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Le triomphe de la vérité

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Edito: L’agonie du français


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L’enseignement de la langue française commence à relever la tête. Après des années d’errements dramatiques, cette discipline centrale a commencé à renouer avec la raison.
Car, à dire vrai, la raison avait déserté les pratiques pédagogiques imposées par les autorités pédagogiques nationales, sous le fallacieux couvert de l’approche par compétence (APC) encore appelée Nouveau Programme. Au nom de ce programme prétendument nouveau, les pratiques pédagogiques ont été profondément modifiées et les contenus notionnels allégés. Aux premières années de l’introduction de cette approche, l’enseignement de la grammaire, de l’orthographe ou même de la conjugaison avait été banni des programmes du secondaire, au profit de contenus valorisant l’expression orale. L’ordinateur ayant fait son apparition, disait-on, il est inutile de passer son temps sur ces notions que l’apprenant découvrira forcément par lui-même. L’ordinateur était censé corriger automatiquement les fautes des apprenants. On relégua même au second rang la lecture des œuvres intégrales. Malheureusement, les enfants des zones rurales ou même la plupart de ceux qui vivent en ville, n’ont pas accès à l’outil informatique. Et même s’ils y avaient accès, très peu, encore aujourd’hui, en maîtrisent l’utilisation. Et de toutes les façons, il est vain de supposer qu’une connaissance réelle puisse être inculquée à des enfants par des machines : la machine n’est qu’un adjuvant de l’esprit. C’est pourtant ce qui eut lieu au Bénin, notamment, dans l’enseignement secondaire.
Il a fallu la farouche résistance des parents et la hargne de quelques enseignants eux-mêmes, pour que ces notions de langue reviennent dans les habitudes pédagogiques. Elles n’ont véritablement été systématisées et généralisées que cette année. Après plus d’une décennie d’errements. En janvier dernier, le ministre de l’enseignement secondaire a pu annoncer la réintroduction de la dictée dans l’enseignement, pour aider à résoudre les déficits de langue des apprenants. Mesure prise en pleine année scolaire, elle a le mérite d’avoir été prise, comme elle a le désavantage d’être tardive. Tout observateur sérieux posera du reste la question : la dictée sera-t-elle évaluée comme toutes les autres matières d’enseignement ? Si oui, comment transformer les bulletins de notes en pleine année pour les adapter à ces changements ? Sera-t-elle présente au BEPC 2015? Comment ?
Ce sont ces questions fondamentales qui méritaient de trouver des réponses avant toute décision cavalière de l’autorité centrale. Et c’est en traitant les questions éducatives de cette manière que l’hécatombe a eu lieu. Car, tout le monde voit aujourd’hui l’inquiétante baisse du niveau des apprenants en Français. Mais, chacun ferme les yeux sur la question des responsabilités et des impacts futurs. Plusieurs générations ont été sacrifiées avant qu’aujourd’hui les pratiques ne soient rationalisées. Mais pendant ce temps, les niveaux, notamment, dans les classes du premier cycle de l’enseignement secondaire, sont très faibles. Le matériel didactique devant permettre aux apprenants de s’améliorer, se fait rare. Nous avons inventé un enseignement sans livre dans lequel les bibliothèques ont fini par être reléguées au rang de musées. Ce n’est pas la faute aux apprenants mais celle de leurs aînés qui n’ont pas suffisamment compris que toute éducation de qualité s’appuie d’abord sur des livres de qualité.
La célébration vendredi de la journée internationale de la francophonie a eu le mérite de remettre sur le tapis ces questions essentielles. Car, derrière la banalité apparente de la problématique de l’enseignement du Français, se cache l’enjeu de l’efficacité réelle de toutes les pratiques pédagogiques en usage chez nous. On se rend compte que le Français est une matière transversale, sans la maitrise de laquelle aucun apprenant ne peut prétendre accéder aux autres savoirs scolaires. Il apparait clairement comme le nerf des apprentissages scolaires, dans un pays de colonisation française. De ce fait, l’on peut imaginer les répercussions qu’ont eues sur nos enfants, les carences de l’enseignement du Français durant cette dernière décennie. Il ne faut pas chercher loin les causes des échecs massifs au Bac et aux deux premières années d’université. Je n’ose pas imaginer quel est l’avenir d’un pays dont les élites ont échoué à construire des savoirs notionnels précis à des générations entières. A l’heure actuelle, nous en sommes à corriger les impérities du passé pour déjouer les pièges des sombres jours qui nous guettent.

Par Olivier ALLOCHEME

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