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Le triomphe de la vérité

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Edito: Autopsie d’une déliquescence


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Il y a une semaine, c’était le chaos. Aujourd’hui encore, les stigmates du vent de folie qui s’est abattu sur Cotonou, sont encore visibles dans les feux tricolores brisés, les carrefours noircis de fumée, des barricades à peine enlevées…Nous avons frôlé le pire. Deux jours après, les mêmes scènes ont failli reprendre, ce mercredi 06 mai. Les tirs de sommation ont retenti de-ci de-là. Devant mon propre bureau, les lourdes détonations des gaz lacrymogènes   ont fait fuir tout le monde, avant que l’odeur suffocante de cette arme anti-émeute ne nous achève. On en avait eu pour nos comptes.
C’est ce mercredi-là qu’on pouvait voir réellement, au plan institutionnel, comme est en train de finir une certaine époque. Celui que la meute de policiers et d’éléments de la garde républicaine, était allée chercher le 04 mai, était bien là devant le ministère de l’intérieur. Candide Azanaï avait bien marché ce jour-là et avait bien pris la parole à la place Cardinal Bernardin Gantin, au nez et à la barbe des forces de sécurité, sans que personne ne puisse se saisir de lui. La foule déchainée eût sans doute bondi sur quiconque aurait tenté cette folie. Une révolution sanglante aurait pris place. Le pouvoir Yayi venait de subir une humiliation qu’il aurait dû subir depuis 2006 lorsque la même garde républicaine, agissant en dehors de toute légalité, était allée chercher Séfou Fagbohoun, sans mandat et sans rien. Mais Azanaï n’est pas Fagbohoun et le pouvoir l’a appris à ses dépens. Déliquescence.
Déliquescence toujours lorsqu’on a pu entendre ce 07 mai les déclarations de la haute hiérarchie militaire. « Face à cette situation, les Forces de défense et de sécurité chargées du maintien de l’ordre, de la défense de la patrie et des biens saisissent l’occasion pour appeler les acteurs politiques de tous bords au respect de notre loi fondamentale, des textes et règlements qui fondent le fonctionnement régulier des institutions de la République. » Les militaires se mettent ainsi au-dessus des « acteurs politiques de tous bords » y compris du Chef de l’Etat lui-même, pour leur faire la morale. L’armée en est arrivée à ce niveau où, comme dans les années 1960, elle pouvait se considérer encore comme « l’institution la plus forte du pays », comme on disait à l’époque. C’était à elle d’être garante de l’application des lois  et elle ne s’en privait pas pour se saisir du pouvoir quand elle le voulait. On assiste donc à un retour au statu quo ante, exactement comme si nous n’avions jamais connu de conférence nationale ni même 25 années de démocratie. On en était là quand tomba le scandale des trois milliards de FCFA volés au PPEA-II. Le camouflet de l’ambassadeur des Pays-Bas à notre ministre des finances qui a raté une occasion de se taire, en a ajouté au drame : que sont devenues toutes ces années de vacarme anti-corruption ? Qu’est devenue l’administration publique de notre pays ? Et plus simplement, à quelle profondeur d’incurie ont été plongées les plus hautes autorités de ce pays ? Voilà les questions que tout citoyen se pose encore face à l’image d’un Etat par terre.
Bien sûr, à tout cela s’est ajouté l’ordinaire rendu encore plus insupportable depuis lundi : la pénurie d’essence et son lot de souffrances, le délestage sans fin, les coupures d’eau, la succession des courtisans qui viennent « soutenir » à la télé le Chef de l’Etat…Dans cet ordinaire de la souffrance, la saga des courtisans de tout poil montre dans toute sa splendeur nue, l’Etat moral de ce Bénin. L’affliction de les voir lire à grand peine des discours insultants pour leur propre intelligence, n’en ajoute qu’à la rage de les voir s’exhiber si ostensiblement à la télé. Et c’est ainsi qu’on veut récupérer à coups de basses manœuvres des événements d’une extrême gravité qui n’en finissent pas de nous parler.
La semaine où nous entrons pourrait conclure le cycle. Un grand mercato d’achat et de vente de députés est lancé du côté de la mouvance présidentielle.  Entamé la semaine dernière, il a buté sur le député ABT Ahmed Tidjani Affo qui a décliné l’offre en se référant à son groupe politique. D’autres mordront à l’appât, mais il est clair que la mouvance aura du mal à se constituer une majorité parlementaire. Et si le perchoir échappe à Boni Yayi, il faut se demander de quelle manœuvre anticonstitutionnelle il usera pour montrer qu’il est bien là et qu’il n’est pas encore fini. Demain est un autre jour.

Par Olivier ALLOCHEME

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