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Le triomphe de la vérité

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Edito: La santé a un coût


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Le débat, je vous le concède, est ouvert : n’est-ce pas payer doublement les agents que de leur verser des subsides afin qu’ils fassent mieux le travail pour lequel ils sont déjà payés ? Cette question éthique, les partenaires techniques et financiers engagés dans le Projet de renforcement de la performance du système de santé (PRPSS), se la sont certainement posés. Depuis quatre ans, ils sont pourtant engagés dans ce projet qui accorde des primes aux agents de santé à tous les échelons qui s’occupent bien des patients ainsi que de la performance d’ensemble de leurs structures sanitaires. Cette solution quelque peu inhabituelle a été financée par la Banque Mondiale, le GAVI, la Coopération Technique Belge ainsi que le Fonds Mondial. Ces institutions « achètent » les bonnes pratiques chez les agents pour les amener à mieux s’occuper des malades et leur paient en retour des émoluments plus ou moins consistants. On appelle cette initiative « Financement Basé sur les Résultats (FBR) ».
La démarche du Bénin a été suivie par certains pays comme le Burundi, le Rwanda et bientôt par la Côte-d’Ivoire et le Sénégal.  Tous ces pays se sont rendu compte que la baisse drastique de fréquentation des centres de santé publics provient pour une bonne part, non seulement de l’accueil discourtois qui leur est trop souvent réservé, mais aussi du plateau technique dérisoire  qu’ils présentent. A cela, s’ajoutent la pénurie de personnel qualifié qui handicape sérieusement nos formations sanitaires ainsi que la cherté des médicaments qui leur sont livrés.
De huit zones sanitaires concernées au départ, elles sont aujourd’hui 34 à être engagées dans cette initiative. Il s’agit d’une généralisation, d’un passage à l’échelle jugée audacieuse par tous les pays qui regardent le modèle béninois avec inquiétude. On se demande si le pays réussira à changer la mentalité des agents de santé non seulement en leur donnant plus d’argent pour les inciter à travailler mieux, mais aussi en équipant les formations sanitaires. Des évaluations régulières et rigoureuses établissent, sur la base de la transparence, les scores réalisés par les structures et leurs agents. Et la mayonnaise semble avoir pris. Dans la plupart des centres de santé sous contrat FBR, les   agents mettent les bouchés double pour satisfaire les patients et assainir leurs milieux de travail.
Il ne faut peut-être  pas s’offusquer de ce traitement de faveur réservé aux personnels de santé, à la différence des autres agents de la fonction publique béninoise. Mais l’on remarquera que si la situation avait été laissée telle, le risque d’une implosion est plausible. Pour se payer des émoluments additionnels, que faisaient les agents ? Rançonnements des patients, mauvais accueil, centres de santé à l’hygiène douteuse, mauvaise qualité des soins…On imagine le cocktail détonnant.
L’avènement du FBR constitue une aubaine pour l’Etat béninois. Mais en même temps, il s’agit d’un défi pour lui. A un an de la fin du partenariat notamment avec la Banque Mondiale, il sera nécessaire que l’Etat prenne le relais. Jusqu’ici en effet, le gouvernement n’a pas participé directement au financement de l’initiative. Et la question se pose de savoir s’il pourra le faire, au vu des contraintes liées à cette démarche. La pérennisation du FBR est aujourd’hui tributaire du bon vouloir du gouvernement. Dans un pays comme le Sénégal qui démarre son expérience pilote cette semaine, douze milliards de FCFA ont été dégagés pour accompagner les PTF. En Côte-d‘Ivoire, c’est carrément 30% du budget du FBR qui sont pris en charge par l’Etat. La formule médiane pourrait être ainsi un financement mixte alliant les fonds des PTF aux contributions de l’Etat.
Mais, ne nous voilons pas la face. L’Etat aura du mal à justifier ces allocations de ressources, tout en refusant les mêmes avantages aux autres corps de la fonction publique. Ce qui justifie par ailleurs ses réticences à s’engager financièrement depuis quatre ans. L’on risque d’ouvrir la boîte de pandore et de gonfler excessivement la masse salariale déjà au bord de l’asphyxie. Il faut enfin se demander si le modèle implémenté dans le secteur de la santé n’est pas duplicable dans un autre secteur  meurtri comme l’enseignement.

Par Olivier ALLOCHEME

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One thought on “Edito: La santé a un coût

  1. Gérald Bouillaud

    On ne peut pas s’y échapper. La question de l’administration d’un médicament extraordinairement coûteux à un malade, par exemple du cancer, qui grâce à ce médicament gagnera simplement quelques jours ou semaines de vie, est une question très difficile, peut-être insupportable, mais légitime. Je pense qu’il y a beaucoup d’enjeux en question.

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