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Le triomphe de la vérité

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Energie: Lionel Zinsou dévoile la nouvelle politique énergétique du Bénin


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Lionel ZINSOU PM (6)Le Premier ministre, Lionel Zinsou, a accordé à nos confrères du magazine Energies Africaines une interview. Dans cet entretien paru dans le numéro d’octobre-novembre 2015 du magazine, l’ex-président du groupe PAI Partner, leader français du capital-investissement dévoile la nouvelle politique énergétique tournée vers les énergies renouvelables qui sera implémentée au Bénin.

Energies Africaines: Vous avez récemment participé au lancement du Groupe des leaders ouest-africains pour l’énergie (AELG), dont l’un des objectifs est d’attirer les investissements dans le secteur des énergies renouvelables grâce à un environnement favorable aux affaires. Pensez-vous que le Bénin dispose d’un tel environnement ?

Lionel Zinsou : Oui. Nous sommes dans un pays où il y a de l’investissement. Derrière les 5% de croissance du Bénin et de l’Afrique en général, il y a beaucoup d’investissements et beaucoup plus qu’avant. Juste que cet investissement n’est pas connu de tous. On a beaucoup d’investissement dans l’agroalimentaire et les infrastructures, un début d’investissement dans le ferroviaire et un investissement gigantesque dans les télécommunications. Nous avons des opérateurs téléphoniques qui ont 9 millions d’abonnements, et derrière ces abonnements il y a des investissements énormes. Les entreprises qui investissent obtiennent des dérogations et des exonérations. Quand un investisseur se présente au Bénin, il bénéficie du Code des investissements qui permet de ne pas le décourager. En réalité, ceux qui investissent dans un secteur prioritaire comme l’énergie sont exonérés du droit de douane sur tout ce qu’ils importent. Sur l’énergie en particulier il y a eu beaucoup d’investissements, même si la demande court devant l’offre. Mais nous avons des promesses d’investissements, spécialement pour les énergies renouvelables.

Pensez-vous que les énergies renouvelables au Bénin soient assez rentables pour concurrencer les autres secteurs en matière d’investissement ?
Il y a une particularité dans le secteur énergétique, c’est que tout ça est rentable. C’est pour ça qu’il faudra aller beaucoup plus vite. Parce que quand on dit qu’il y a délestage, ça veut dire que les clients qui sont abonnés paient et que tout d’un coup on leur coupe l’électricité. Mais la demande, elle est solvable. Si on ne les coupait pas, ils auraient continué à consommer. Ça veut dire qu’on a une demande latente très importante, et c’est cette demande, puisqu’elle est solvable, qui amortira tous les investissements qu’on aura à faire. On a connu ce phénomène au début des télécommunications. On a assisté à un démarrage en flash parce qu’on n’avait que des téléphones fixes. Aujourd’hui les trois plus grands opérateurs de réseaux téléphoniques ont fait 400 milliards de francs CFA en 2015 alors qu’ils faisaient moins de 100 milliards il y a dix ans. Et la demande est encore là et elle progresse. On aura la même chose pour l’énergie. Quand les gens sauront qu’il est possible d’avoir l’électricité, ils la demanderont. Tout investissement sera rentable. Par conséquent, le privé peut injecter de l’argent dans le secteur avec une prévisibilité parfaite. Mais pour l’instant, on doit faire des efforts en amont afin de rendre tout ça cohérent.

A quel niveau de la politique énergétique devra-t-on faire un effort de cohérence pour attirer les investisseurs ?
L’effort de cohérence sera fait en amont parce qu’il n’y a de la rentabilité que si l’on fait des investissements pour améliorer la distribution et la gestion de l’électricité. Et c’est en cela que la politique énergétique qu’on avait était vraiment mal adaptée. Elle consistait à dire « Faisons une centrale ici », elle marche ou elle ne marche pas. Ou alors « Faisons une centrale au gaz », mais le gaz n’arrive pas, du coup elle est sous-employée et elle produit une électricité très chère. Dans la nouvelle politique, on s’assure que le gaz arrive ou que le fuel arrive. Si on fait de la biomasse, il faudra faire venir les tiges de maïs et de coton par centaine de milliers de tonnes, et donc s’assurer qu’on ait la logistique pour ça. Lorsqu’on aura tous les intrants pour produire de l’énergie, il faudra encore pouvoir la faire sortir. Donc on devra s’assurer qu’on a le réseau pour la distribuer et un réseau qui fonctionne. Il s’agit d’avoir une approche globale cohérente. Donc, depuis qu’on est arrivé en juin, on a fait un schéma de cohérence. Une cohérence véritable. Ce sont des choses qui manquaient. Nous sommes vraiment en train de tout changer dans notre politique énergétique, et je pense franchement qu’on est sur la bonne voie.

