà en application, il a été annoncé la création prochaine d’un marché à la frontière. Mais ce marché existe déjà et depuis de nombreuses années, quoique de façon informelle. Le long des 700km de frontières avec nos voisins de l’Est, s’est développée une économie parallèle et très dynamique qui ne doit rien à la proactivité des autorités béninoises. Elle est née du sens des affaires qui existe chez les populations des deux côtés de la frontière.

Face à tout cela, la véritable question est celle-ci : pourquoi la réaction des autorités béninoises est-elle si molle ? Je ne vois en l’occurrence aucune mesure énergique tendant à rassurer la population et surtout les investisseurs. Les autorités béninoises laissent accroire que  la crise ne sera que de courte durée alors que ses effets immédiats sont ravageurs, notamment sur les ménages les plus fragiles. En l’occurrence, je ne vois aucune mesure d’accompagnement envers ces catégories vulnérables, et encore moins en direction de tous les commerçants qui sont en train de voir péricliter leurs affaires.

Parallèlement, on assiste au renforcement des mesures fiscales qui frappent les classes moyennes. C’est dans ce contexte que depuis ce mercredi, tous les étrangers entrant au Bénin ont été astreints au paiement de nouvelles redevances aux frontières. Si ces redevances ne sont pas aussi nouvelles que l’on pourrait le croire, leur perception brutale intervient dans une période de crise. Commerçants congolais, camerounais et gabonais sont refoulés dans leurs pays pour des défauts de formalités administratives à compléter. Les commerçants de Dantokpa et les artisans qui étaient leurs principaux fournisseurs, vont en pâtir davantage.

La molle réaction des autorités est le signe le plus clair que la crise a surpris les responsables en charge de l’économie et des finances. Mais si ce mutisme inquiétant se prolonge, une bonne partie du tissu  sera déstructurée.

 Par Olivier ALLOCHEME

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