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Le triomphe de la vérité

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Le politologue Juste Edouard Codjo, invité du lundi: « Il y a nécessité de stabiliser notre démocratie avec à peine 4 grands partis »


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CodjoLe concept de la « Consencratie » a fait objet d’échanges entre nous et le commandant Juste Codjo. Auteur du livre intitulé « Consencratie » lancé, il y a quelques semaines à Cotonou, le politologue chargé des questions de stratégies et de relations internationales,  est donc l’invité de la rubrique « Invité du Lundi » de cette semaine. Au cours des échanges, l’enseignant chercheur au Kansas State University, aux Etats unis d’Amérique, a donné son point de vue sur la question des réformes politiques et institutionnelles que prône le régime en place. L’officier supérieur des forces armées béninoises (Fab) a saisi l’occasion pour développer les règles à mettre en jeu pour améliorer la gouvernance au Bénin.

L’EVENEMENT PRECIS : Que comprendre de la « Consencratie », le nouveau concept que vous soumettez au peuple béninois ?

Juste Edouard  Codjo : La« Consencratie » en terme simple, signifie, la gouvernance démocratique par le consensus. C’est donc la combinaison de ces deux mots qui donne cela. L’idée que cache ce terme est de pouvoir créer un modèle de démocratie qui soit adapté aux réalités d’Afrique et du Bénin en particulier. Et donc, j’essaye  à travers ce concept, de créer quelque chose à partir de nos réalités. Je me fonde sur l’idée que le droit de créer est universel, surtout si les autres ont créé leur concept et leur modèle, nous pouvons aussi créer le nôtre,  tant qu’il est logique et pertinent. C’est ce que j’essaye de faire ici.

Pourquoi une telle proposition de gouvernance en  cette période, où le Bénin se trouve dans un tournant de réformes ?

En fait c’est une forte coïncidence, puisque j’ai commencé mes travaux, il y a cinq ans environs, et l’opportunité s’est présentée quand le chef de l’Etat, avant d’aller en campagne, avait annoncé de faire de son mandat, un mandat de réformes politiques et institutionnelles, un enjeu majeur de sa gouvernance. Donc une fois élu, quand il a réaffirmé son engagement pour les réformes, je me suis senti interpelé. Ce sont là donc des questions auxquelles j’essaye de trouver des solutions depuis des années à travers des recherches au plus haut niveau.Comme je le dis, c’est pour moi, un devoir de citoyen de venir partager avec mon peuple ce que j’ai trouvé à ce stade, et qui pourrait aider le Bénin à aller un peu de l’avant sur la question des réformes.

Parlant justement de ces réformes, vous avez  parlé de réformes institutionnelles à travers un certain nombre de règles à mettre en œuvre. Que pouvons-nous retenir de façon succincte ?

Alors vous faites bien d’évoquer le terme règle, parce que c’est d’abord et avant tout de ça qu’il s’agit quand nous parlons en sciences politiques et d’institution. Le mot institution, comme vous le savez, est quelque chose qui est institué, donc fondamentalement basé sur une règle. Le contenu de ce que je propose est la redéfinition de la règle politique. Les règles de la compétition politique.  Si je pars du postulat que les règles qui définissent la compétition politique ont indéniablement un impact sur le comportement de chacun des acteurs impliqués dans la compétition politique. Donc en  définissant ces règles, nous pouvons agir de façon durable sur le comportement de chacun de ces acteurs. Voilà pourquoi je mets l’accès dans le  modèle, sur la redéfinition des différentes règles pour élire nos dirigeants, ou les règles qui leur attribuent leurs prérogatives, le fonctionnement des différents organes que nous mettons en place. Donc c’est essentiellement  autour de ces choses que j’essaye d’axer  le présent modèle.

Citez nous quelques règles ?

