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Le triomphe de la vérité

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Edito: Une tragédie utile


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Les cris de détresse et les larmes des sinistrés de Dantokpa secouent encore le Bénin. Des braises   fumantes de la tragédie de ce funeste samedi, s’échappent des chiffres qui donnent le vertige. 155 boutiques emportées par la furie du feu, des dizaines de milliards parties dans les flammes. Des dettes qui s’alourdissent davantage, des fortunes qui se sont effondrées tout d’un coup. Des vies brisées.
Dantokpa, c’était l’apocalypse où un enfer de feu a décidé de ruiner les humains. Satan lui-même fût descendu sur terre qu’il ne ferait pas pire. Mais ces dramatiques flammes  mettent devant la conscience des Béninois quatre facteurs explicatifs majeurs.
Le premier facteur du mal survenu ce samedi, c’est  l’essence de contrebande. C’est par elle que le drame est arrivé, elle qu’un camion transportait par bidons entiers, bidons qui ont explosé sous le choc d’un accident comme il y en des dizaines par semaines à Cotonou. A la différence qu’ici, le véhicule transportait un liquide mortel qui a déclenché le feu. On savait que l’essence de contrebande était capable des pires atrocités, mais personne n’aurait pu imaginer qu’il incendierait le grand Dantokpa. La rapidité de la  propagation du feu due à l’énorme quantité d’essence transportée, aura joué un rôle de premier plan dans le drame.
Le deuxième facteur reste l’incurie policière. Rien ne se serait passé si policiers et contrebandiers n’étaient en train de se disputer autour de 2000 F. A cause de ce montant dérisoire, nous en sommes aujourd’hui à déplorer des   dégâts évalués en milliards. 2000 F. Si la stupidité des hommes en uniforme n’avait qu’un visage, elle prendrait la forme de ce marché en feu. Voilà où peut nous mener la tendance généralisée de nos forces de sécurité pour les pots-de-vin.  Les statuts particuliers accordés à ces forces paramilitaires pourraient y remédier, mais la culture des dessous-de-table y est si ancrée que l’on se demande si cette solution financière servirait à enrayer le phénomène. Car il s’agit bien d’une culture bien ancrée, depuis les officiers supérieurs jusqu’aux personnels subalternes. Elle est attisée par le mode de vie dispendieux de ces hommes en uniforme. C’est vers ce mode de vie que courent tous les jeunes qui se battent pour y être recrutés, conscients de servir le mal à perpétuer. C’est à cette déliquescence qu’aspirent les jeunes filles alléchées par l’uniforme. Autant dire que c’est toute la société qui est interpellée.
Le troisième facteur, ce sont les sapeurs pompiers eux-mêmes. Les premiers éléments dont nous disposons à l’heure actuelle disent qu’ils ont été très lents à intervenir, vers 5h du matin, au moment où le feu avait déjà embrasé une bonne partie du marché. Que faisaient-ils donc ? Qu’est-ce qui en définitive explique qu’à moins d’un kilomètre de la direction générale de ce corps paramilitaire, un tel drame ait pu avoir lieu ? Ce qui intrigue par-dessus tout, c’est la durée du sinistre : 12 heures de temps. De toute évidence, les équipements, les effectifs et leur formation font défaut.
Mais rien de ceci n’aurait eu autant de retentissement, sans la configuration dantesque du marché. C’est le quatrième facteur : l’impréparation du marché face à de tels drames. Probablement, les anciens drames subis par les usagers n’ont rien enseigné à personne. Par le passé, on se plaignait de l’exigüité des ruelles du marché qui rendait difficile la mobilité des sapeurs pompiers.   Aujourd’hui encore, la même antienne est revenue. A force de changer de responsables, la SOGEMA n’a plus la mémoire des réformes entamées et abandonnées pour cause de mutations administratives. L’instabilité créée par Boni Yayi à la tête des sociétés et offices d’Etat provoque la perte de la mémoire administrative et annihile l’expérience de la SOGEMA  dans ces drames trop répétitifs.   Et il est même possible qu’un autre drame surviendra l’année prochaine, avec des résultats similaires si un dispositif de réponse n’est pas établi et respecté par les responsables de la SOGEMA.
Dans tous les cas, le début de mobilisation qui se constate permettra d’entamer les réformes toujours reportées pour cause de résistance. Parce que bon nombre de commerçantes ont « miné » leurs emplacements, elles refusent catégoriquement de se faire reloger ailleurs, même pas pour la construction de nouvelles infrastructures. Les mesures gouvernementales annoncent un changement radical qui permettra de moderniser les lieux.
Finalement, le lot de consolation, c’est bien cette modernisation qui permettra de conjuguer au passé les bicoques exigües qui ont flambé  samedi. Il fallait le feu pour détruire toutes les résistances enregistrées naguère.

Par Olivier ALLOCHEME

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