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Le triomphe de la vérité

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Entretien avec l’ancien ministre Alexandre Hountondji:« L’intrusion de l’argent dans la politique est un danger qu’il faut combattre »


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Alexandre-HountondjiAlexandre-HountondjiAu détour de la présentation faite le vendredi 3 octobre 2015 sur l’exigence d’un débat politique par le professeur Léon Bani Bio Bigou, l’ex- conseiller technique du chef de l’Etat, Alexandre Hountondji a dénoncé l’influence de l’argent sur le système politique actuel. Ce qui serait, selon lui, une atteinte réelle au prestige de la nation. Dans une interview accordée à la presse, il estime qu’il faut instaurer un mécanisme capable de sanctionner, de punir ceux qui dépassent les plafonds fixés par la loi et convie les hommes politiques à une meilleure connaissance de la pratique sociale et de l’écoute du peuple. Président du parti « La Nouvelle Marche », Alexandre Hountondji s’est aussi affiché comme un potentiel candidat à l’élection présidentielle de 2016.

L’Evénement Précis : Vous avez suivi avec attention les explications du professeur Léon Bani Bio Bigou. Quelles sont vos remarques ?

Alexandre Hountondji : D’abord, c’est un savant, un universitaire qui nous fait part de son expérience de terrain. Les leçons, c’est simplement la question éternelle de la culture des valeurs en politique et tout ce dont nous souffrons aujourd’hui,en l’occurrence, la place qu’occupe l’argent. Vous savez, l’électorat est devenu aujourd’hui un bétail qui s’achète en gros et en détail, selon les prix que l’on donne. Cela vide complètement la chose électorale de tout son sens. Je pense que c’est un danger pour la démocratie. Je suis d’accord avec lui en ce sens que le politique doit vivre au sein des populations comme un poisson dans l’eau et amener à faire les bonnes pratiques, à cultiver les principes de manière à ce que le développement passe par un minimum de rigueur. Non pas, par la venue de l’argent, comme le pauvre qui fonce sur un billet de banque, comme un taureau sur un ruban rouge. On n’attrape pas la mouche avec le vinaigre. Ce qui caractérise la société aujourd’hui, c’est la pauvreté, le chômage massif et prolongé des jeunes.

 Est-ce que les hommes politiques ne se sont pas décrédibilisés ?
J’ai eu l’honneur de participer à la rédaction du projet de société du président de la République en 2006. On a proposé des choses. Tout le monde est d’accord pour le renouveau économique et la prospérité partagée. Mais, qui d’entre nous est d’accord pour la moralisation, pour qu’un minimum d’éthique puisse présider à la chose politique. C’est là toute la question. Tout le monde parle au grand jour et écrit des choses. Mais qu’est-ce qui se fait sur le terrain ? Quel est l’homme politique aujourd’hui qui veut se présenter à une élection et dont le principal problème n’est pas de courir pour trouver de l’argent ? Et ils courent derrière l‘argent jusqu’à perdre leur âme et tomber sous le coup des télécommandes. Vous voyez donc qu’on ne peut pas continuer comme ça. Ces jeunes qui détournent aujourd’hui, c’est pour en mettre plein de côté pour aller acheter le bétail électoral.

Que faut-il faire ?
C’est simple. Il faut mettre en place un mécanisme capable de sanctionner, de punir ceux qui dépassent les plafonds fixés par la loi. On a dit 2,5 milliards en politique, pour le président de la République, qui a respecté ça ? Qui a signalé qui ? Vous avez vu tout ce qu’il y a eu comme débordement des deux côtés lors des élections législatives, qui a fait quoi ?

Autrement dit, les hommes politiques ont tout fait pour violer la loi ?
En réalité, l’intrusion de l’argent dans la politique est un danger qu’il faut que nous combattions tous. Mais voilà, on veut toujours tricher parce qu’on n’est pas sûr de soi même. J’ai vu des gens dépenser des dizaines de millions et ne rien avoir parce que, justement, l’argent ne peut pas se transformer en parfum, parce qu’il dégage la puanteur nauséabonde. Je dis que ceux qui ont volé l’argent de ce pays et qui reviennent pour acheter les électeurs en gros et en détails échoueront à coup sûr parce que quand vous volez le pauvre, l’immanent vous amène à le rendre au pauvre. Il vous manquera un point et vous tomberez parce que vous n’êtes pas honnête. Je crois que ceux qui veulent réussir en politique apprennent d’abord la pratique sociale, à écouter les populations, à les considérer et à les respecter. Et c’est en écoutant les populations qu’on se fait une conscience véritable de son pays, qu’on peut dire, je connais mon peuple. Ils ont des milliards et ne connaissent pas les réels problèmes de ce pays.