Je commencerais d’bord par les partis politiques. Je propose de redéfinir un peu les règles d’élection des  différents membres du législatif, je veux parler des députés. Quand nous redéfinissons les règles d’élections, les députés et acteurs politiques vont changer de comportement et se comporter finalement comme le peuple le souhaite. Ce que je  propose par exemple, est l’organisation désormais des élections législatives, à deux tours. Au premier tour, tous les partis inscrits dans la république, compétissent. C’est de leur droit. Maintenant, ne serait autorisés à aller au second tour que les partis qui auraient obtenu au moins un siège dans chaque département. Donc quand vous regardez un peu et qu’il y a des  partis qui arrivent à franchir cette étape, ils vont au second tour. Et ceux n’ayant pas réussi, perdent les sièges qu’ils ont obtenus au second tour. Donc les partis qualifiés se partagent le reste, en jouant sur le mode de répartition des sièges, en faisant du proportionnel au premier tour et du majoritaire au second tour, nous pouvons nous assurer que nous aurons trois à cinq partis au parlement dont un (01) pourrait probablement avoir la majorité des sièges. Donc cela stabilise un peu le parlement parce que les partis qui peuvent durablement et objectivement accéder au parlement, n’excéderaient pas  quatre voire cinq. A long terme, l’impact de ces règles sur les acteurs politiques est le suivant: Ceux des partis politiques  qui n’ont jamais réussi à accéder au parlement vont modifier leur  stratégie aux élections suivantes. Ils peuvent décider d’ aller intégrer les partis  déjà établis au parlement ou alors, ils vont simplement décider d’élargir leur base sur d’autres régions. Une troisième option serait de dire tout simplement qu’on veut exister comme partis politiques mais sans compétition au plan national. On reste au plan local où nous sommes forts. C’est un impact indéniable que cette règle aura sur les acteurs.  Donc on peut aussi évaluer l’impact de ces règles sur les électeurs eux-mêmes. Quand vous êtes acteurs et qu’au premier tour, vous avez voté pour le parti de votre région qui n’a pas réussi à avoir des sièges ailleurs, au tour suivant , vous êtes tenté de voter pour un parti qui, à votre avis, a plus de chance d’aller au parlement. Et donc naturellement, les électeurs aussi basculent du côté des grands partis. Ainsi, à long terme, les petits partis n’auront pas de chance d’obtenir des votes, simplement parce que l’électeur veut que son vote aussi compte car  il veut avoir quelqu’un le représenter au pouvoir national. En évaluant les  impacts de ces règles, nous pouvons donc prédire que la configuration politique à long terme sera beaucoup plus stable au plan national tout au moins. On aura quelques deux à cinq partis qui pourraient objectivement prétendre gérer le pouvoir législatif et aussi le pouvoir exécutif. Et là, c’est le second volet de ce que je propose. Dans cette partie, il s’agit d’aider à redéfinir les règles d’élection du président de la république. Une règle qui peut se comprendre de la façon  suivante. Plutôt que de faire du suffrage universel direct comme  nous le faisons aujourd’hui, nous pouvons faire en sorte que le Président  de la république provienne de la majorité parlementaire. Car, on aurait réussi à stabiliser le parlement. Un parti aurait des chances d’être majoritaire car il aurait la chance d’être majoritaire et ce parti serait inclusif puisqu’il aurait le temps d’être représenté sur tout le territoire national. Donc si c’est le cas, un président de la république issu d’un parti de ce genre majoritaire à l’assemblée me parait  légitime. On peut aussi dire qu’on maintient le suffrage universel direct mais, on exige que les candidats soient portés par un parti représenté au parlement. Si nous restons dans la logique que le parlement a été stabilisé, donc vous comprenez qu’on aura trois, voire cinq candidats aux élections présidentielles. Du coup, cela a aussi des impacts sur les différents acteurs impliqués. Donc, je lie les deux, il s’agit de stabiliser le parlement et faire en sorte que le président élu soit issu d’un des partis au pouvoir, de préférence du parti majoritaire. Donc c’est le second volet de la règle que je propose.

Dans une partie, vous avez parlé des prérogatives du Président de la République. Expliquez-nous.

C’est bien le troisième volet qui a trait aux prérogatives du Chef de l’Etat. Tout le monde  a décrié la politisation de l’administration publique à cause des pouvoirs trop forts du président de la république. Ce que je propose ici, c’est  de faire en sorte que le président conserve ses prérogatives, mais qu’on lui fasse obligation de recourir à l’approbation d’autres personnes qui ne sont pas ses compétiteurs en politique, quand il s’agit des grandes décisions qui n’engagent pas la Nation. Ces autres personnes seront les hautes personnalités de la république  dans le Haut conseil de la République (HCR) et sera constitué de sept membres du troisième âge qui siègeraient à vie. Donc, ils n’auront pas à compétir, politiquement.  Comme ils ne sont pas des rivaux politiques au chef de l’Etat, ils ont l’intérêt de préserver l’intérêt supérieur de la Nation. Pour qu’une décision de ce conseil  soit validée, elle doit être prise à la majorité des sept (07) dont un membre du sud, un du nord et un du centre. Donc chacune des décisions de ce conseil me parait  légitime si elle inclut un membre de chaque région. L’autre règle à ce niveau est que le renouvellement des  membres du HCR doit être assuré par les maires  de la région d’où le conseiller est ressortissant. Mais chaque conseiller peut être aussi destitué par le collectif des maires des régions dont il n’est pas ressortissant sur demande populaire. Le haut conseiller est  mis en place par les maires de sa région mais peut être destitué par les maires des autres régions.  Ce que ça fait est que quand vous être conseiller, vous travaillez à protéger les intérêts des maires des autres régions parce que c’est eux seuls désormais qui ont le pouvoir de vous destituer.  Cela veut dire que le haut conseil en réalité préserve l’intérêt de la Nation.

