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Le triomphe de la vérité

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Edito: Le privé au service du développement


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logo journalL’avènement de Patrice Talon est comme la consécration du rôle du secteur privé dans le processus de développement du Bénin. Il y a encore une vingtaine d’années, cette phrase passerait pour une hérésie, tant les théories bien pensantes mettaient l’accent sur le rôle de l’Etat dans les progrès économiques du pays.
C’est en effet vers la fin des années 1980 que le consensus de Washington a reconnu le rôle éminent des acteurs du secteur privé dans le développement des pays pauvres comme les nôtres. D’où la vague des privatisations des entreprises publiques, dans le but d’optimiser leurs performances et surtout de débarrasser l’Etat de toute préoccupation commerciale. L’Etat n’a pas le droit de faire du commerce, mais d’assurer la protection et la régulation des acteurs économiques. Presque partout, il est mauvais manager et ne réussit que lorsque le leadership est responsable et fort. C’est d’ailleurs pourquoi la reprise en main du secteur cotonnier par le gouvernement dans le sillage de la guéguerre Yayi-Talon, est apparue comme une véritable remise en cause de l’esprit de Washington. Ce fut une gageure. Il est vrai que les institutions de Bretton Woods ont remarquablement revu leur discours sur les points phares de Washington, depuis la fin des années 2000. En 2007, dans son Rapport mondial sur le développement, la Banque Mondiale a reconnu la nécessité de l’intervention de l’État et en 2008, le rapport de la mission croissance et développement, présidée par Michael Spence, a conclu que, pour faire reculer la pauvreté, un État fort est nécessaire.
Oui, dans le contexte actuel du Bénin, il faut un Etat fort. Mais qu’on ne s’y trompe pas : il ne s’agit pas d’un Etat fort qui consisterait à laisser le pouvoir de persécution aux mains d’un Chef d’Etat omnipotent. Il s’agit au contraire d’assurer des institutions fortes permettant à tout citoyen de se sentir protégé quand même il doit faire des affaires avec l’Etat. Ceci ne peut se mettre en place que dans le cadre d’une véritable loi sur le partenariat public-privé qui nécessite des réformes profondes de l’administration.
La cause est donc entendue : sans le secteur privé, le développement économique serait un leurre. Mais ceci n’est pas une raison pour mettre l’Etat à la solde des commerçants. Dire cela, c’est rappeler comment des pans entiers des activités fondamentalement publiques, disons-le étatiques, ont été libéralisées avec des déconvenues plus ou moins graves. Le cas le plus emblématique au Bénin reste le PVI. Dans ce dossier, l’Etat a confié au privé des activités de scanning et de certification des valeurs, activités qui devraient revenir logiquement à la douane. On sait ce qu’il en est advenu. D’autres activités de la plateforme portuaire sont partiellement ou entièrement libéralisées, dans l’espoir que l’expertise et l’investissement privés améliorent leur modernisation au profit du public. Mais ces libéralisations ont aussi des arrière-pensées capitalistes. L’Etat entend en tirer des ressources pour financer l’école, les infrastructures, bref pour renflouer ses caisses et faire face efficacement à son rôle régalien.
Ceci n’est pas une innovation béninoise. A l’heure où je vous parle, un pays comme la France s’est lancée dans un processus de privatisation de ses aéroports régionaux. Nice et Lyon par exemple sont concernés et devraient rapporter plusieurs milliards d’Euros à l’Etat français. Mais ici, il ne s’agit que d’une privatisation partielle. Le modèle économique mis en place permet à l’Etat d’avoir une minorité de blocage, de façon à ne pas abandonner des secteurs stratégiques aux seules mains des privés. Là aussi, le mal du système béninois, c’est que ces privatisations sont basées trop souvent sur le clientélisme politique et surtout sur des mécanismes opaques de corruption érigés au sein du régime Yayi. Et c’est ici que nous découvrons que la participation du privé à la croissance économique n’est vraiment efficace que lorsque l’Etat sait se rendre intraitable face aux pouvoirs d’argent et exigeant lorsqu’il s’agit de satisfaire la population. Du moins, pour être plus clair, la participation du privé au développement, tournera toujours à la catastrophe si l’Etat lui-même n’est pas assez fort pour imposer à tout le monde, y compris même au Président de la république, le respect des normes légales pertinentes instaurées au sein du pays.

Par Olivier ALLOCHEME

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