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Le triomphe de la vérité

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Edito : Au pays des deuxièmes mains


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Voiture deuxième main, frigidaire deuxième main, moto deuxième main, poste télé deuxième main…On ne saura jamais quand s’arrêtera l’économie des biens d’occasion dans notre pays. Moins chers, ils sont pourtant un danger certain pour l’avenir.

Prenons le problème par le bout le plus intéressant. Lorsque monsieur X a besoin d’une voiture au Bénin, dans 90% des cas, il va sur un parc de vente de véhicules d’occasion. Ainsi donc, environ 90% des Béninois préfèrent ces voitures « venues de France » utilisées pendant cinq, dix ou vingt ans dans les pays occidentaux et qui nous sont revendues d’occasion. Elles sont forcément moins chères que les véhicules neufs et le grand public ne se pose point de question sur la suite. Car il y a forcément une suite pour une économie qui s’ouvre aussi largement aux déchets des autres.

Cette suite est d’abord économique, avant d’être écologique ou environnementale. Parce qu’en important les voitures de deuxième main, on enterre définitivement le rêve d’une éventuelle industrie automobile béninoise. Du moins à court et à moyen terme, il n’arriverait à la tête d’aucun investisseur, l’idée d’ériger une industrie locale destinée à produire des voitures made in Bénin. Il mettrait en place des produits trop chers pour un public habitué aux bas coûts et se retrouverait à pleurer pour son argent parti en fumée. Le marché domestique inondé par le commerce florissant de l’occasion, empêche ainsi tout investissement national ou extérieur, au profit d’une industrie automobile locale. Demandez-moi si la possibilité existe que demain   une   industrie de moto ou de frigo se mette en place au Bénin, et je vous conseillerai de ne même pas y compter. Le goût prononcé des Béninois pour l’occasion se conjugue avec un marché intérieur pauvre au pouvoir d’achat faible.

Ce n’est pas pour rien que la seule unité mise en place pour produire des frigidaires dans les années 80 a finalement mis la clé sous le paillasson. Iber, la société de Séfou Fagbohoun a fini par fermer, dans les années 90. Et ce n’est pas par hasard non plus que pendant une décennie, le Nigeria a instauré des frais de douane exorbitants  sur les importations de voitures d’occasion. Le pays entendait protéger son industrie automobile qui faisait ses premiers pas dans les années 70. Elle avait enregistré de réelles avancées dans les années 80. Les succès des voitures d’occasion, massivement réexportées depuis Cotonou, du fait des accords de libre échange de la CEDEAO, ont fait sombrer ce protectionnisme. L’essor de l’industrie automobile nigériane n’a alors été que de courte durée.

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l est vrai qu’au Bénin aussi,  les impôts sur ce genre de marchandises, sont prohibitifs. Mais ils ne sont pas assez élevés pour dissuader les importateurs dont la plupart sont en relation avec le Nigeria et les pays de l’hinterland.

Imaginons alors qu’au lieu d’être contraint d’importer, nous ayons la capacité de produire chez nous. Ce qui arriverait, c’est une multiplication des emplois et la mise en place concomitante d’une industrie complémentaire indispensable. Car, aucune industrie véritable ne se construit en vase clos. Elle génère d’autres industries qui l’alimentent tout en se construisant leurs propres zones de compétence, voire de compétition. Ces maillons qui s’installent et se consolident d’année en année, sont des sources d’enrichissement pour le pays et ses citoyens.    Facebook ne serait pas aujourd’hui le réseau social performant utilisé par des milliards de personnes dans le monde, s’il n’y avait pas eu un environnement technologique propice à son éclosion, environnement créé par la Silicon Valley aux Etats-Unis.

L’écosystème industriel, ce n’est pas une usine de montage de tracteurs isolée produisant dans les quatre murs, grâce à une technologie entièrement importée. C’est une industrialisation qui se nourrit de l’apport fécondant d’autres entités industrielles installée sur un savoir-faire local.  Que faire pour créer cet écosystème ?

Là est en réalité toute la question. Et la réponse dépend de chacun de nous. Voulons-nous réellement qu’une industrie réellement béninoise se mette  en place ici chez nous ? Quand le peuple béninois aura répondu massivement et profondément oui, il obligera ses dirigeants à imaginer des solutions pour nous sortir des produits d’occasion. Et c’est une autre histoire qui requiert patriotisme et intelligence. Voilà de quoi nous avons besoin.

 

Par Olivier ALLOCHEME

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