Comment ce programme de cohérence véritable se ressentira-t-il sur le Béninois ?
On va lancer une campagne importante. En six mois, on équipera toutes les familles avec des kits solaires. Ce qu’on va faire, et je pense qu’on sera le premier pays à le faire, ce sera de dire « Toutes les familles aussi loin et aussi pauvres qu’elles soient ont droit d’acheter ces kits quand elles le peuvent, ou, quand elles ne le peuvent pas, d’en recevoir dans un effort de solidarité nationale». Aujourd’hui, la technologie le permet et cette technologie est bien meilleur marché. Nous allons donc faire un effort national de lumière pour tous, parce que pour ça, on n’a pas besoin d’attendre. Et pour faire ça, la première chose qu’on fera sera de répondre au premier besoin des consommateurs qui est d’avoir la lumière et une ou deux prises. Ça donnera une partie de l’énergie. Pas beaucoup, mais une partie de l’énergie. Ce qui, en soi, est déjà vital parce qu’il y a environ 75% des Béninois qui n’ont pas d’électricité. Toutes les écoles ont également vocation à avoir la lumière. Aujourd’hui, vous avez 2000 écoles électrifiées et 6000 qui ont l’électricité, mais qui l’ont rarement. Seront aussi inclus les logements des enseignants qui sont dans des zones non électrifiées. Toutes les écoles, tous les centres de santé, tous les ménages auront accès à l’électricité. Ainsi, on résout un minimum peut-être, mais on résout des problèmes d’éducation, de santé, de vie collective. On fait en quelques mois hors réseau et avec des équipements relativement moins chers ce qui prendrait dix ans dans le réseau. Et ce n’est que la première phase.

Quelle est la seconde phase ?
Dans la deuxième phase, on met en place des mini-centrales, parce que les mini-centrales, ça génère plus d’électricité que deux panneaux solaires. A partir du moment où on a une centrale électrique locale qui peut desservir mille à deux mille habitants, chaque famille qui a besoin de brancher un réfrigérateur ou un ordinateur et chaque artisan qui a besoin de brancher des machines qui consomment plus que des lampes et des prises pourront avoir accès à l’électricité. Cette phase est beaucoup plus ambitieuse parce qu’elle permettra de soutenir le développement de l’activité économique dans le pays. C’est plus lourd. Dans le même temps, c’est assez facile à mettre en place. On installe une smart-grid et ça prend en moyenne six mois. Là on a un projet de 105 mini-centrales qui devraient pouvoir se déployer en à peu près un an. Et ces mini-centrales sont beaucoup moins chères que des pylônes qui iraient à la dernière maison dans la dernière forêt. On va dire « Au Bénin on a décidé de tout éclairer à 100% », et pas « On va faire une expérience pilote dans un village ou deux ». Et il n’y a pas de perte en ligne. Pour équiper tout le monde au minimum, il faut l’équivalent d’une centrale de 30 MW. Mais une centrale de 30 MW a des pertes en ligne. Or, ici, on peut avoir une première solution solaire, et une seconde qui permette aux populations d’avoir des machines. Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on ait la même puissance que celle qu’on aurait avec le réseau. Et ceci dans tout le pays sans grandes difficultés et avec aucune perte en ligne.

Un tel programme pourrait-il être mis en place dans une entière indépendance par rapport au réseau électrique national ?
Quand nous créerons des centrales de ce type, nous aurons un surplus de production qui devra être renvoyé dans le réseau national. Et là, on tombe sur un problème que je qualifie de « premier problème à résoudre » pour rendre l’environnement favorable au développement des énergies renouvelables. Ce problème se pose au niveau de l’opérateur du réseau énergétique. Notre opérateur national a des équipements de réseau à faire. Il n’y a pas que les investissements de puissance. Parce que quand on envoie du solaire dans le réseau, on crée une intermittence car on apporte un surplus d’énergie à certaines heures et pas à d’autres. On a le même problème avec l’éolien. On envoie de l’électricité dans le réseau quand il y a du vent. A ce moment-là, on doit avoir un outil informatique extrêmement sophistiqué qui soit capable de faire monter en puissance les autres sources d’énergie dans les moments où l’on n’apporte pas d’énergie. De jour, on a l’énergie solaire. De nuit, il faut la remplacer sur le réseau en faisant monter du coup la puissance d’une centrale thermique ou, par exemple, d’une centrale à biomasse. Plus il y a une part importante de solaire et d’éolien, plus il y a le besoin de faire du dispatching, ce qui nécessite un équipement informatique lourd. Mais pour faire le dispatching, le tout n’est pas d’avoir une salle de dispatching où l’on est capable de faire monter en puissance les centres de production pour répondre en permanence à la demande, parce que la demande aussi fluctue. Il faudra aussi des réseaux intégrés. Nous avons des centrales, à Gbégamey, à Akpakpa, à Parakou, à Natitingou, qui aujourd’hui ne sont pas interconnectées entres elles. Ce qui oblige à régler les problèmes de Natitingou à Natitingou, et ceux de Parakou à Parakou, parce qu’ils ne sont pas liés à une centrale du sud. Et on ne peut pas faire monter d’un coup la puissance d’une centrale au nord parce qu’on a une pointe de consommation au sud. Pour résoudre ce problème le plus vite possible, il y a un grand programme d’interconnexion dans tous les pays d’Afrique subsaharienne et ça représente des centaines de millions d’investissement dans le transport de l’électricité et dans l’interconnectivité. Puisque dans cinq ans on aura beaucoup plus de puissance installée, il faut absolument qu’on ait un réseau de transport fiable. Celui que l’on a actuellement est très ancien et il génère énormément de pertes car plus le réseau est ancien plus il génère des pertes en ligne. On a besoin d’un réseau renouvelé pour que le taux de perte soit le plus bas possible. Mais avec la puissance que nous avons actuellement, il faut diriger les investissements de manière à tirer tout le parti de la puissance installée. Vous voyez, on aurait deux fois plus d’énergie pratiquement avec la même puissance installée et beaucoup moins de délestages si on avait un réseau moderne et interconnecté. Deux fois plus à production égale ! A puissance installée égale, si vous avez les bons financements pour la maintenance des installations de production, si vous avez l’interconnexion du réseau et si vous avez un réseau de transport moderne, et donc une réduction des pertes en ligne et la possibilité de jouer sur le dispatching, sans ajouter un kilowattheure vous aurez une disponibilité énergétique qui est deux fois supérieure.

