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Le triomphe de la vérité

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Edito: Faut-il dévaluer le FCFA ?


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logoQuestion : si les Etats-Unis dévaluaient aujourd’hui le dollar de 50% environs, que ferait l’Union Européenne ? Réponse : l’UE songerait à dévaluer immédiatement l’euro pour ne pas sombrer. Question encore : peut-on rapporter cette stratégie au cas du FCFA face à la dévaluation du Naïra ? Réponse encore : c’est une perspective trop facile. Et je m’explique.
La dévaluation du Naïra, je ne le dirai jamais assez, constitue une très mauvaise nouvelle pour le Bénin. Le loup est dans la bergerie. En l’occurrence, le Nigeria a si bien préparé son coup qu’il en tire tous les avantages nécessaires. Ayant réussi à protéger son marché depuis de nombreuses années, Abuja a eu le temps de se doter d’un important tissu productif local. Des mesures de protection grise lui ont permis de décourager les importations. Avec la dévaluation,  tous les produits alimentaires en provenance du Bénin ont vu leur prix augmenter de 18,6 % depuis juin, selon la banque centrale nigériane. La société Cajaf-Comon, premier contributeur au budget national (46 milliards de F CFA de chiffre d’affaires annuel), a vu ses recettes baisser de plus de 72 %. Résultat : ayant basé ses recettes fiscales sur la fiscalité de porte (douane), le Bénin se retrouve avec une baisse drastique de ses recettes fiscales.
Et c’est ici que nous nous rendons tous compte que l’économie de transit que nous avons est adossée simplement à une virtualité dangereuse : elle nous encourage à vivre sur le dos du Nigeria. Une bonne partie de nos riches commerçants tirent leurs fortunes de leurs relations avec des partenaires en provenance de Lagos, Abuja, Ibadan… Seulement voilà. La baisse du Naïra donne au FCFA une valeur trop forte. Déjà surévaluée du fait de sa parité fixe vis-à-vis de la monnaie européenne, la voilà qui monte davantage encore depuis que la monnaie nigériane a été laissée en flottement. C’est ce qui amène les spécialistes à se poser cette question : ne faut-il pas dévaluer le FCFA pour le ramener à un niveau compatible avec les exigences de l’heure ?
A y voir de plus près, le Bénin est probablement le pays ouest-africain le plus exposé aux effets pervers de la dévaluation du Naïra. Or, notre pays ne représente pas grand-chose dans le commerce intrarégional. Selon une étude publiée en 2012 par le Centre Africain pour le Commerce, l’Intégration et le Développement (Enda CACID), le Nigeria réalise 45% des exportations intracommunautaires, pour l’essentiel dominées par le pétrole brut. Il est suivi de la Côte d’Ivoire (32%), du Ghana (7%) et du Sénégal (5%) et du Togo (4%). Ces cinq pays concentrent 93% des exportations intracommunautaires. Le Bénin n’est visible que sur les réexportations communautaires où il représente 9%.
On voit bien que le pays, en termes commerciaux, ne pèse pas bien lourd. La Côte-d’Ivoire, le Burkina-Faso, le Mali et le Sénégal, qui constituent les poids lourds de l’économie communautaire, ne souffrent pas vraiment de la dévaluation du Naïra. On n’obtiendra pas grand-chose en faisant de la dévaluation du FCFA une question prioritaire. Mais à cela, il faut ajouter la pire conséquence de cette mesure si elle venait à être prise : ce sera l’explosion de la dette extérieure du Bénin et de celle de tous les pays de l’UEMOA. Le pays s’étant endetté essentiellement en devises, il sera le premier pénalisé si les taux de changes du FCFA plongeaient. La dette extérieure libellée en dollars, en euro ou en yuan va prendre rapidement du volume. C’est un effet boomerang pouvant annihiler les bénéfices attendus.
Au total, même en agissant sur le levier monétaire, nous ne pouvons-nous sortir du traquenard de la dévaluation du Naïra. Le moment est venu pour nous de faire face à « l’extraordinaire épreuve de vérité », comme le dit Noukpo Homègnon, économiste-chercheur en service au Ministère des finances. S’il y a encore des gens capables de parler à notre gouvernement, ils doivent lui répéter, tous les jours, que l’élargissement des bases productives du pays est un impératif absolu.

Par Olivier ALLOCHEME

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