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Le triomphe de la vérité

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Edito: L’industrie numérique


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Voyez bien ce que Canal + est en train de faire au Bénin. Non content de contrôler une part importante du marché de la télé payante dans notre pays, l’opérateur français se paie le luxe de venir carrément s’installer chez nous. Au nez et à la barbe de nos industriels du secteur de la télévision, le grand opérateur français se taille sa part et rencontre devant lui…tout un boulevard.
Ce n’est pas très juste de parler en ces termes. Depuis environ un mois, Issa Saley a lancé un bouquet africain dont les promesses sont encore grosses d’espérances : ce sera See Africa. Mais l’homme d’affaires a dû attendre plus d’un an avant de concrétiser son ambition, temps suffisant pour que Canal+ peaufine et concrétise sa stratégie d’implantation sur le sol béninois. Et ça a marché. Désormais, il n’y a plus une seule ville où le bouquet ne se diffuse à profusion. Les offres promotionnelles se multiplient et les Béninois se prennent dans le filet de l’opérateur en lui donnant leurs milliards. Mieux, conformément à une logique marketing implacable, Canal +  a généré d’autres chaînes qui diffusent des programmes spécifiquement africains. On voit déjà de très beaux films produits par des artistes ivoiriens et burkinabè et quelques rares béninois. Ce sont pour la plupart des productions financées par la chaîne elle-même pour ses besoins propres, puisque Canal+ est convaincue que les productions des comédiens africains sont les plus prisées actuellement dans la sphère francophone. Le succès est là, et tout le monde a pu voir comment l’opérateur français a atterri cette semaine avec de nouvelles offres irrésistibles.
Très peu de Béninois, surtout ceux des classes moyennes, peuvent résister à ces offres qui permettent à Canal+ de s’étendre. Pendant ce temps, les chaines de télé béninoises ne voient pas venir le danger. Elles ne voient que séminaires et colloques, musiques de mauvais goût et à foison dans des programmes vides. Sur tout une journée, en dehors des séquences d’informations, les chaines de télé n’ont plus la possibilité de nous offrir autre chose que l’ennui. Sur Canal 3, les télénovelas latino-américaines générées par des agences de communication, ont pignon sur rue aux heures de pointe, tandis que la politique  occupe le reste. Sur l’ORTB, c’est aujourd’hui une gageure de parler de programme. Il est offert par le palais qui propose le monologue incessant du prince régnant. Il offre au peuple le cinéma de ses va-et-vient à travers champs, à travers monts et vallées. Sans Yayi, point de programme sur la chaine publique béninoise.
Le résultat est désastreux pour l’image de la chaine publique et plus largement pour la télévision béninoise. Beaucoup de Béninois n’ont acquis les bouquets étrangers que par fureur. Ils ne suivent plus aucune chaine de télé nationale. C’est un extrémisme qui exprime la déprime de nos concitoyens sur la pauvreté des programmes télévisuels. Car en face de Canal+, quelles sont les pratiques ?
Non seulement, l’ORTB ne diffuse pas vraiment les films béninois, sauf ceux proposés par le Fonds d’aide à la promotion audiovisuelle (FAPA), mais encore beaucoup d’artistes se plaignent d’avoir à payer pour la diffusion des séries qu’ils proposent. Le paradoxe avec Canal+ est saisissant : dans un cas on donne les moyens aux réalisateurs pour faire de bons films qui servent à faire vivre la télé et dans un autre, on exige de l’argent pour diffuser des films béninois. Les principes  marketings qui sous-tendent les deux pratiques sont diamétralement opposés. Ceux qui sont allés récemment au FESPACO ont pu voir comment Canal+ a financé des prix spéciaux au profit de ses productions, productions qui participent à la promotion des artistes et du bouquet lui-même. Derrière tout ceci, il y a une véritable industrie qui pèse des milliards et créée des milliers d’emplois. L’expansion du Nollywood (le cinéma nigérian) en est parfaitement illustrative. Le secteur participe de façon substantielle à la prospérité du pays.
Et voilà précisément pourquoi Canal+ a encore des parts de marché à conquérir au Bénin et que sa marge de progression va continuer à grimper.
C’est que l’expansion du numérique est une chance  pour nos Etats. L’avènement de la télévision numérique et sa généralisation en juin  prochain, constituent des occasions historiques. Il faudra gagner la bataille du contenu en offrant des programmes attractifs au public béninois.  Et ce n’est pas une mince affaire.

Par Olivier ALLOCHEME

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