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Le triomphe de la vérité

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Edito: L’armée au secours de la démocratie


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Il faut le savoir, « le Dahomey, enfant malade de l’Afrique » devait sa funeste réputation à son armée. Elle fut l’acteur principal des coups d’Etat en série ayant instauré une instabilité chronique dans le pays aux premières années de l’indépendance. Mais à partir de 1990, tout s’est passé comme si nos hommes en arme se sont ressaisis et se sont posés en garants de leur propre neutralité. Le défilé militaire de ce 1er août 2016 aura donné une fois de plus, un motif supplémentaire de satisfaction par rapport à cette neutralité imposée sur la scène publique.
Dire cela, c’est admettre le rôle   déstabilisateur de l’armée dans un pays en construction comme le Bénin. Le thème du défilé d’hier consacré au rôle de l’armée dans l’enracinement de la démocratie ne va pas de soi. A y voir de près, l’Afrique subsaharienne elle-même a été menacée ces dernières années par des tentatives de  retour des hommes en uniformes au-devant de la scène. Certains ont réussi (Nigeria, Congo), mais beaucoup ont échoué (Côte-d’Ivoire, Guinée, Mali…) Institution de succession coloniale  «  L’armée n’est ni préparée ni habilitée à jouer un rôle politique »   disait  Dominique Bangoura  dans son article intitulé « Les armées africaines face au défi démocratique ».  Mais il n’a pas manqué de souligner que malgré cette antinomie les hommes en uniforme ont longtemps pensé qu’ils étaient le socle de l’unité nationale, la base même de la démocratie et que par conséquent, ils pouvaient se saisir du pouvoir comme bon leur semblait.  Au Bénin, 1990 a sonné le glas de cette conception.  La constitution a mis un puissant verrou en rendant obligatoire la démission de tout militaire désireux de se lancer en politique et, surtout, en criminalisant tout coup de force destiné à renverser le Président de la République.
A partir de là, même les plus déterminés des militaires en fonction y réfléchiront par mille fois avant d’entamer une aventure    politique. Bien entendu, la retraite constitue le point de départ d’une certaine liberté. C’est pourquoi, on a pu voir des généraux à la retraite comme Robert Gbian ou Fernand Amoussou présenter librement leurs candidatures à la présidentielle de 2016.   Mais, l’on sait que l’armée, durant la période du Renouveau démocratique n’a pas manqué d’être sollicitée pour intervenir au-delà de sa zone de compétence constitutionnelle.  La tentation politique est loin d’être un leurre dans les milieux militaires. A tout le moins, chacun sait que toutes les chapelles politiques sérieuses chez nous sont portées par de fortes interrelations avec la hiérarchie militaire et même policière. D’autant d’ailleurs que l’institution elle-même est très perméable à la société. Elle est traversée par les mêmes clivages ethno-régionaux, culturels, linguistiques et religieux que la population civile.  Il est donc illusoire de penser qu’un haut gradé de l’armée est neutre par nature. C’est précisément la constitution qui l’y contraint.
Pas seulement. Les élites militaires d’aujourd’hui sont plus imprégnées des subtilités juridiques que celles d’hier. Les hauts gradés de nos armées ont effectué  pour la plupart des cursus académiques qui les empêchent de poser les actes inconsidérés qui caractérisent les coups d’Etat ou les mutineries. Mais on ne doit pas oublier que la qualité de la classe politique nationale a aussi participé à discipliner nos élites militaires.  Là où un Ahomadégbé pouvait facilement ruer dans les brancards et chercher des moyens pour renverser un Apithy, un Houngbédji face à Boni Yayi cherche aujourd’hui les voies légales pour l’emporter. La compétition politique d’aujourd’hui fait beaucoup plus abstraction de la force brutale que symbolise le pouvoir militaire et exalte l’intelligence électorale, l’adhésion populaire et la finesse argumentative. Dans ce contexte où les dictateurs éclairés issus des casernes peuvent paraître comme des cheveux sur la soupe, il n’y a plus de place pour les militaires.
Et l’on peut se réjouir de cette neutralité presque ostentatoire de la Grande Muette depuis 26 ans. 26 ans que ses chefs ont décidé de rester à l’écart des jeux partisans, de façon même que les tentatives du régime précédent  pour forcer la main à certains hauts gradés  dans l’arène  politique, se sont soldées par des échecs dont personne ne parle aujourd’hui. A l’époque, il a fallu le courage de certains généraux, la fermeté de certains hommes de rang et la compréhension de la troupe pour qu’on n’en arrive pas à des dérives.
C’est pourquoi on peut dire que même si l’armée n’est plus le socle de la démocratie au Bénin, elle demeure non seulement un ciment d’unité nationale mais aussi un puissant vecteur de paix.

 Par Olivier ALLOCHEME

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