Au regard de vos propositions, quelle lecture faites-vous aujourd’hui des propositions de la commission Djogbénou ?

Personnellement, je n’ai pas encore eu accès à un document officiel. Donc sur ce plan, ce serait hasardeux de commencer à faire des analyses.  Je préfère attendre une publication officielle pour offrir une analyse objective. Car , c’est bien çà, mon devoir. Cela sera sans parti pris. J’aurais à analyser le document pour voir ce qu’on peut attendre du nouveau modèle qui sera proposé. Le modèle sera justement  l’ensemble des règles que la commission aura à proposer. On saura par exemple, comment le Président de la République, les députés, seront  élus, leurs prérogatives. Au vu de çà, on  peut prédire le comportement des acteurs politiques dans le futur.

Comment pensez-vous  vulgariser ce document dans l’opinion publique ?

D’abord, c’est  un document qui est à 4.500 fcfa. Il a été  publié sur financement personnel. Ce que j’espère qui va se passer, est de  voir des gens comme vous, vous l’approprier, de même que d’autres personnes pour les critiques. Donc, j’espère aussi que d’autres personnes vont  s’engager à acheter ou subventionner le bouquin et le distribuer à des étudiants par exemple ou à des députés. Moi, j’ai fait mon devoir et je laisse le soin à chacun de voir comment il peut accompagner l’idée et amener à faire le débat. J’aime le débat car nul n’a la science infuse.

Est ce qu’il vous est déjà arrivé de rencontrer le chef de l’Etat pour lui présenter le document ?

Je suis dans le processus de parcourir certaines têtes pensantes du pays pour leur offrir des  copies du livre en leur expliquant   le contenu et le pourquoi.  ça n’a pas encore réussi à atteindre le chef de l’Etat, mais je le ferai. Comme je le dis, nous allons tous passer  et ce qui va rester pour  le Bénin, est ce que chacun aura apporté. Donc je fais ce devoir, et je ferai le pas vers mon Président. Nous avons  la chance que le Chef de l’Etat soit préoccupé par la question des réformes. Donc naturellement, c’est le premier à qui j’ai pensé quand j’ai commencé à faire le tour. Mais vous savez que ce n’est pas toujours facile.

Justement, le document a été préfacé par le professeur Albert Tévoédjrè. Pourquoi l’avoir choisi ?

Je dois ici rendre un grand hommage au  professeur Albert Tévoédjrè. Je ne le connaissais qu’à travers les médias. Et puis j’étais à la rencontre d’un  ancien ministre de la République, que je salue par votre canal, qui, après m’avoir écouté, s’est dit que je dois rencontrer le professeur. C’est comme cela qu’il a appelé le professeur qui a aussi accepté de me recevoir. Et donc, je suis allé voir le professeur. Avant la fin de mon exposé, il voyait déjà mes idées et le contenu du document. C’est après cela qu’il a accepté préfacer le livre, alors que lui-même, il est dans la logique de préfacer son dernier ouvrage, « Ici c’est le Bénin ». Donc ça m’a fait plaisir et je me dois ici de lui rendre cet hommage.

Un mot pour conclure cet entretien

Voici ce que je vais dire  pour conclure. Beaucoup de gens n’ont pas l’idée de l’importance des réformes politiques et institutionnelles. J’ai entendu et lu où des gens s’indignent de ce que le gouvernement se préoccupe des réformes politiques pendant que les populations meurent de faim, pendant qu’il y a le délestage, pendant que la population manque d’eau. Je comprends leur préoccupation. Mais la vérité est que ça fait une cinquantaine d’années que nous essayons  de mettre l’électricité à disposition de tous. Nous essayons de faire  en sorte que plus personne ne meurt de faim. Mais pourquoi est-ce que nous n’y sommes pas encore arrivés ? Ce que je veux  dire est que, à un moment donné, il faut savoir faire une pause. C’est là, la pause que le Chef de l’Etat a faite. Je suis d’accord que les fondements et les règles politiques sont indéniablement le facteur clé quand vous  examinez les causes de la mauvaise gouvernance dans un Etat. Or, vous  savez bien que la gouvernance est la base de tout ce que l’Etat nous produit comme biens. Parce que, si nous faisons en sorte que le plan politique se comporte mieux, tous les autres compartiments vont mieux se porter. Tout ce que nous voulons de l’Etat ne peut être accompli que par l’administration publique. Or, l’administration publique ne peut être compétente que si les agents font bien leur travail. J’invite les uns et les autres à la patience et à revoir un peu leur position par rapport à la nécessité ou non de faire des reformes une priorité.

Propos recueillis par Emmanuel GBETO

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