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Le triomphe de la vérité

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Edito: Il faut supprimer la Haute cour de justice


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logo journalloJe m’explique. Le Bénin a beau avoir constitutionnalisé l’égalité de tous devant la loi, il a mis de solides verrous institutionnels qui empêchent la matérialisation de ce dogme républicain. L’existence seule de la Haute Cour de Justice est la preuve que dans nos têtes,nous Béninois ne sommes pas égaux ni en droit ni en dignité. La simple poursuite des autorités politiques est soumise au vote à la majorité des deux tiers des députés composant l’Assemblée nationale. Et leur mise en accusation est subordonnée à un vote au trois quart de cette même assemblée. Pourquoi ? Parce que certains enfants de ce pays sont nés de Jupiter…

Le fait qu’au surplus la haute juridiction n’a jugé personne depuis son existence n’est qu’un détail. Le jour où elle s’y mettrait sincèrement et réellement, on trouverait nombre d’obstacles infranchissables pour l’en dissuader. C’est ce qui s’est passé chaque fois qu’elle a tenté. La Haute Cour a été faite pour ne jamais fonctionner. Il faut encore s’estimer heureux que le bas-peuple, si souvent spolié durant de si longues années, n’ait pas jugé nécessaire d’aller saccager les locaux de cette aberration institutionnelle, cette insulte constitutionnelle au citoyen ordinaire.

Parce qu’en réalité, ceux qui souhaitent sa pérennisation   ne disent pas autre chose que ceci : il faut une juridiction d’exception pour juger les pillards. Jusqu’ici, aucun de ceux qui défendent cette institution n’a pu me convaincre de la différence de droit qui existerait entre un voleur de cabri et un ministre félon ayant détourné des milliards. Chers amis, quelles différences y a-t-il entre le braqueur qui a volé votre poste téléviseur à la maison et le ministre qui a subtilisé deux milliards de FCFA destinés à l’eau potable ? Je n’en vois aucune. Tous deux ont commis des actes délictueux, d’inégale ampleur, il est vrai. Pour avoir commis un véritable crime économique, le second, mérite même d’être traité avec plus de sévérité que le premier. Mais l’existence de la Haute Cour  dresse un tapis rouge à ses forfaits et lui donne la possibilité, par les voies obscures de la politique, de se dérober. Les deux bandits  doivent être poursuivis de la même manière et punis pareillement, s’ils sont confondus par la justice. Contrairement à ce que l’on tente de faire avaler trop souvent à la population, les crimes économiques, les délits d’initiés, les conflits d’intérêts et autres abus de biens sociaux ne sont aucunement des infractions exceptionnelles. Elles sont connues de nos cours et tribunaux. Pourquoi dès lors le statut de celui qui les commet va-t-il empêcher de les instruire de la même manière ?

C’est pourquoi la suppression utile et nécessaire proposée par le chef de l’Etat dans son projet de société, est venue à point nommé. A cet égard, je n’admets qu’une exception à la règle de la poursuite de nos hauts responsables devant des juridictions ordinaires : c’est le parjure. En cas de parjure dûment constaté par la Cour Constitutionnelle, il faut une procédure spéciale pour démettre  et juger le président de la République en exercice, afin de ne pas fragiliser l’Etat. A ce niveau, il faut, tout au moins durant son mandat, une immunité qui le protège  dans la gestion des affaires de l’Etat. Mais cette immunité ne devrait en aucun cas concerner le parjure ou encore les crimes économiques dûment constatés par un tribunal ordinaire et validés par la Cour Constitutionnelle.

       Je ne peux donc partager l’avis de ceux qui pensent qu’il faut une juridiction d’exception, même ad’ hoc, pour juger nos gouvernants. Qu’elle soit de composition différenciée ou non par rapport à la Haute Cour actuelle, elle instaure une justice à deux vitesses qui frappe sévèrement les plus vulnérables et laisse passer les grands, même couverts du sang de leurs divers crimes. Cette position ne doit rien au yayisme ni à ses noirceurs connues ou inconnues. Elle s’inspire plutôt d’une vérité évidente : la corruption est fille de l’impunité.

Dans nos Etats en construction, tout régime d’impunité fait le lit au pillage dont nous connaissons tous les avatars. Les réformes en cours doivent intégrer cette réalité : si nous instaurons des juridictions d’exception pour les dirigeants nous ouvrons la voie à la politisation de la justice et donc à l’impunité.

Par Olivier ALLOCHEME

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