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Le triomphe de la vérité

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Edito: Au marché des procurations


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Si Désiré Vodonou voulait empêcher l’opposition d’avoir la présidence de l’Assemblée nationale, il ne s’y prendrait pas autrement. Hier, il a eu le temps de déverser sa bile sur son ancienne formation politique, l’Union fait la Nation (UN). Bien sûr, personne n’a rendu visite à sa famille pendant qu’il était en prison, bien sûr l’UN est une entité très mal organisée et, bien entendu, Lazare Sèhouéto est un ingrat. Toutes les déclarations de l’ancien pensionnaire de la prison civile de Cotonou tendent à dire une seule et même chose : l’opposition n’aura pas le perchoir du parlement et en 2016, Boni Yayi dictera aussi sa loi.
Non, Désiré Vodonou était sur Canal 3 pour régler quelques vieux comptes à ses anciens amis. Il y était aussi pour se laver des accusations de ceux qui pensent que le jeu solitaire auquel il s’est livré en créant son propre parti et en le positionnant pour les législatives, a amené la commune de Zogbodomè à ne plus avoir un seul député aujourd’hui, alors qu’elle en avait deux dans la sixième législature. Au-delà des clivages soigneusement entretenus par les acteurs, le résultat concret est là : point de Kindjanhoundé ni de Sèhouéto, et encore moins, de satellites de Vodonou à l’Assemblée. Za-Kpota et les autres communes de la 24ème circonscription électorale se frottent les mains. L’émiettement des voix a donné leurs chances aux autres communes. Ce qui est remarquable, c’est que les déclarations de Vodonou qui clouent au pilori toute l’opposition, à commencer par l’UN, rendent un inestimable service à Boni Yayi. Elles le mettent au cœur du jeu politique à l’Assemblée nationale. Il n’y a rien d’autre à faire que de le constater, le chef de l’Etat aura le dernier mot ce mardi.
Il n’est jamais arrivé à l’esprit de l’ancien parlementaire que le jeu des procurations, et donc des achats/ventes de députés, reste déterminant dans le schéma qu’il dessine. Achat/vente ? Oui, bien sûr. Nul n’est assez fou pour penser que les députés de l’Alliance Eclaireur, par exemple, qui ont fait une violente campagne anti-FCBE pour se faire élire, pourraient facilement tourner casaque moins d’un mois après les joutes électorales. Ils ont dû recevoir quelque chose. C’est vrai que les populations béninoises étonnent aussi lorsqu’elles conspuent en masse la corruption et exigent tout aussi massivement qu’on leur donne de l’argent pour participer à une marche ou à un meeting politique. C’est encore pire lorsqu’elles demandent à un député de construire un centre de santé, un module de salles de classe ou même de payer des cahiers à leurs enfants. Ces populations ne sont pas à plaindre, lorsqu’elles constatent que leurs suffrages ont été vendangés plus tard au plus offrant. Ce n’est que pure logique. C’est au nom de cette logique que ceux qui veulent contrôler le bureau de l’Assemblée nationale sortent leur carnet de chèque. Après 25 années de démocratie pluraliste, voilà le niveau d’abêtissement dans lequel nous végétons.
Dans ces conditions, que le bureau du parlement soit contrôlé demain par la mouvance, n’étonnerait que les plus aveugles. La machine Yayi ne connait aucun état d’âme ni aucune éthique politique. Elle achètera tous les députés vendables et l’opposition n’aura que ses yeux pour pleurer. Moralement, il s’agirait d’un hold up parfait par lequel le chef de l’Etat obtiendrait à l’hémicycle ce qu’il n’a pu obtenir dans les urnes. Dans la pure tradition des procurations ayant fleuri depuis 2007, cette majorité conquise à coup de billets de banque et de promesses diverses, ne serait pas moins constitutionnelle que les autres. Depuis que les procurations sont devenues des marchandises exposées sur le marché politique, il n’y a rien de plus facile que de s’acheter une majorité, lorsqu’on en a les moyens.
La question est bien de savoir si, dans ce contexte, il y aura suffisamment de députés pour résister aux doux froufrous des billets craquants. Car, à ce niveau, seul le fil ténu de la conscience individuelle, peut enrayer la mécanique obsessionnelle du profit. Bonne nouvelle pourtant, l’opposition a pu conserver sa majorité, envers et contre les procurations. Mardi, ce sera bien la deuxième grande défaite de Yayi, après celle du 26 avril. Boni Yayi apprendra ainsi que, même dans la politique béninoise, l’argent n’achète pas tout.

Par Olivier ALLOCHEME

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