De telles améliorations ne pourront pas se faire sans la SBEE, qui a aussi ses difficultés. Que comptez-vous faire pour une participation optimale de cette société au programme que vous nous décrivez ?
Le problème de la SBEE est un problème de gestion globale de l’entreprise. Avec le Ministère de l’énergie, nous sommes en train de travailler sur ce problème de gestion. Aujourd’hui, par exemple, pour payer les factures d’électricité, les usagers font des files. Ce système mobilise beaucoup de personnes et cause pas mal de problèmes au pays. Si l’on mesure ces pertes en termes de journées de travail, cela fait environ 2 500 000 journées de perdues chaque année. Cela a un coût pour l’économie. Ce qui est coûteux, ce ne sont pas les frais de la SBEE, c’est le temps qui est passé pour les payer. Alors nous allons faire quelque chose qui est maintenant fait de façon bien rodée au Kenya, nous allons rendre possible le paiement par mobile. A partir de ce moment-là, l’usager paiera sa note d’électricité par SMS. On gagnera en rapidité, on allégera la gestion des paiements, et on récupérera surtout des millions de journées de travail. De plus, on évitera les coupures intempestives parce que l’usager recevra un message disant« D’ici trois jours, il faudra payer votre facture ». Il y aura aussi pour ceux qui n’auront pas accès au paiement par mobile un système de kiosques rapprochés où ils pourront payer leurs factures. Et on essayera de déclencher les premières expériences avant la fin de l’année. C’est tout un travail informatique lourd, mais les opérateurs téléphoniques sont prêts, la SBEE est presque prête. Cela n’est que l’un des aspects de la libéralisation de la gestion de la SBEE.

Combien de temps prendra la mise en place de ce programme assez impressionnant ?
Une idée que j’ai proposée au Président de la République et au Conseil des ministres, c’est de dire il ne sert à rien de répondre à la question« combien de temps ? » en disant « cinq ans». Parce qu’il faudra construire une centrale, améliorer le réseau, tout ce qu’on est en train de faire maintenant pour être efficaces dans cinq ans. Personne ne va vouloir attendre cinq ans parce que cela paraîtra insoutenable. Et c’est normal. On ne peut pas dire à un peuple « Il n’y aura plus de délestages dans cinq ans » parce qu’on lui a déjà dit ça il y a vingt ans et qu’il n’y croit plus. Nous allons plutôt leur dire, « Il y a des choses qui vont plus vite que de grands investissements sur le réseau. C’est ce qui est hors réseau, qui est décentralisé. Et donc la première chose qu’on va faire, c’est de répondre au premier besoin des consommateurs qui est d’avoir la lumière et une ou deux prises ». Quand on a fait ça et qu’on dit « Bon ! L’an prochain vous verrez que les mini-centrales desserviront en priorité les zones où il n’y a pas le réseau électrique », la crédibilité sera quand même plus grande parce qu’ils auront reçu la première couche d’énergie. Si nous sommes capables de le faire, ça intéressera énormément les investisseurs de nous voir enchaîner. Et pour revenir à votre première question, nous attirerons beaucoup d’investisseurs dans le cadre de l’AELG. Nous serons même à l’avant-garde sur ce programme.

Quel sera à terme l’impact de ce programme sur le secteur énergétique béninois en général?
Quand on aura toutes ces conditions, on aura un prix moyen de production qui sera assez bas. Actuellement, on a une marge très faible parce qu’on a une production très chère. Notamment, le coût le plus prohibitif dans la production est peut-être celui du transport. Vu la vétusté du réseau, le manque-à-gagner est vraiment important. En effectuant les bons investissements, on aura un coût de production plus bas. La question sera alors « Est-ce que je baisse le prix de cession de l’énergie ou est-ce que j’accélère mon programme d’investissement, ou est-ce que je fais un compromis entre les deux ? » Ce faisant, on augmente le pouvoir d’achat des ménages. Et à ce moment, on commence à avoir le choix.

Interview réalisée par le magazine Energies Africaines

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