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Le triomphe de la vérité

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Edito: Le riz en rit encore


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logo journalUn communiqué du Centre du riz pour l’Afrique, publié il y a quelques semaines, est passé presque inaperçu. Et pourtant, le ton inhabituellement alarmiste de ce communiqué pouvait attirer l’attention de tout le monde. En substance, il disait ceci : « AfricaRice voudrait avertir ses États membres qu’il a récemment reçu des informations crédibles sur les plans de la Thaïlande d’exporter en mai et juin 2016 11,4 millions de tonnes de riz des stocks du gouvernement. Bien qu’il puisse paraître irréaliste d’exporter 11,4 millions de tonnes pendant deux mois seulement, il s’agit là d’une véritable épée de Damoclès au-dessus du secteur rizicole en Afrique, puisque l’Afrique pourrait être utilisée encore comme un dépotoir si l’on n’y prend pas garde. » Avouez quand même qu’on ne peut être plus clair.

J’ai personnellement soupçonné AfricaRice de crier très fort parce que ses propres intérêts d’institution en charge de la diffusion du riz africain en Afrique, étaient menacés par la manœuvre thaïlandaise. Et j’ai souri. Parce qu’en réalité, ce qui se joue dans l’importation du riz est énorme. Imaginez un seul instant que la campagne de consommation du riz africain, marche réellement au point que les paysans béninois produisent de grandes quantités de cette culture, que se passerait-il ? Il se passerait que les milliardaires béninois ayant construit leur fortune sur l’importation et parfois sur la réexportation du riz vont couler tout doucement et fermer boutique. Et comme ils ne veulent pas couler aussi bêtement, ils y mettent les moyens. Ils savent comment acheter une belle voiture de luxe aux cadres en charge de prendre les décisions sensibles pour leur secteur. Ils savent très bien comment offrir une villa de grand luxe à un ministrede l’agriculture ou à un ingénieur agronome pour noyer tous les projets similaires. Au nom du business de quelques-uns…

Vous constaterez ainsi que presque tous les projets pompeux financés par d’éminentes institutions, n’ont jamais   permis à notre pays depuis de si longues années, d’assurer son autosuffisance  en riz.

Des statistiques montrent  que chaque Béninois consomme en moyenne 12 kg de riz par an. Ce qui oblige à une importation massive d’au moins  50 000 tonnes (soit 7.6 kg/hbts)  chaque année en vue de  satisfaire la demande nationale.  Et ce n’est pas seulement au Bénin. En Afrique de l’Ouest l’importation annuelle atteint plus de 5 millions de tonnes de riz blanchi. Le premier importateur de la région, le Nigeria, importe à lui seul chaque année quelques 2 millions de tonnes. Il est suivi de la Côte d’Ivoire (900 000 tonnes) et du Sénégal (700 000 tonnes). Actuellement, l’importation assure l’essentiel des disponibilités en riz des pays côtiers (Sénégal, Ghana, Libéria, Bénin). Seul le Mali, pays sahélien enclavé, couvre lui-même 90% de ses besoins en riz.

Il y a deux ans, le gouvernement nigérian avait trouvé la parade : mettre en place un vaste programme de promotion du riz local. Conduit par le ministre de l’agriculture de l’époque, aujourd’hui président de la BOAD, AkinwumiAdesina, cette initiative  a permis de réduire considérablement les importations de riz.  Et de temps en temps, pour protéger leur agriculture contre le dumping, les autorités interdisent toute importation  de riz. Les réexportations provenant du Bénin en souffrent déjà. C’est le trésor public béninois qui va en faire les frais, étant entendu que les réexportations en général constituent un pôle important des recettes publiques.

C’est donc une quadrature du cercle.  Ceci ne devrait pas empêcher toute action dans le secteur. Car, en encourageant les opérateurs économiques à y investir, l’Etat pourrait, à moyen terme, contribuer à créer des milliers d’emplois agricoles. Il aurait eu le mérite de s’engager dans une production devenue nécessaire dans tous les ménages.

Mais la promotion du riz a des retombées macroéconomiques évidentes. Si la Thaïlande, premier pays producteur de riz au monde, se voit obligée de subventionner ses propres producteurs afin de vendre moins cher à l’extérieur qu’à l’intérieur, il faut se rendre à une évidence : c’est une manœuvre pour engranger des devises étrangères à tout prix. Pendant ce temps,   nous ouvrons nos frontières toutes grandes aux productions rizicoles des autres. Ils sont contents de notre incapacité à percevoir ce que les Nigérians ont perçu depuis quelques années : un pays qui consomme ce qu’il ne produit pas et produit ce qu’il ne mange pas, n’en vaut pas la peine.

Par Olivier ALLOCHEME

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