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Le triomphe de la vérité

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Edito: Liberté monétaire


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La principale spécificité des peuples africains au sud du Sahara, c’est l’agenouillement devant l’empire colonial français. Il n’est donc pas étonnant que plus de 55 ans après les indépendances, l’Afrique noire traine encore une spécificité monétaire unique au monde : l’arrimage du franc CFA à l’Euro via le franc français.

         Si le débat est resté depuis longtemps dans les sous-bois des campus universitaires où quelques quarterons d’universitaires glosent sur les malheurs de l’Afrique, il en est sorti depuis quelque temps pour toucher les politiques. Et ce n’est pas pour rien que Kako Nubukpo, économiste de renom, ancien ministre togolais du plan et par ailleurs ancien cadre de la BCEAO, Kako Nubukpo donc est allé jusqu’à dire que le franc CFA constitue un frein redoutable au développement du continent. Début juin 2015, il a donné une interview au quotidien français Le Monde, interview dans laquelle il souhaite tout simplement que le débat soit mené au niveau des acteurs politiques pour savoir s’il n’est pas plus avantageux pour le continent d’avoir un système de change plus souple, au lieu de maintenir aujourd’hui une parité rigide nuisible aux exportations. Mais il ajoute surtout le débat sur les réserves de changes des pays africains. Ces réserves ont été estimées depuis une décennie à environ 3600 milliards de fcfa, obligeant le célèbre économiste à parler de « servitude volontaire » des Africains qui se sont vassalisés à l’ancienne métropole. Et d’ajouter : «Personne n’interdit à nos pays d’utiliser le volet excédentaire des réserves de change pour financer la croissance. » Son cri n’a pas encore été entendu. Mais il a ouvert une brèche mettant une lueur crue sur les atermoiements des dirigeants africains, notamment, leur peur bleue à évoquer une question vitale au développement du continent.

         Mais ce mardi 11 août 2015, le président tchadien Idriss Déby a proprement jeté un gros pavé dans la mare. Il a posé une série de questions qu’aucun dirigeant d’Afrique francophone ne s’est jamais posée, avant lui : « On se pose la question de savoir si c’est notre monnaie. Pourquoi cette monnaie n’est pas convertible ? Pourquoi tous les échanges passent par la Banque centrale de la France ? Qu’est-ce que nous gagnons en mettant nos ressources dans des comptes d’opérations ? Quel est le taux d’intérêt que nous gagnons ? » L’estocade, c’est lorsqu’il dit tout bonnement ceci : « Nous avons la possibilité de frapper notre monnaie comme nous voulons. » Si seulement le tiers des dirigeants africains pouvait penser comme ce président, il y a longtemps que la question du franc CFA serait abordée publiquement et courageusement. Car le fond du débat, c’est moins la monnaie elle-même que la souveraineté voire la liberté qu’elle confère aux Etats qui en sont propriétaires.

Ce jeudi 13 août 2015, la Chine a procédé à la troisième dévaluation de sa monnaie, le Yuan, en trois jours. Tous les spécialistes voyaient venir cette mesure rendue nécessaire par la stagnation des exportations qui menaçaient dangereusement les prévisions de croissance du pays. Ceci n’a été possible qu’à cause du fait que Pékin dispose de sa monnaie et qu’elle peut la faire fluctuer au gré de ses intérêts. C’est une liberté de manœuvre qui n’existe guère avec la parité fixe que garde le franc FCFA avec l’Euro. Et si les autres pays développés sont exaspérés par cette attitude chinoise, c’est bien parce que la mesure donnera un coup de jeune aux exportations chinoises, tout en livrant une concurrence rude à leurs produits sur le marché mondial.

         Ceux qui me suivent savent déjà ce que je veux dire. Le tout ne suffit pas d’avoir une monnaie, il faut encore une productivité et une compétitivité pour la faire vivre. Il faut surtout une bonne gouvernance pour en faire un instrument de progrès. Le Zimbabwé l’expérimente aujourd’hui, avec une monnaie en totale décrépitude et une économie exsangue. Ne parlons même pas du Ghana. Son économie compétitive est un lointain souvenir. Du fait des années de vache grasse, le pays s’est vautré dans la jouissance avec des augmentations de primes et de salaire à la fonction publique. Le résultat aujourd’hui, c’est que malgré le Cedi, la monnaie ghanéenne, le pays est sous ajustement structurel.

         En clair, la planche à billets est un danger pour l’économie si on ne sait pas gérer et si le pays ne produit pas pour exporter.  C’est une vérité amère qui n’enlève rien à la nécessité pour l’Afrique d’avoir sa propre monnaie.

Olivier ALLOCHEME

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1 thoughts on “Edito: Liberté monétaire

  1. Tsague Nanda Yves Roger

    L’Afrique noire est véritablement mal partie raison de la division internationale du travail,doublé par la forte détérioration des termes d’échange.Ces pays présentent tous une balance commerciale largemment déficitaire.peut être même que l’avenir restera dans le franc CFA

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