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A peine les réflexions sont entrées dans leur phase active que déjà des voix s’élèvent pour dire non au mandat présidentiel unique que s’attèle à instaurer le président Patrice Talon. Tout semble concourir à l’échec de ce grand chantier annoncé par l’homme de la Rupture.
Il en a fait le point d’ogre de son projet de société au fort de la campagne électorale. Non seulement, Patrice Talon s’est engagé à ne faire qu’un seul quinquennat, mais il s’est également engagé à faire instaurer au Bénin un mandat présidentiel unique de sept (07) ans. C’était une promesse de taille du richissime homme d’affaires, dont la candidature était venue bousculer quelque peu les donnes à la présidentielle 2016. Aujourd’hui chef d’Etat, il n’y déroge pas. Bien au contraire, Patrice Talon veut visiblement aller vite avec cette affaire de mandat unique, aux côtés des nombreuses autres propositions contenues dans son projet de réformes politiques et institutionnelles. La commission officiellement installée, il y a quelques semaines pour s’en charger, en est une preuve palpable.
Reste que cette proposition de mandat unique est une réforme qui a visiblement peu de chance d’aboutir au regard des nombreuses contestations et critiques diverses qui se multiplient au sein de la classe politique béninoise et même dans les rangs des juristes, constitutionnalistes et autres experts. « C’est un grand risque d’envisager pour l’instant un mandat unique », prévient le député Mathurin Nago et ancien président de l’Assemblée nationale. « Ce n’est pas le mandat unique qui va freiner la corruption ou l’impunité, l’autocratie ou la dictature. Aucune grande démocratie au monde n’existe avec un mandat unique », a aussi tonné Amos Elègbé, ex-conseiller spécial en charges des affaires politiques du chef d’Etat d’alors, Boni Yayi. Ainsi, pendant que les membres de ladite commission s’affairent davantage pour livrer bientôt les premiers résultats de leurs travaux, l’opinion publique joue à la vigilance. Les constitutionnalistes aussi se veulent prudents autour de la question. Le professeur Gilles Badet, en la matière, souhaite plutôt qu’on renforce les institutions de la République en les dotant des moyens conséquents et des ressources humaines appropriées. « On doit pouvoir juger un chef d’Etat à la fin de son mandat et le sanctionner d’une manière ou d’une autre à travers de nouvelles élections s’il est encore partant. Cela participe de la vitalité de la démocratie », a-t-il souligné sur une émission-débat sur l’Ortb dimanche, qui a été consacrée à la question du mandat unique.
Dans le fond, il y a deux axes fondamentaux pour faire aboutir les projets de réformes de Patrice Talon : le parlement ou le référendum. Pour le premier cas, il faudra que les 4/5ème des députés donnent leur accord. Si non, il devra être organisé un référendum pour soumettre le projet au vote du peuple. Dans un cas comme dans l’autre, la mission paraît bien difficile lorsqu’on connait les multiples tractations et manœuvres politiques qui entourent souvent ces genres d’actions. La classe politique béninoise ne semble pas adhérer à cette affaire à l’heure actuelle et travaillera sans doute à son non aboutissement, parce qu’en réalité, ça ne l’arrange pas. Pas du tout alors. Un chef d’Etat qui est élu pour un mandat unique ne se sentira point redevable à personne et ne craindra aucune menace des urnes à l’occasion de nouvelles élections. Dans un pays comme le Bénin, où les intérêts politiques sont savamment entretenus dans la durée, il y a de quoi imaginer donc que les chapelles politiques ne se laisseront pas subir les représailles électoralistes d’un système de mandat unique, où le chef d’Etat n’exercera aucune influence sur les autres élections qui meubleront sa période de gestion du pouvoir.
Wandji A.