Vous en connaissez qui ont des milliards ?
Chers amis, il est dit qu’ils en achètent en gros et en détail. Moi, j’ai fait 33 ans de service public et je suis en politique depuis toujours mais je n’ai jamais compté dix millions en une fois ensemble. Où est-ce que je vais trouver ça ? J’ai été ministre, député, directeur mais je n’ai jamais compté dix millions ensemble. Mais je vis avec mon peuple comme un poisson dans l’eau. Il y a une atteinte réelle au prestige de la nation lorsque des choses du genre se passent. C’est pourquoi nous  disons que c’est très difficile d’être vertueux lorsque nous sommes dans la situation des jeunes. Quand après des études on vous dit que notre employabilité ne nous permet pas de vous donner un poste et que jusqu’à 30 ou 35 ans, vous ne pouvez ni vous marier, ni fonder un foyer et que quelqu’un ajoute des billets de banque.

Pouvons-nous dire là que ce sont les éléments qui ont constitué actuellement votre brouille avec le pouvoir ?
Chacun a sa trajectoire sur l’échiquier politique national.

Mais vous êtes en rupture de ban avec le chef de l’Etat?
Non pas du tout. Ma posture est claire. Nous devons appeler chacun à cultiver un minimum de vertus. Vous ne pouvez pas avoir volé, être épinglé à l’international et vous mettre devant les projecteurs de la nation pour la narguer.

Vous faites allusion à qui ? Au PPEA et autres ?
Je n’irai pas plus loin, allez chercher. Mais, c’est honteux. Le prestige de la nation est érodé et nous devons nous arrêter. J’ai des idées et cela me pousse à entrer dans l’arène ne serait-ce que pour aller dire mon intime conviction.

Quand vous dites ‘’entrer dans l’arène’’, voulez-vous dire par là que vous serez candidat aux élections de 2016 ?
Ce n’est pas exclu parce que le militant est celui qui prend une posture et qui se bat pour des idées nobles.

A quand la décision ?
Moi j’ai appris à gagner et je sais ce qu’il faut faire à chaque moment.

Serez-vous candidat en dehors des FCBE ?
FCBE, c’est ma famille politique et je me glorifie de l’avoir créée. Je peux demander l’investiture des FCBE.

Depuis votre confirmation au poste de conseiller spécial du président de la République, on remarque qu’il est toujours vacant. Pourquoi ?
Il n’est pas vacant. Vous voulez que je sois toujours là, en tant que conseiller spécial politique du chef de l’Etat, mais ce n’est pas ça l’essentiel. C’est le moment de réfléchir, de faire le bilan. Ces dix dernières années, nous avons pris des engagements vis-à-vis du peuple béninois. Il est indiqué que nous puissions faire le point et dire ce qui a été bon.

Vous avez été nommé, donc vous occupez finalement le poste ?
Le président de la République n’a plus un challenge à lui. Il a déjà un conseiller politique. A chaque moment, on établit des urgences. Les grands problèmes que le professeur Bio Bigou vient de soulever, c’est d’une importance capitale. Quand allons-nous personnaliser les grands débats sur ces sujets pour améliorer notre pratique quotidienne ?

Apparemment, c’est le ni oui ni non ?
J’ai dit que je ne rejoins pas le palais.

Mais ces dernières 72 heures, on vous a vu au palais.
Le président Boni Yayi n’est pas un ami mais un frère.

Donc, une réconciliation est en vue ?
Je ne suis jamais avec le président de la République mais, il y a des principes sur lesquels un homme politique ne transige pas

Monsieur le ministre, hier, c’était le changement, puis la refondation. Sur quoi faire rêver les Béninois ?
La nouvelle marche.

Propos recueillis par Rastel DAN

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